samedi 7 juin 2008

Variole

En 1962, la crainte d’une épidémie de variole amena les autorités à interdire le carnaval de Malmédy !

Vers le 29 avril de cette année là – j’avais trois ans et demi – je me souviens de l’hôpital, où l’un de mes frères venait de naître. Du centre de la ville, qui n’avait rien de bien particulier. Mais surtout du journal gratuit qui, au lieu du programme des festivités, affichait le dessin d’une haguette en pleurs. Le masque traditionnel du carnaval de Malmédy était effondré par l’interdiction. La vie des Malmédiens s’arrêtait. Vide de sens !
Ils auraient, sans aucun doute, préféré le carnaval, au risque de la variole ! Quand il s’agissait du cwarmè, les Malmédiens avaient de l’héroïsme.

vendredi 6 juin 2008

Usine

Le matin, deux fois le midi, et le soir aussi, il y avait grand monde sur le chemin des usines.

Deux papeteries, celle du Pont de Warche, en bas de la ville, et Steinbach, en haut. Une tannerie. C’était tous les jours, à heures fixes, un grand déménagement de population qui allait au travail. Des dizaines et des centaines de vélos. Des piétons aussi. Qui se rendaient à l’usine ou qui en revenaient.
Sans grand bruit. Comme si elles étaient de gigantesques électro-aimants. Attirant ou repoussant telle ou telle particule. Inlassablement. Eternellement croyait-on alors !

jeudi 5 juin 2008

Tchiniss

Des tchiniss, c’est des riquettes quoi !

Les Bruxellois (entendez tous ceux qui habitent Bruxelles, le Brabant Wallon, ou y ont jamais habité) disent du brol. Nous on disait tchiniss, riquettes.
Rien de bien glorieux sans doute : range tes tchiniss, je vais jeter toutes ces riquettes,… l’expression était toujours méprisante. Pourtant, que de trésors cachés : un gros coquillage qu’on a frotté sur le pavé pour y faire un trou et s’en servir comme nœud de foulard en colonie, un compas dont on a perdu la pointe, une bouteille d’encre de chine à moitié – ou tout à fait - séchée, une dent de lait, trois pyrites grosses comme des petits pois, une médaille de Saint Roch (« préservez nous du choléra »), un canif plus ou moins suisse, un porte clef - dont le Schtroumpf a disparu depuis longtemps - portant une clef de cadenas – perdu lui aussi -, un carnet presque plein des brigades M, un œil d’ours en peluche, deux pinces à linge en bois, un lance-pierre, deux pièces à trou, un timbre indonésien, une grosse bille – qui fut très jolie – cassée, trois images de chocolat Jacques, un emballage (perdant) de bazooka,… et un raton laveur !

mercredi 4 juin 2008

Sirop de souris

Si tu fais encore pipi au lit, on te donnera du sirop de souris !

Je le confesse, longtemps j’ai fait pipi au lit ! Ils n’étaient pas méchants les voisins, que du contraire, qu’aurions-nous fait sans leur acceuil bienveillant lorsque nos parents étaient débordés, mais leurs méthodes éducatives laissaient à désirer !
Contre la toux, le sirop de limaces. Que j’imaginais sorti de ses verres de bière que les jardiniers alors enterraient dans les jardins. Je n’aimais pas la bière, et je savais que je n’aimerais pas plus la limace. Alors, les deux, pensez donc !
Contre le pipi au lit, le sirop de souris. Que je n’ai jamais pu me représenter d’ailleurs. Mais qui ne me tentait pas plus que celui à la limace. Sachant d’expérience combien une souris était plus solide qu’une limace. Craignant par-dessus tout qu’il en reste quelque morceau dans la potion au moment d’avoir à l’avaler.
De plus, ça ne marchait pas ! Nous ne toussions pas moins, ni ne pissions moins au lit, d’imaginer la torture. Que du contraire peut-être.

mardi 3 juin 2008

Remise des prix

La remise des prix, une vraie torture pour l’élève moyen !

Suant de suffisance, le bon élève s’avance. La tête haute et le torse bombé. En plus des trois livres qui nous revenaient à chacun – l’école communale avait alors à cœur de promouvoir la lecture dans les familles – il en ramassait plein d’autres, et des gros, lui faisant un bagage presque aussi gros que notre cartable de tous les jours. Puis venait le défilé des anonymes, des moyens mêlés aux médiocres. Pas de pitié pour aucun. Ne pas être le premier, le second, à la limite ne troisième, était un crime ; devait être sanctionné. Le médiocre quatrième et le bon dernier subissaient le même sort : 3 livres et un regard distrait d’un directeur déjà fatigué d’une distribution qui s’éternise. Même le dernier pouvait se sentir plus heureux. Passant le dernier, au moins, il était un peu remarqué. Tout le monde savait qui il était.
Plus terrible encore quand cette fameuse remise des prix se faisait dans la grande salle de l’école, et qu’au lieu de la modeste et familière estrade, c’est la scène qu’il fallait escalader pour exhiber toute sa médiocrité.
La consolation venait au retour à la maison lorsque ma mère ramassait tous les livres de la famille. Elle en écartait parfois – rarement – l’un ou l’autre, qui avait l’heur de nous plaire, et qui tranchait par rapport à la confondante bêtise et manque d’imagination de l’ensemble (A nous six, nous avons sûrement ramené au moins 4 ou 5 « Capitaine courageux » et au moins autant de l’un ou l’autre de ceux que nos maîtres jugeaient indispensables à toute bonne bibliothèque). Mais l’essentiel disparaissait le jour même, et reprenait le chemin de la librairie qui nous les échangeait contre des ouvrages un peu plus conformes à nos vœux ! La vraie remise des prix, c’est bien ma mère qui la faisait.

lundi 2 juin 2008

Quetsche

On disait : je voudrais une bière, une poire, une quetsche, un genièvre… On ne parlait pas de marque ! ou si rarement. On changeait de café, on changeait de marque !

Et pourtant, les gens préféraient bien la Jupiler ou la Stella. Et le genièvre de Géromont ou celui des Hollandais.
Et, quand il n’y avait pas de quetsche… et bien on buvait une poire !

dimanche 1 juin 2008

Papier carbone

Une feuille de papier, un papier carbone, une autre feuille de papier, un autre papier carbone, la dernière feuille de papier, le tout dans la machine à écrire. Avant la photocopie, magie du carbone, qui permettait de multiplier les messages.

Le papier carbone ? Je parie que mes gosses n’en ont jamais vu. Ca fait d’ailleurs au moins vingt ans que je n’en ai plus vu moi-même. Le matériau, quelque chose qui ressemblait à du plastique, très fin et résistant à la fois. Noir. La frappe de la machine à écrire se transmettait à travers le papier, et le carbone laissait sa trace d’encre sur la page suivante. Simplissime.
J’en ai utilisé des tonnes, et d’autres aussi. S’imagine-t-on l’énergie qu’il aurait fallu autrement pour écrire à tous ses copains, à toute la famille, pour donner chaque fois les mêmes nouvelles quand on vivait au loin ? Il n’était pas encore question de mémoire informatique, et la photocopie, quand elle est apparue était aussi instable que chère.
Tiens, et à force d’y penser, il me semble aussi que le papier carbone avait une odeur particulière. Quelque chose de très subtil, que je n’arrive plus à retrouver vraiment. Je l’ai là, sur le bout du nez, comme d’autres ont un mot sur le bout de la langue.