Tous les 45 tours récents étaient présents dans le juke-box de la piscine.
Dans les cafés d’alors, il n’y avait pas de musique de fond. Pas de radio, pas de télévision allumée en permanence.
Alors parfois, quelqu’un se dirigeait vers le juke-box. Enfournait quelques pièces. Sélectionnait ses morceaux. Et retournait à sa place.
Pour nous les gosses, ce n’était pas tant la musique qui nous attirait que la précision de la mécanique qui se mettait en route. Un bras prélevait le 45 tours, le posait sur le tourne disque dans le bon sens (eh oui, un 45 tours, comme un 33, avait deux faces) et la musique commençait. A la fin du morceau, le disque était rangé à sa place et le suivant le remplaçait.
Pas besoin de Wurlitzer somptueux, n’importe quel juke-box était comme un miracle de technologie, comme apporté là par quelque civilisation extra-terrestre.
Quant aux morceaux. Je ne me souviens que de variété française. Sirupeuse à souhait … « Pour un petit tour, au petit jour, entre tes draps… pour un petit tour, au petit jour, entre tes bras… la, la, la, lala, la lalala… » Ou plus animée « Si j’avais un marteau… » … Que de toute manière nous n’entendrions jamais à la maison.
mercredi 5 mars 2008
mardi 4 mars 2008
Interlock
Interlock, dralon, nylon, velours, jersey, pilou, tergal,…
Ce sont les sept qui me viennent immédiatement à la mémoire. Mais nous en connaissions d’autres, des noms de tissus.
Il est vrai que notre mère – comme tant d’autres à l’époque – cousait tout ou partie de nos vêtements. Et que mon père, en bon Verviétois, avait fait des études textiles.
Mais ce n’était pas tout. Les vêtements n’étaient pas simplement des objets qu’on achetait, qu’on utilisait si peu de temps, et puis que l’on jetait.
Faits à la maison, ou hérités d’un cousin plus âgé, même neufs ils avaient déjà parfois une histoire et gardaient une origine. Made in China ne figurait alors sur aucune étiquette. Ils venaient donc bien de quelque part, et surtout de quelqu'un. Comme les costumes de mon père, taillés sur mesure. Un luxe aujourd'hui. La norme à l'époque.
Ce sont les sept qui me viennent immédiatement à la mémoire. Mais nous en connaissions d’autres, des noms de tissus.
Il est vrai que notre mère – comme tant d’autres à l’époque – cousait tout ou partie de nos vêtements. Et que mon père, en bon Verviétois, avait fait des études textiles.
Mais ce n’était pas tout. Les vêtements n’étaient pas simplement des objets qu’on achetait, qu’on utilisait si peu de temps, et puis que l’on jetait.
Faits à la maison, ou hérités d’un cousin plus âgé, même neufs ils avaient déjà parfois une histoire et gardaient une origine. Made in China ne figurait alors sur aucune étiquette. Ils venaient donc bien de quelque part, et surtout de quelqu'un. Comme les costumes de mon père, taillés sur mesure. Un luxe aujourd'hui. La norme à l'époque.
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I
lundi 3 mars 2008
Heyes
Le 6 janvier, nous les enfants allions faire les heyes de maison en maison.
Pourquoi faut-il donc abolument que les enfants d’aujourd’hui emboitent le pas aux petits Américains pour copier leurs, très commerciales, coutumes de halloween. Revêtent des costumes de supermarché. Et tentent d'imiter péniblement ce qu'ils ont vu - en version doublée évidemment - dans les films.
Pour notre part, chaque année, le 6 janvier nous ne manquions pas d’ailler heyi (ou faire les heyes).
Sur le pas des portes, dans le soir qui tombe si tôt à cette époque, nous chantions – en wallon naturellement - notre chanson. «Binamé nosdames no v’nan heyi…» et la suite à l’avenant. La chanson disait que c’étaient les rois mages qui nous avaient envoyés - ou, quand nous serions plus grands, une version légèrement modifiée, prétendant que c'était plutôt l'abbé Wimbomont qui nous envoyait, responsable des collectes pour les missions, et grand "bribeux" de tous les instants -.
En retour, nous recevions quelques chiques, si rarement, une pièce de monnaie - pas vraiment appréciée -.
Et si j'ai longtemps cru que heyi était synonyme de mendier... l'Internet m'a enfin démenti, m'apprenant que les "heyes" c'est l'équivalent wallon des "Christmas carols" anglais, les chants de et autour de la Noël.
Mais j'ai été plus heureux encore lorsqu'un jour, il y a une bonne dizaine d'année, j'ai pu voir une photo de gosses suivant exactement la même tradition. Et s'en allant de maison en maison ce même 6 janvier. C'était dans le Standaard magazine. Et cela se passait dans la campagne flamande. Me laissant donc croire que le petit Flamand pourrait partager certaines coutumes avec le petit Wallon... malgré tous les stupides discours séparatistes, ratachistes, racistes et nationalistes.
Et que les particularités locales seront donc un jour peut-être l'occasion de rencontres fertiles plutôt que de divisions stériles !
Pourquoi faut-il donc abolument que les enfants d’aujourd’hui emboitent le pas aux petits Américains pour copier leurs, très commerciales, coutumes de halloween. Revêtent des costumes de supermarché. Et tentent d'imiter péniblement ce qu'ils ont vu - en version doublée évidemment - dans les films.
Pour notre part, chaque année, le 6 janvier nous ne manquions pas d’ailler heyi (ou faire les heyes).
Sur le pas des portes, dans le soir qui tombe si tôt à cette époque, nous chantions – en wallon naturellement - notre chanson. «Binamé nosdames no v’nan heyi…» et la suite à l’avenant. La chanson disait que c’étaient les rois mages qui nous avaient envoyés - ou, quand nous serions plus grands, une version légèrement modifiée, prétendant que c'était plutôt l'abbé Wimbomont qui nous envoyait, responsable des collectes pour les missions, et grand "bribeux" de tous les instants -.
En retour, nous recevions quelques chiques, si rarement, une pièce de monnaie - pas vraiment appréciée -.
Et si j'ai longtemps cru que heyi était synonyme de mendier... l'Internet m'a enfin démenti, m'apprenant que les "heyes" c'est l'équivalent wallon des "Christmas carols" anglais, les chants de et autour de la Noël.
Mais j'ai été plus heureux encore lorsqu'un jour, il y a une bonne dizaine d'année, j'ai pu voir une photo de gosses suivant exactement la même tradition. Et s'en allant de maison en maison ce même 6 janvier. C'était dans le Standaard magazine. Et cela se passait dans la campagne flamande. Me laissant donc croire que le petit Flamand pourrait partager certaines coutumes avec le petit Wallon... malgré tous les stupides discours séparatistes, ratachistes, racistes et nationalistes.
Et que les particularités locales seront donc un jour peut-être l'occasion de rencontres fertiles plutôt que de divisions stériles !
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H
dimanche 2 mars 2008
Gai
J’ai bon, c’est gai !
Riez. Riez si vous voulez. Grand bien vous fasse.
J’ai bon vous fait rire… et gai est pour vous synonyme d’homosexuel ? Après notre vilain accent nous faudra-t-il à son tour renier tout à fait notre langue pour la conformer à l’idéal parisien ?
Les localismes, les accents et les patois sont comme des épices pour la bouche et les oreilles. Enlevez les et vous consommerez une langue surgelée ou en conserves. Combattez-les, et c’est le sel que vous supprimez de tous vos plats. Méprisez-les, et vous vous condamnez en même temps que nous à l’éternel fast-food de la pratique du bon français de Paris !
Je garde donc mon c’est gai, pour dire que je m’amuse, que je suis bien, que j’ai bon. Je le garde parce je m’y sens si bien que j’y reviendrai si on me le permet. Je le garde enfin pour la simplicité de la déclaration. Que voudriez vous que je vous dise à la place : c’est amusant ? c’est plaisant ?
Non. C’est gai !
Riez. Riez si vous voulez. Grand bien vous fasse.
J’ai bon vous fait rire… et gai est pour vous synonyme d’homosexuel ? Après notre vilain accent nous faudra-t-il à son tour renier tout à fait notre langue pour la conformer à l’idéal parisien ?
Les localismes, les accents et les patois sont comme des épices pour la bouche et les oreilles. Enlevez les et vous consommerez une langue surgelée ou en conserves. Combattez-les, et c’est le sel que vous supprimez de tous vos plats. Méprisez-les, et vous vous condamnez en même temps que nous à l’éternel fast-food de la pratique du bon français de Paris !
Je garde donc mon c’est gai, pour dire que je m’amuse, que je suis bien, que j’ai bon. Je le garde parce je m’y sens si bien que j’y reviendrai si on me le permet. Je le garde enfin pour la simplicité de la déclaration. Que voudriez vous que je vous dise à la place : c’est amusant ? c’est plaisant ?
Non. C’est gai !
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G
samedi 1 mars 2008
Farde
Pour un fin dossier, ne dites pas chemise, dites farde, et pour une cartouche de cigarettes, dites farde aussi.
Google me propose d’essayer aussi classeur ! Mais un classeur, c’est plus gros. Une farde, c’est fin, compact. Et franchement, je préfère farde.
En plus, farde, c’est un mot pour faire rêver et voyager. C’est un mot arabe pour un colis porté par les animaux de bât ! Du tabac, du papier, rien que des matières précieuses et magiques.
Laissons donc les cigarettes françaises être livrées très militairement dans des cartouches… et les feuilles volantes de leurs petits élèves être ordonnées strictement dans des classeurs… Chez nous l’un et l’autre continueront je l’espère à nous être livrés par des chameliers, dans des emballages aux odeurs de miel, d’épices et de soleil !
Google me propose d’essayer aussi classeur ! Mais un classeur, c’est plus gros. Une farde, c’est fin, compact. Et franchement, je préfère farde.
En plus, farde, c’est un mot pour faire rêver et voyager. C’est un mot arabe pour un colis porté par les animaux de bât ! Du tabac, du papier, rien que des matières précieuses et magiques.
Laissons donc les cigarettes françaises être livrées très militairement dans des cartouches… et les feuilles volantes de leurs petits élèves être ordonnées strictement dans des classeurs… Chez nous l’un et l’autre continueront je l’espère à nous être livrés par des chameliers, dans des emballages aux odeurs de miel, d’épices et de soleil !
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F
vendredi 29 février 2008
Epicier
Le matin, l’épicier partait sur son lourd vélo noir pour livrer les clients.
Il portait un cache poussière d’épicier. Gris. Et une tête d’épicier. Grise aussi et chauve. Il semblait autant faire partie de son épicerie que les rayonnages ou la caisse enregistreuse.
Chaque jour il livrait ses clientes - évidemment, les hommes étaient au boulot pendant la journée, seules les femmes et les pensionnés étaient à la maison - sur son vélo d’épicier. Une sorte de monstre avec un plateau pour les colis à l’avant.
Un enfant aurait pu y tenir un instant, mais en fragile équilibre seulement et trop loin du sol pour que ce soit agréable bien longtemps. Le vélo de l'épicier n'était vraiment pas un jeu.
L’épicier, le facteur et d’autres encore visitaient chaque jour vieux et moins vieux. Le courrier, les denrées livrées s'accompagnaient d'une plaisanterie, d'un bout de conversation. Et le quartier semblait alors être redevenu un village.
Il portait un cache poussière d’épicier. Gris. Et une tête d’épicier. Grise aussi et chauve. Il semblait autant faire partie de son épicerie que les rayonnages ou la caisse enregistreuse.
Chaque jour il livrait ses clientes - évidemment, les hommes étaient au boulot pendant la journée, seules les femmes et les pensionnés étaient à la maison - sur son vélo d’épicier. Une sorte de monstre avec un plateau pour les colis à l’avant.
Un enfant aurait pu y tenir un instant, mais en fragile équilibre seulement et trop loin du sol pour que ce soit agréable bien longtemps. Le vélo de l'épicier n'était vraiment pas un jeu.
L’épicier, le facteur et d’autres encore visitaient chaque jour vieux et moins vieux. Le courrier, les denrées livrées s'accompagnaient d'une plaisanterie, d'un bout de conversation. Et le quartier semblait alors être redevenu un village.
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E
jeudi 28 février 2008
La dame des téléphones
Quand on avait actionné la manivelle, on obtenait la dame des téléphones.
Avant le GSM il y avait donc le téléphone fixe, avec un clavier. Avant le clavier, le téléphone à cadran rotatif. Et avant le cadran rotatif le téléphone à manivelle. Et avant le téléphone à manivelle, les Belges vivaient dans les cavernes !
Quand on tournait la manivelle, la Dame des téléphones décrochait. Vous demandait qui vous vouliez appeler – comme dans le sketch de Fernand Reynaud, pas vraiment le 22 à Asnières mais par exemple le 575 à Malmédy -. Elle vous mettait en communication, et le tour était joué.
Dans les entreprises, c’était la même chose. On obtenait le central qui vous connectait vers la personne que vous appeliez en branchant des câbles dans un grand tableau.
Mais peu importe la technique. Il y avait donc une dame derrière le téléphone.
Peut-on l’imaginer aujourd’hui ? Ne parlons pas des téléphones, où tout est automatique, mais même mon banquier est remplacé par un guichet automatique. Savez-vous qu’il y avait aussi un pompiste, qui mettait l’essence dans votre réservoir; pas besoin de sortir de sa voiture. Qu'il y avait aussi un poinçonneur - je crois qu'on l'appelait le controlleur - dans le bus, qui validait votre ticket ou vous en vendait un.
Mais le plus amusant, avec la dame des téléphones, c’est - puisqu'on ne la voyait jamais - qu’on pouvait l’imaginer comme on voulait. Pour ma part, je la voyais grosse, très grosse, avec de gros doigts et un bon gros sourire de grosse, et de longs cheveux gras de grosse !
Et tant pis si elle était petite et maigre. Pour moi, elle sourira pour toujours, mille fois plus que n’importe quelle voix automatique !
Avant le GSM il y avait donc le téléphone fixe, avec un clavier. Avant le clavier, le téléphone à cadran rotatif. Et avant le cadran rotatif le téléphone à manivelle. Et avant le téléphone à manivelle, les Belges vivaient dans les cavernes !
Quand on tournait la manivelle, la Dame des téléphones décrochait. Vous demandait qui vous vouliez appeler – comme dans le sketch de Fernand Reynaud, pas vraiment le 22 à Asnières mais par exemple le 575 à Malmédy -. Elle vous mettait en communication, et le tour était joué.
Dans les entreprises, c’était la même chose. On obtenait le central qui vous connectait vers la personne que vous appeliez en branchant des câbles dans un grand tableau.
Mais peu importe la technique. Il y avait donc une dame derrière le téléphone.
Peut-on l’imaginer aujourd’hui ? Ne parlons pas des téléphones, où tout est automatique, mais même mon banquier est remplacé par un guichet automatique. Savez-vous qu’il y avait aussi un pompiste, qui mettait l’essence dans votre réservoir; pas besoin de sortir de sa voiture. Qu'il y avait aussi un poinçonneur - je crois qu'on l'appelait le controlleur - dans le bus, qui validait votre ticket ou vous en vendait un.
Mais le plus amusant, avec la dame des téléphones, c’est - puisqu'on ne la voyait jamais - qu’on pouvait l’imaginer comme on voulait. Pour ma part, je la voyais grosse, très grosse, avec de gros doigts et un bon gros sourire de grosse, et de longs cheveux gras de grosse !
Et tant pis si elle était petite et maigre. Pour moi, elle sourira pour toujours, mille fois plus que n’importe quelle voix automatique !
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