Le temps qui passait se mesurait à la longueur des jupes des filles.
Pas qu’on les regardait particulièrement, mais dès lors qu’une moitié au moins de l’humanité (sans compter les Ecossais et les curés !) portait jupe ou robe, les variations saisonnières et annuelles pouvaient bien se remarquer.
Maxi, midi, mini, et maxi de nouveau, et midi encore… Passaient les années et les saisons. Midi à nouveau, et maxi.
Verrait-on donc des genoux, seulement des mollets ou rien que des chaussures dans la rue cette saison ? Même les minijupes les plus courtes d’alors n’en révélaient pas beaucoup plus, et pourraient faire à certaines filles d’aujourd’hui figure de bourka.
Le pantalon est passé par là. Et les journaux ne titrent plus sur la longueur des jupes des filles.
lundi 28 avril 2008
dimanche 27 avril 2008
Ecole des filles
S’il y avait une école des filles, c’est bien qu’il y avait une école des garçons !
Prétendue naturelle à l’époque, cette séparation entre garçons et filles. Dix ans plus tard, elle était un enjeu. Dix ans après encore, elle n'était plus que risible et rétrograde.
Naturelle évidemment, puisque les filles étaient si différentes des garçons. Portaient des jupes. Sautaient à la corde. Jouaient à l’élastique. Riaient fort. Pleuraient. Crachaient et griffaient. Ou chantaient. Toutes des choses que jamais un garçon n’auraient faites. En tout cas, jamais dans une cour de récréation.
Une rue nous séparait. Pas tout à fait, puisque nous la traversions pour rejoindre certaines classes. Mais, c'est sûr, une rue séparait nos cours de récréation, et là était toute la différence.
Une rue et des siècles de culture.
Et pourtant, nous avions des sœurs !
Prétendue naturelle à l’époque, cette séparation entre garçons et filles. Dix ans plus tard, elle était un enjeu. Dix ans après encore, elle n'était plus que risible et rétrograde.
Naturelle évidemment, puisque les filles étaient si différentes des garçons. Portaient des jupes. Sautaient à la corde. Jouaient à l’élastique. Riaient fort. Pleuraient. Crachaient et griffaient. Ou chantaient. Toutes des choses que jamais un garçon n’auraient faites. En tout cas, jamais dans une cour de récréation.
Une rue nous séparait. Pas tout à fait, puisque nous la traversions pour rejoindre certaines classes. Mais, c'est sûr, une rue séparait nos cours de récréation, et là était toute la différence.
Une rue et des siècles de culture.
Et pourtant, nous avions des sœurs !
samedi 26 avril 2008
Jeuner
Pas question de manger avant la messe. Vous seriez en état de péché…
Jeuner avant la messe du dimanche. Jeuner pendant le carême. Jeuner avant la messe de minuit, à Pâques et à Noël. Jeuner encore. Jeuner pour les pauvres. Jeuner pour les petits noirs. Jeuner à cause de nos péchés. Et si on n'en n'a pas commis, jeuner à cause du péché originel. Ils n’avaient que ce mot là à la bouche.
Comme s’il y avait eu une contre-indication médicale à l’absorption d’hostie lorsque l’estomac aurait contenu quoi que ce soit. Qu’en plus de notre âme, ce serait notre corps que nous aurions mis en danger.
Et jeuner avant d’aller à la piscine… se languir deux heures durant en été devant une rivière, de peur d'hydrocution. Et jeuner encore avant d’aller chez le médecin…
Et, évidemment, au seul endroit où nous aurions parfois voulu le faire, il n’était pas possible de jeuner ! C’était à la maison, quand nous n’aimions pas ce qui était sur la table…
Tu le manges maintenant, ou bien on te le servira froid plus tard !
Le monde est mal fait!
Jeuner avant la messe du dimanche. Jeuner pendant le carême. Jeuner avant la messe de minuit, à Pâques et à Noël. Jeuner encore. Jeuner pour les pauvres. Jeuner pour les petits noirs. Jeuner à cause de nos péchés. Et si on n'en n'a pas commis, jeuner à cause du péché originel. Ils n’avaient que ce mot là à la bouche.
Comme s’il y avait eu une contre-indication médicale à l’absorption d’hostie lorsque l’estomac aurait contenu quoi que ce soit. Qu’en plus de notre âme, ce serait notre corps que nous aurions mis en danger.
Et jeuner avant d’aller à la piscine… se languir deux heures durant en été devant une rivière, de peur d'hydrocution. Et jeuner encore avant d’aller chez le médecin…
Et, évidemment, au seul endroit où nous aurions parfois voulu le faire, il n’était pas possible de jeuner ! C’était à la maison, quand nous n’aimions pas ce qui était sur la table…
Tu le manges maintenant, ou bien on te le servira froid plus tard !
Le monde est mal fait!
Libellés :
J
vendredi 25 avril 2008
Incendies
Nous adorions les incendies !
La ville était parsemée de sirènes publiques, destinées à appeler les pompiers volontaires au service - et puis aussi, on ne sait jamais, à avertir la population en cas de bombardement -. A la première sonnerie, nous sautions sur nos vélos. Guettions le pin-pon du camion des pompiers, qui nous indiquerait quelle direction il allait prendre. Vérifions si par hasard aucune fumée n’était visible au dessus de l’horizon, désignant un incendie dans l’une ou l’autre vallée proche.
Et puis, quelques instants plus tard, fusait le premier bolide rouge. Rapidement suivi d’un ou deux autres. Et au milieu, une bande de gosses, pédalant comme des dératés, impatients de rejoindre les lieux du sinistre.
S’agissait-il d’une maison, il n’y avait pas vraiment de raison de se réjouir. Moins encore d’occasion de participer au travail d’extinction. C’était là une chose sérieuse, grave, dans laquelle nous sentions que nous n’aurions pas notre place. Nous nous tenions alors à bonne distance. Et quittions les lieux dès que nous savions de quoi il s’agissait. Au moins, nous aurions pédalé tout notre saoul.
Mais lorsqu’il s’agissait d’un bois ou d'un bout de lande, nous étions à la fête. Et il ne serait venu à l’idée de personne de nous éloigner des lieux du sinistre. Il fallait parfois porter les tuyaux – dans les bois et les talus -, en assistance aux pompiers qui affrontaient les flammes, et pouvaient difficilement contrôler cet encombrant reptile. Ou bien, plus amusant encore, nous étions dans la ligne de front. Une branche feuillue à la main, un mouchoir noué sur la bouche si la fumée était trop forte. Battant comme des fous les flammes rugissantes, nous lançant comme des chevaliers du temps jadis à l’assaut du feu, puis des brasiers résiduels, enfin des quelques flammèches qui résistaient.
Nous rentrions à la maison noirs de suie et fourbus. Mais toujours, un sourire éclatant témoignait de la bonne journée que nous venions de passer ! Et pas besoin de rêver d’un jour devenir pompier. Nous l’étions déjà !
La ville était parsemée de sirènes publiques, destinées à appeler les pompiers volontaires au service - et puis aussi, on ne sait jamais, à avertir la population en cas de bombardement -. A la première sonnerie, nous sautions sur nos vélos. Guettions le pin-pon du camion des pompiers, qui nous indiquerait quelle direction il allait prendre. Vérifions si par hasard aucune fumée n’était visible au dessus de l’horizon, désignant un incendie dans l’une ou l’autre vallée proche.
Et puis, quelques instants plus tard, fusait le premier bolide rouge. Rapidement suivi d’un ou deux autres. Et au milieu, une bande de gosses, pédalant comme des dératés, impatients de rejoindre les lieux du sinistre.
S’agissait-il d’une maison, il n’y avait pas vraiment de raison de se réjouir. Moins encore d’occasion de participer au travail d’extinction. C’était là une chose sérieuse, grave, dans laquelle nous sentions que nous n’aurions pas notre place. Nous nous tenions alors à bonne distance. Et quittions les lieux dès que nous savions de quoi il s’agissait. Au moins, nous aurions pédalé tout notre saoul.
Mais lorsqu’il s’agissait d’un bois ou d'un bout de lande, nous étions à la fête. Et il ne serait venu à l’idée de personne de nous éloigner des lieux du sinistre. Il fallait parfois porter les tuyaux – dans les bois et les talus -, en assistance aux pompiers qui affrontaient les flammes, et pouvaient difficilement contrôler cet encombrant reptile. Ou bien, plus amusant encore, nous étions dans la ligne de front. Une branche feuillue à la main, un mouchoir noué sur la bouche si la fumée était trop forte. Battant comme des fous les flammes rugissantes, nous lançant comme des chevaliers du temps jadis à l’assaut du feu, puis des brasiers résiduels, enfin des quelques flammèches qui résistaient.
Nous rentrions à la maison noirs de suie et fourbus. Mais toujours, un sourire éclatant témoignait de la bonne journée que nous venions de passer ! Et pas besoin de rêver d’un jour devenir pompier. Nous l’étions déjà !
Libellés :
I
jeudi 24 avril 2008
Huile de foie de morue
L’huile de foie de morue c’est vraiment dégueulasse !
Une véritable horreur. Un truc gluant et puant. Et il aurait peut-être fallu faire la file pour être servi, avoir sa dose, comme on le ferait pour une distribution de chiques ou de vitamines – ça au moins c’était bon, les vitamines ! -…
Tellement dégueulasse que même les pharmaciens s’en sont rendu compte et ont inventé la gélule d’huile de foie de morue. Un remède nettement moins rébarbatif… mais pas vraiment appétissant non plus. Au moins, avec une gorgée d’eau, la gélule était avalée… et pouvait disparaître au fond des entrailles pour y libérer – en même temps que ses relents d’origine – ses bienfaits prétendus.
Car, a en croire les anciens, sans cette huile de foie de morue, on ne passerait pas l’hiver… Sans elle, on deviendrait blancs comme des poireaux... On serait définitivement maigres et pâles...
Mais alors, si c’était si bon, si important et si vital finalement, pourquoi est-ce que eux, les adultes, n’en prenaient pas ?
Une véritable horreur. Un truc gluant et puant. Et il aurait peut-être fallu faire la file pour être servi, avoir sa dose, comme on le ferait pour une distribution de chiques ou de vitamines – ça au moins c’était bon, les vitamines ! -…
Tellement dégueulasse que même les pharmaciens s’en sont rendu compte et ont inventé la gélule d’huile de foie de morue. Un remède nettement moins rébarbatif… mais pas vraiment appétissant non plus. Au moins, avec une gorgée d’eau, la gélule était avalée… et pouvait disparaître au fond des entrailles pour y libérer – en même temps que ses relents d’origine – ses bienfaits prétendus.
Car, a en croire les anciens, sans cette huile de foie de morue, on ne passerait pas l’hiver… Sans elle, on deviendrait blancs comme des poireaux... On serait définitivement maigres et pâles...
Mais alors, si c’était si bon, si important et si vital finalement, pourquoi est-ce que eux, les adultes, n’en prenaient pas ?
mercredi 23 avril 2008
Gletter
Mange proprement ! Arrête de gletter partout !
Encore un de ces mots irremplaçables. De gletter, j’en ai plein la bouche rien qu’à le dire… et la salive déborde juste du plaisir d’entendre ce mot. Gletter, cela peut être aussi facile que de faire des châteaux de sable. Gletter, c’est comme manger des gaufres à la confiture. J’en glette de plaisir !
Mais, aussi, gletter, c’est simplement, ou salement, baver…
Si simplement ? N’entendez vous pas la bave dans le mot même ? Le génie d’une langue qui n’est pas qu’une série de sons et de mots alignés. Une langue pratique plutôt que savante. Des mots qui collent à la vie de ceux qui la disent. Qui disent le gras, la puanteur, et toutes ces sensations du corps là où elles sont et disent ce qui est…
Des mots physiques, charnels. De ceux qui se disent avec toute la bouche comme d’autre se disent avec un mouvement du corps, de la main ou du pied. A mille lieues de la langue pincée des salons.
Et qui au delà de la simplicité, de la brutalité ou de la vulgarité apparente font d'un mot si simple tout un concentré d'une expérience totale, qui nous replonge par la magie d'un mot évoqué dans un de ces instants où une voix exaspérée nous a dit: "Arrête de gletter !"
Encore un de ces mots irremplaçables. De gletter, j’en ai plein la bouche rien qu’à le dire… et la salive déborde juste du plaisir d’entendre ce mot. Gletter, cela peut être aussi facile que de faire des châteaux de sable. Gletter, c’est comme manger des gaufres à la confiture. J’en glette de plaisir !
Mais, aussi, gletter, c’est simplement, ou salement, baver…
Si simplement ? N’entendez vous pas la bave dans le mot même ? Le génie d’une langue qui n’est pas qu’une série de sons et de mots alignés. Une langue pratique plutôt que savante. Des mots qui collent à la vie de ceux qui la disent. Qui disent le gras, la puanteur, et toutes ces sensations du corps là où elles sont et disent ce qui est…
Des mots physiques, charnels. De ceux qui se disent avec toute la bouche comme d’autre se disent avec un mouvement du corps, de la main ou du pied. A mille lieues de la langue pincée des salons.
Et qui au delà de la simplicité, de la brutalité ou de la vulgarité apparente font d'un mot si simple tout un concentré d'une expérience totale, qui nous replonge par la magie d'un mot évoqué dans un de ces instants où une voix exaspérée nous a dit: "Arrête de gletter !"
Libellés :
G
mardi 22 avril 2008
Fete Dieu
De la fête Dieu, je n’ai vu que des ailes. De ces accessoires d’angelot, en tulle, qui devaient être portées par ma petite voisine d’en face.
Mes parents, bien que très religieux à leur manière, n’y participaient pas. Estimant que c’était tant de carnaval et si peu de religion. La laissaient donc aux vrais carnavaleux, les Malmédiens.
En grattant un peu encore ce qu’il me reste de mémoire de ces jours là, il me semble tout de même capturer encore une image. Le carrefour du début de la rue Chemin Rue parsemé de pétales de rose.
Et ça, c’est certain. Ca ne date pas du carnaval !
Mes parents, bien que très religieux à leur manière, n’y participaient pas. Estimant que c’était tant de carnaval et si peu de religion. La laissaient donc aux vrais carnavaleux, les Malmédiens.
En grattant un peu encore ce qu’il me reste de mémoire de ces jours là, il me semble tout de même capturer encore une image. Le carrefour du début de la rue Chemin Rue parsemé de pétales de rose.
Et ça, c’est certain. Ca ne date pas du carnaval !
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