lundi 28 juillet 2008

Univers (Tout l')

« Tout l’Univers » était à l’Encyclopedia Universalis et au dictionnaire Larousse ce que « la tour de garde » est à la Bible: rien qu'une divagation pitoyable sur le même thème.

Pas plus que des rumeurs, l’Internet n’a été la première à enfanter d'approximations douteuses. Elles étaient là bien avant. Pour notre plus grand malheur, certains de nos instituteurs avaient de bien piètres lectures. Et dans le monde agité par la tornade du modernisme des années 50 et 60, où la télévision ne prenait pas grand place encore, les lectures, et leur choix, faisaient évidemment l’homme.

Il y avait ceux qui ne se rendaient pas compte que le monde changeait. Qui, du fond d’un grenier, d’un coin de remise dans l’école communale, extrayaient un bout de livre qui, croyaient-ils, expliquait tout. Le monde. La vie. Les choses. Pour peu que le livre soit de qualité, ce n’était pas bien grave. Ils se rendaient vite compte, avec nous, que Malmedy n’était plus en Prusse depuis longtemps et que leurs manuels ne nous livreraient aucune explication sur le fonctionnement de la locomotive diesel. Et s’ils parlaient d’un monde un peu couvert de poussière, encore celui-ci était-il solide et véridique. Un peu trop peuplé d'exemples anciens, d'objets et de personnages qui voguaient vers l'oubli. Mais, reconnaissons-le, les baignoires qui fuient et les robinets qui coulent ainsi que les trains qui roulent l'un vers l'autre n'ont pas, du jour au lendemain, changé les lois de la mathématique sous l'effet de l'apparition du vinyl, du diesel ou de la généralisation de l'eau chaude dans les salles de bain.

Il y avait ensuite ceux qui ne juraient – déjà – que par la vulgarisation. Parce que, le plus souvent, c’était la seule qu’ils comprenaient. Ils étaient faciles à reconnaître eux aussi, s'enthousiasmant, au fil des parutions de Science et Vie ou d’un article dans la presse, pour tel ou tel nouveau sujet. Tête baissée, ils fonçaient vers le futur. Déliraient tout éveillés, avec les auteurs d’alors, sur cet an 2000 qui nous semblait si éloigné. Mais finalement, ils n’y comprenaient pas grand-chose. Tout juste attachés aux épiphénomènes – le poids du téléphone bracelet, la taille de la fusée qui nous emmènerait sur la lune et le nombre exact des passagers, la vitesse du train -, ils en oubliaient de nous enseigner l’essentiel : quelle technique ou quelle loi de la physique permettrait ces futurs et si prochains miracles. Semblaient tenir pour négligeable que nous serions de ces temps, qu'ils décrivaient dans leur folie anticipationiste, pour leur donner un jour tort ou raison. Au moins leur passion valait-elle la peine d'être transmise à la génération montante.

Les derniers enfin – il y a prescription, mais permettez-moi de ne pas citer de nom -, imbus de leur ignorance, le mégot fumant au coin de la bouche, la baguette à la main – qui claquait sur le tableau, sur une table, sur une main parfois -, pitoyables missionnaires de l’approximation, répétaient – mal – ce qu’ils avaient lu dans des publications douteuses. Et, si par hasard le doute émergeait malgré tout d’une tête ainsi quotidiennement lobotomisée, l’argument d’autorité était toujours le même : c’était écrit dans « Tout l’Univers ». C'était donc vrai ! De même qu'avant eux, et aujourd'hui encore, de stupides censeurs de toutes les religions ont toujours prétendu dicter les formes du monde au gré du grand livre de leurs propres ignorances !

dimanche 27 juillet 2008

Telegramme

Télégramme et telex on rejoint le musée où le fax les rejoindra bientôt !

Le telex, c’était pour les entreprises, pour les banques. Pour des communications super importantes. Pas pour le peuple.
Le télégramme, c’était aussi important. Le messager des grands moments : une naissance, un décès. Celui des urgences aussi. Il atteignait même ceux qui n’avaient pas le téléphone.
Un statut d’autant plus particulier qu’il figurait dans tous les types de récits : dans la bande dessinée, dans les romans, dans les sketches et dans les chansons…
Tout le monde connaissait le télégramme. Mais combien en ont effectivement reçu ? Pour ma part, j’en ai seulement une fois tenu un en main… Qui ne m’était même pas destiné et que je n’ai donc jamais lu. Mais, plus étrange encore, il me semble me souvenir d'en avoir un jour envoyé un. Raté encore... celui là non plus, je ne l'ai ni reçu, ni lu !

samedi 26 juillet 2008

Sprotchi

C’est todi lu p’tit qu’on sprôtche !

Pour ceux qui ne parlent pas le Belge : « C’est toujours le petit qu’on écrase. »
Sprôtchi, c’est un des plus beaux verbes de la langue wallonne. Un de ces mots qui s’accompagne nécessairement d’une rotation du doigt sur la table ou du pied sur le sol. Porteur d’une infinité de nuances dans l’intonation, au point qu’on pourrait croire qu’une mesure précise de la longueur du « ô » pourrait nous dire la sévérité de l’écrasement et de l’étalement de la victime…
Un chat sur la route ? Sprôtchi ! Le hamster sous le tapis ? Sprôtchi de même ! La voiture du voisin, après la tempête et ses chutes d’arbres ? Sprôtchie…
Laissez voguer votre imagination au gré du mot. Vous verrez que vous en trouverez bien d'autres usages.

vendredi 25 juillet 2008

Rasprutcher

Il m’a tout rasprutché !

Juste pour le plaisir du mot en bouche. Rasprutcher, c’est arroser, éclabousser… avec un pistolet à eau par exemple. Ou mieux, au tuyau d'arrosage.
Vous ne l'avez jamais fait peut-être ?

jeudi 24 juillet 2008

Quincaillerie

Aujourd’hui, on va au brico,… on allait alors à la quincaillerie !

Une sorte de caverne d’Ali Baba.
Avec son gardien d’abord. Une sorte d’ogre peut-être. Aimable comme une porte de prison. Ou bien si lent. Trainant ses savates d’un rayon à l’autre. Plus fatigué à chaque commande. Ou alors agité, agile et sautillant. Si rapide que notre imagination ne le suit pas : une vis à pas droit ou à pas gauche ? d’acier ou de laiton ? Indispensable en tout cas. D’ailleurs, rien n’était en libre service alors. Et ce n’était pas plus mal. En un instant ou en cent, il vous trouvait l’objet rare. L’outil inimaginable. Résolvait en une seule visite ce qu’il vous aurait fallu des semaines à concevoir.
Le quincailler c'était une sorte de docteur des choses !

mercredi 23 juillet 2008

Papier buvard

Théoriquement, le papier buvard servait à éponger l’encre… En pratique, il en allait bien autrement !

Artistique… Posez la pointe de votre stylo sur un papier buvard, et observez le boire l’encre. La tache se répandre. Essayez d’en faire quelque chose d’esthétique. Essayez de contrôler la vague bleue qui parcourt le rose du papier. N’oubliez pas de laisser assez d’encre quand même dans votre stylo pour pouvoir écrire quand le maître recommencera sa dictée…
Médical… Il parait que le buvard humide dans les chaussures donnait la fièvre. Qu’il pouvait ainsi, au moment opportun, permettre d’éviter un examen ou une interrogation redoutée. Le seul problème est que la posologie et le monde d’application sont bien vagues. Et que je n’ai jamais réussi à appliquer une recette, soi-disant, infaillible.
Cancre… Dépourvue de colle, la cellulose des papiers buvard fait les meilleures boules de papier mâché dont on peut rêver. Roses, elles se détachent particulièrement bien sur le plafond blanc de la classe où les cancres les ont projetées. Plus elles sont grosses, plus grande est la gloire… Un jour peut-être, le ciel de la classe, sera-t-il entièrement rose !
Tactile… Doux, ou presque…. Mais il y avait des fibres plus dures dans le papier buvard. Comme des éclats de verre. Qui faisaient qu’il n’était pas si agréable que ça à manipuler. Qui fait qu’on n’aurait pas posé sa joue contre – juste pour le plaisir – alors qu’il ne devait être fait que de cellulose.
Nasal… Acide. L’odeur du papier buvard n’était pas agréable. Comme le toucher. Un peu paradoxale… On aurait attendu une odeur plus en harmonie avec le rose de sa couleur…
Non, le buvard était un jeu… mais un jeu un peu bizarre… et pas tout à fait aussi agréable qu’on aurait pu l’espérer.

mardi 22 juillet 2008

Odeurs

Fermez les yeux, laissez aller votre mémoire. Arrêtez de vous souvenir avec votre tête. Souvenez-vous avec votre nez !

Souvent, il m’arrive de me trouver en éveil. Comme un chien de chasse. De tendre la narine gauche. Puis la droite. D’entrouvrir la bouche. De tenter de capter tel arôme qui vient de passer.
Ou quand je mange, ou que je bois, de fermer les yeux. De sentir ma perception qui bascule de l’avant, de mes yeux et de ma pensée, vers quelque chose qui se trouve bien en arrière. De très animal.
Sentir mes doigts, à l’instant. Imprégnés de fumée. Souvenir de cigarettes. Poisson, jambon fumé. De feux de camps.
Boire une bière. Etre frappé par un goût. Ne pas pouvoir le nommer tout de suite. Les yeux fermés, aller de gauche et de droite. A travers des mémoires proches et d’autres bien plus lointaines. Trouver finalement. Le houblon tout simplement. Ou bien la pêche. Là où d’autres nommaient la vanille.
Entrer dans une maison parfois. Et laisser notre nez évoquer les souvenirs. Le moisi de tel immeuble. L’odeur de vieux – d’urine, de merde et de vieille sueur – ailleurs. Le bois ou la cire. Le pavé ou la dalle de schiste. Et voyager. Retrouver des moments si passés qu’on ne s’en souvenait plus. La descente de l’escalier de la cave de notre grand-mère… L’odeur que dégageait celui du grenier lorsqu'on posait ses pieds sur chaque marche… Celle de la haie du voisin… Reconnaître avant de l'avoir vue une personne qui n'est déjà plus là.
Dire un mot, et l'instant d'après, le naseau frémissant, avoir l'impression que le nez pourrait encore sentir ce qui n'est que dans la mémoire. Toute une histoire et une géographie en parfums.
Rouler en voiture et dire la menthe sauvage, puis l'ail, ici un animal mort, la ville et maintenant la mer: vase et iode.

Il faudrait pouvoir écrire les odeurs, ou les photographier !