C’était du temps où la sécurité routière était nationale, et s’appelait Via Secura.
Un temps où les voitures étaient faites de tôle légère. Où les 4x4 étaient l’exception plutôt que de devenir la règle. Où les voitures étaient bien moins nombreuses, et la vitesse bien moindre. Où les enfants allaient encore tous à l’école à vélo ou à pied - et si la route prenait parfois son tribut, c'était encore assez exceptionnel pour que cela serve de leçon aux autres -. Où la rue, pourtant bien droite sur quelques centaines de mètres, nous servait de terrain de football.
Le plus étrange, rétrospectivement ?
La ceinture de sécurité. D’abord il n’y en avait tout simplement pas. Avant qu’elle ne soit installée sur les voitures. Mais personne ne l’utilisait. Puis qu’elle devienne obligatoire à l’avant. Mais la police ne contrôlait pas. Puis seulement à l’arrière. Combien de centaines de morts aura-t-il fallu avant qu’on ne prenne cette décision toute simple ? Et combien en faudra-t-il encore avant que les bus, les trams et les trains en soient aussi équipés.
Le casque moto ensuite. Imaginez-vous donc que, lui non plus, n’était pas obligatoire. Que beaucoup de motards roulaient sans. Et que la plus grande fantaisie régna ensuite sur les différents types de casques que l’on rencontra. Le bol avec sa garniture de cuir sur les oreilles est bien loin de la sécurité des casques intégraux actuels.
Sans parler du casque vélo. Et n’allez pas y voir les choses modernes et fluorescentes que portent nos cyclistes aujourd’hui. Que non. Un casque vélo, c’étaient simplement une série de boudins de cuir, remplis de je ne sais quoi. Par contre, comme sa version actuelle, alors que les cyclistes en reconnaissaient l’utilité – toute relative -, ils ne voulaient pas le porter. Trop chaud. Gênant. Et peu leur importait déjà la perspective de répandre leur cervelle sur le bitume.
jeudi 31 juillet 2008
mercredi 30 juillet 2008
Les portes du penitencier
C’était du temps de Ceausescu.
Nous avions, je crois, débarqué du côté de Chilia Veche – sur le Nord du delta du Danube -, et on reprendrait le bateau à Sulina – sur les rives de la mer Noire -. C’était en Roumanie, du temps de Ceausescu, il y a 30 ans au moins.
Avec une bande de copain, nous nous étions enfoncés dans le delta. Dans la benne d’un tracteur, qui faisait transport public. Jusqu’à un village plus loin. A proximité des marais. Et des oiseaux sauvages. Nous campions au cœur du village, sur un espace ouvert, qui devait servir à tout. De place du village parfois, de terrain de foot, de salle de bal même.
La nuit tombée, les musiciens sont arrivés, et les danseurs. Un joueur de grosse caisse, l’autre d’accordéon. Je ne sais lequel a commencé. Ce devait être la grosse caisse : boum-boum, boum-boum, boum-boum. Comme un cœur qui bat. Boum-boum, boum-boum, encore et toujours. Puis l’accordéon de démarrer sur « The House of the Rising Sun » (Les portes du pénitencier pour ceux qui préfèrent Johnny Halliday), et de continuer sur le même air, sans fin. Les portes du pénitencier et le boum-boum du tambour dans la nuit du delta… Enfin, les danseurs qui s’y mettent. Quelques femmes, et bien trop d'hommes, chaloupant deux à deux – mais ils ne devaient pas être bien nombreux – dans leurs pauvres vêtements de paysans communistes. Piétinant doucement le sable de la piste de danse improvisée.
La nuit était totale. Et le village n’avait aucun éclairage. Ce bal improvisé non plus. Dans ma tente, la valse de l’accordéon - jouant et rejouant sans fin le même morceau -, le grondement de la grosse caisse, le frôlement des danseurs que l’on devine, ont servi de berceuse à un sommeil lourd, si lourd.
Leur danse était aussi sincère et pathétique que celle de l'ours enchainé et muselé par le Rom. Marchant tristement sur les routes de l'Est derrière la carriole à deux roues des nomades.
Nous avions, je crois, débarqué du côté de Chilia Veche – sur le Nord du delta du Danube -, et on reprendrait le bateau à Sulina – sur les rives de la mer Noire -. C’était en Roumanie, du temps de Ceausescu, il y a 30 ans au moins.
Avec une bande de copain, nous nous étions enfoncés dans le delta. Dans la benne d’un tracteur, qui faisait transport public. Jusqu’à un village plus loin. A proximité des marais. Et des oiseaux sauvages. Nous campions au cœur du village, sur un espace ouvert, qui devait servir à tout. De place du village parfois, de terrain de foot, de salle de bal même.
La nuit tombée, les musiciens sont arrivés, et les danseurs. Un joueur de grosse caisse, l’autre d’accordéon. Je ne sais lequel a commencé. Ce devait être la grosse caisse : boum-boum, boum-boum, boum-boum. Comme un cœur qui bat. Boum-boum, boum-boum, encore et toujours. Puis l’accordéon de démarrer sur « The House of the Rising Sun » (Les portes du pénitencier pour ceux qui préfèrent Johnny Halliday), et de continuer sur le même air, sans fin. Les portes du pénitencier et le boum-boum du tambour dans la nuit du delta… Enfin, les danseurs qui s’y mettent. Quelques femmes, et bien trop d'hommes, chaloupant deux à deux – mais ils ne devaient pas être bien nombreux – dans leurs pauvres vêtements de paysans communistes. Piétinant doucement le sable de la piste de danse improvisée.
La nuit était totale. Et le village n’avait aucun éclairage. Ce bal improvisé non plus. Dans ma tente, la valse de l’accordéon - jouant et rejouant sans fin le même morceau -, le grondement de la grosse caisse, le frôlement des danseurs que l’on devine, ont servi de berceuse à un sommeil lourd, si lourd.
Leur danse était aussi sincère et pathétique que celle de l'ours enchainé et muselé par le Rom. Marchant tristement sur les routes de l'Est derrière la carriole à deux roues des nomades.
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mardi 29 juillet 2008
Visa pour le monde
Tous les dimanche après-midi, la Belgique regardait « Visa pour le monde » !
Chaque semaine on voyageait avec les candidats du jeu concours. On tremblait avec eux. On rêvait comme eux de ce prix incroyable : un tour du monde. Un vrai. Comme celui de Jules Verne, ou de Magellan. Un de ces cadeaux énormes, formidables et – somme toute - totalement inutiles. Qui en faisaient donc encore plus rêver !
Quand le candidat ne connaissait pas la réponse, il pouvait faire appel au téléphone. Demander pour ce faire une valise. « Maryse, une valise ! » entendrai-je encore résonner dans un coin de ma tête, chaque fois que je penserai à « Visa pour le Monde ».
Chaque semaine on voyageait avec les candidats du jeu concours. On tremblait avec eux. On rêvait comme eux de ce prix incroyable : un tour du monde. Un vrai. Comme celui de Jules Verne, ou de Magellan. Un de ces cadeaux énormes, formidables et – somme toute - totalement inutiles. Qui en faisaient donc encore plus rêver !
Quand le candidat ne connaissait pas la réponse, il pouvait faire appel au téléphone. Demander pour ce faire une valise. « Maryse, une valise ! » entendrai-je encore résonner dans un coin de ma tête, chaque fois que je penserai à « Visa pour le Monde ».
lundi 28 juillet 2008
Univers (Tout l')
« Tout l’Univers » était à l’Encyclopedia Universalis et au dictionnaire Larousse ce que « la tour de garde » est à la Bible: rien qu'une divagation pitoyable sur le même thème.
Pas plus que des rumeurs, l’Internet n’a été la première à enfanter d'approximations douteuses. Elles étaient là bien avant. Pour notre plus grand malheur, certains de nos instituteurs avaient de bien piètres lectures. Et dans le monde agité par la tornade du modernisme des années 50 et 60, où la télévision ne prenait pas grand place encore, les lectures, et leur choix, faisaient évidemment l’homme.
Il y avait ceux qui ne se rendaient pas compte que le monde changeait. Qui, du fond d’un grenier, d’un coin de remise dans l’école communale, extrayaient un bout de livre qui, croyaient-ils, expliquait tout. Le monde. La vie. Les choses. Pour peu que le livre soit de qualité, ce n’était pas bien grave. Ils se rendaient vite compte, avec nous, que Malmedy n’était plus en Prusse depuis longtemps et que leurs manuels ne nous livreraient aucune explication sur le fonctionnement de la locomotive diesel. Et s’ils parlaient d’un monde un peu couvert de poussière, encore celui-ci était-il solide et véridique. Un peu trop peuplé d'exemples anciens, d'objets et de personnages qui voguaient vers l'oubli. Mais, reconnaissons-le, les baignoires qui fuient et les robinets qui coulent ainsi que les trains qui roulent l'un vers l'autre n'ont pas, du jour au lendemain, changé les lois de la mathématique sous l'effet de l'apparition du vinyl, du diesel ou de la généralisation de l'eau chaude dans les salles de bain.
Il y avait ensuite ceux qui ne juraient – déjà – que par la vulgarisation. Parce que, le plus souvent, c’était la seule qu’ils comprenaient. Ils étaient faciles à reconnaître eux aussi, s'enthousiasmant, au fil des parutions de Science et Vie ou d’un article dans la presse, pour tel ou tel nouveau sujet. Tête baissée, ils fonçaient vers le futur. Déliraient tout éveillés, avec les auteurs d’alors, sur cet an 2000 qui nous semblait si éloigné. Mais finalement, ils n’y comprenaient pas grand-chose. Tout juste attachés aux épiphénomènes – le poids du téléphone bracelet, la taille de la fusée qui nous emmènerait sur la lune et le nombre exact des passagers, la vitesse du train -, ils en oubliaient de nous enseigner l’essentiel : quelle technique ou quelle loi de la physique permettrait ces futurs et si prochains miracles. Semblaient tenir pour négligeable que nous serions de ces temps, qu'ils décrivaient dans leur folie anticipationiste, pour leur donner un jour tort ou raison. Au moins leur passion valait-elle la peine d'être transmise à la génération montante.
Les derniers enfin – il y a prescription, mais permettez-moi de ne pas citer de nom -, imbus de leur ignorance, le mégot fumant au coin de la bouche, la baguette à la main – qui claquait sur le tableau, sur une table, sur une main parfois -, pitoyables missionnaires de l’approximation, répétaient – mal – ce qu’ils avaient lu dans des publications douteuses. Et, si par hasard le doute émergeait malgré tout d’une tête ainsi quotidiennement lobotomisée, l’argument d’autorité était toujours le même : c’était écrit dans « Tout l’Univers ». C'était donc vrai ! De même qu'avant eux, et aujourd'hui encore, de stupides censeurs de toutes les religions ont toujours prétendu dicter les formes du monde au gré du grand livre de leurs propres ignorances !
Pas plus que des rumeurs, l’Internet n’a été la première à enfanter d'approximations douteuses. Elles étaient là bien avant. Pour notre plus grand malheur, certains de nos instituteurs avaient de bien piètres lectures. Et dans le monde agité par la tornade du modernisme des années 50 et 60, où la télévision ne prenait pas grand place encore, les lectures, et leur choix, faisaient évidemment l’homme.
Il y avait ceux qui ne se rendaient pas compte que le monde changeait. Qui, du fond d’un grenier, d’un coin de remise dans l’école communale, extrayaient un bout de livre qui, croyaient-ils, expliquait tout. Le monde. La vie. Les choses. Pour peu que le livre soit de qualité, ce n’était pas bien grave. Ils se rendaient vite compte, avec nous, que Malmedy n’était plus en Prusse depuis longtemps et que leurs manuels ne nous livreraient aucune explication sur le fonctionnement de la locomotive diesel. Et s’ils parlaient d’un monde un peu couvert de poussière, encore celui-ci était-il solide et véridique. Un peu trop peuplé d'exemples anciens, d'objets et de personnages qui voguaient vers l'oubli. Mais, reconnaissons-le, les baignoires qui fuient et les robinets qui coulent ainsi que les trains qui roulent l'un vers l'autre n'ont pas, du jour au lendemain, changé les lois de la mathématique sous l'effet de l'apparition du vinyl, du diesel ou de la généralisation de l'eau chaude dans les salles de bain.
Il y avait ensuite ceux qui ne juraient – déjà – que par la vulgarisation. Parce que, le plus souvent, c’était la seule qu’ils comprenaient. Ils étaient faciles à reconnaître eux aussi, s'enthousiasmant, au fil des parutions de Science et Vie ou d’un article dans la presse, pour tel ou tel nouveau sujet. Tête baissée, ils fonçaient vers le futur. Déliraient tout éveillés, avec les auteurs d’alors, sur cet an 2000 qui nous semblait si éloigné. Mais finalement, ils n’y comprenaient pas grand-chose. Tout juste attachés aux épiphénomènes – le poids du téléphone bracelet, la taille de la fusée qui nous emmènerait sur la lune et le nombre exact des passagers, la vitesse du train -, ils en oubliaient de nous enseigner l’essentiel : quelle technique ou quelle loi de la physique permettrait ces futurs et si prochains miracles. Semblaient tenir pour négligeable que nous serions de ces temps, qu'ils décrivaient dans leur folie anticipationiste, pour leur donner un jour tort ou raison. Au moins leur passion valait-elle la peine d'être transmise à la génération montante.
Les derniers enfin – il y a prescription, mais permettez-moi de ne pas citer de nom -, imbus de leur ignorance, le mégot fumant au coin de la bouche, la baguette à la main – qui claquait sur le tableau, sur une table, sur une main parfois -, pitoyables missionnaires de l’approximation, répétaient – mal – ce qu’ils avaient lu dans des publications douteuses. Et, si par hasard le doute émergeait malgré tout d’une tête ainsi quotidiennement lobotomisée, l’argument d’autorité était toujours le même : c’était écrit dans « Tout l’Univers ». C'était donc vrai ! De même qu'avant eux, et aujourd'hui encore, de stupides censeurs de toutes les religions ont toujours prétendu dicter les formes du monde au gré du grand livre de leurs propres ignorances !
dimanche 27 juillet 2008
Telegramme
Télégramme et telex on rejoint le musée où le fax les rejoindra bientôt !
Le telex, c’était pour les entreprises, pour les banques. Pour des communications super importantes. Pas pour le peuple.
Le télégramme, c’était aussi important. Le messager des grands moments : une naissance, un décès. Celui des urgences aussi. Il atteignait même ceux qui n’avaient pas le téléphone.
Un statut d’autant plus particulier qu’il figurait dans tous les types de récits : dans la bande dessinée, dans les romans, dans les sketches et dans les chansons…
Tout le monde connaissait le télégramme. Mais combien en ont effectivement reçu ? Pour ma part, j’en ai seulement une fois tenu un en main… Qui ne m’était même pas destiné et que je n’ai donc jamais lu. Mais, plus étrange encore, il me semble me souvenir d'en avoir un jour envoyé un. Raté encore... celui là non plus, je ne l'ai ni reçu, ni lu !
Le telex, c’était pour les entreprises, pour les banques. Pour des communications super importantes. Pas pour le peuple.
Le télégramme, c’était aussi important. Le messager des grands moments : une naissance, un décès. Celui des urgences aussi. Il atteignait même ceux qui n’avaient pas le téléphone.
Un statut d’autant plus particulier qu’il figurait dans tous les types de récits : dans la bande dessinée, dans les romans, dans les sketches et dans les chansons…
Tout le monde connaissait le télégramme. Mais combien en ont effectivement reçu ? Pour ma part, j’en ai seulement une fois tenu un en main… Qui ne m’était même pas destiné et que je n’ai donc jamais lu. Mais, plus étrange encore, il me semble me souvenir d'en avoir un jour envoyé un. Raté encore... celui là non plus, je ne l'ai ni reçu, ni lu !
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samedi 26 juillet 2008
Sprotchi
C’est todi lu p’tit qu’on sprôtche !
Pour ceux qui ne parlent pas le Belge : « C’est toujours le petit qu’on écrase. »
Sprôtchi, c’est un des plus beaux verbes de la langue wallonne. Un de ces mots qui s’accompagne nécessairement d’une rotation du doigt sur la table ou du pied sur le sol. Porteur d’une infinité de nuances dans l’intonation, au point qu’on pourrait croire qu’une mesure précise de la longueur du « ô » pourrait nous dire la sévérité de l’écrasement et de l’étalement de la victime…
Un chat sur la route ? Sprôtchi ! Le hamster sous le tapis ? Sprôtchi de même ! La voiture du voisin, après la tempête et ses chutes d’arbres ? Sprôtchie…
Laissez voguer votre imagination au gré du mot. Vous verrez que vous en trouverez bien d'autres usages.
Pour ceux qui ne parlent pas le Belge : « C’est toujours le petit qu’on écrase. »
Sprôtchi, c’est un des plus beaux verbes de la langue wallonne. Un de ces mots qui s’accompagne nécessairement d’une rotation du doigt sur la table ou du pied sur le sol. Porteur d’une infinité de nuances dans l’intonation, au point qu’on pourrait croire qu’une mesure précise de la longueur du « ô » pourrait nous dire la sévérité de l’écrasement et de l’étalement de la victime…
Un chat sur la route ? Sprôtchi ! Le hamster sous le tapis ? Sprôtchi de même ! La voiture du voisin, après la tempête et ses chutes d’arbres ? Sprôtchie…
Laissez voguer votre imagination au gré du mot. Vous verrez que vous en trouverez bien d'autres usages.
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vendredi 25 juillet 2008
Rasprutcher
Il m’a tout rasprutché !
Juste pour le plaisir du mot en bouche. Rasprutcher, c’est arroser, éclabousser… avec un pistolet à eau par exemple. Ou mieux, au tuyau d'arrosage.
Vous ne l'avez jamais fait peut-être ?
Juste pour le plaisir du mot en bouche. Rasprutcher, c’est arroser, éclabousser… avec un pistolet à eau par exemple. Ou mieux, au tuyau d'arrosage.
Vous ne l'avez jamais fait peut-être ?
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