lundi 14 avril 2008

Bouillotte

Quand en hiver, trop longtemps assise à son bureau, ma femme se couche, je sers de bouillotte à ses pieds glacés.

La bouillotte ? Une poche de caoutchouc que l’on remplit d’eau chaude et que l’on glisse dans son lit pour se réchauffer.
Le rituel du coucher en hiver était toujours le même. La bouillotte à la main, nous faisions la file devant ma mère, qui les remplissait d’eau presque bouillante. Emballée ensuite dans un essuie de bain, serrée contre nous dans le froid de l’escalier, nous étions prêts pour la nuit.
Encore faut-il rappeler que les chambres à coucher n’étaient pratiquement jamais chauffées – pas de chauffage central, le plus souvent un seul poêle dans le living ou dans la cuisine, qui faiblissait au cours de la nuit – et encore moins bien isolées qu’à l’heure actuelle – pas question de double ou de triple vitrage -.
Chacun avait donc sa bouillotte. Vide, une sorte de chose flasque, que l’on agitait comme une méduse. Rouge, bleue, verte, … mais jamais de teinte vive. Solide, à toute épreuve. Et avec un bouchon qui défiait – à raison – l’eau de jamais tenter s’en échapper. Combinaison ingénieuse de métal et de caoutchouc.
Les bricoleurs – ou les désordonnés qui, l’hiver venu, ne savaient plus où ils l’avaient rangée le printemps dernier – s’en fabriquaient avec une bouteille de Bols – en terre cuite -.
Mais, de toute façon, comme le fourneau ou le poêle à charbon, le matin, la bouillotte était désespérément froide. Et celle là, que l’on serrait contre son corps au moment de se coucher, pour y trouver tant de réconfort, on la repoussait au plus loin… ou l’on se recroquevillait pour ne plus la toucher.
C’était alors vraiment une méduse que l’on avait au fond du lit !

Warche de toutes les couleurs

La Warche et l’Amblève aussi d’ailleurs avaient des allures de caméléons, au gré des productions des papeteries malmédiennes.

Je parle bien sûr d’une époque où le tout à l’égout était la pratique normale. Où les deux papeteries de Malmedy dictaient au jour le jour la couleur de la rivière à 20 kilomètres en aval… Où les tanneries agressaient le promeneur attiré sur ses rives de relents d’égouts, de cadavres et de potions amères. Vous dégoutant à tout jamais d’y mettre les pieds. Nous que la moindre rivière attirait comme un aimant !
Et puis un jour, il est venu une station d’épuration… qui a réduit l’intensité de la pigmentation…
Ensuite ont fermé les tanneries… et l’odeur s’en est allée…
Alors que les papeteries, à leur tour, étaient frappées par le sort…
Et l’on dit que la rivière est faible ? Elle aura sans aucun doute un jour le dernier mot ! Survivant à la ville elle même.

samedi 12 avril 2008

Vêtements

Mettez un enfant à nu aujourd’hui, et comparez ses vêtements avec ceux que je portais à son âge. Nous vivons définitivement dans un autre monde.

Ce n’est pas simplement la mode qui a changé. C’est tout.
Du tout au tout. De la tête aux pieds il n’y a plus rien de commun entre le slip, t-shirt, jeans, chaussettes industrielles, sweat-shirt, parka nylon, chaussures de sport et ce que portait son père (caleçon, chemisette, chaussettes tricotées par ma grand-mère, pull tricoté par ma mère, manteau de toile, chaussures de cuir).
Bouleversement total des formes, mais surtout des lieux et des modes de production et de distribution. Réduction de la durabilité. On ne peut plus réparer…

Ange gardien

Pas particulièrement bigots les voisins. D’ailleurs, il ne me semble pas qu’ils allaient souvent à la messe. Mais question superstition… ils marchaient à fond… Et "Le Petit Jésus t'a puni" par ci... et une médaille de la Vierge par là... et une gourde d'eau de Lourdes en cas de coup dur... Et dans leur salon, au dessus du divan, face à la télévision, il y avait l’image d’un ange gardien, guidant un petit enfant sur le droit chemin.

Ne le saviez vous pas ? Chacun de nous a donc un ange gardien. Beau et blond – mais intraitable avec le mal -. Un air un peu efféminé – mais puissant plus que tous les super-héros -. Irradiant la lumière dans la pire obscurité – et pourtant invisible -.
Heureusement qu’il y avait ces tableaux chez certains de nos copains / copines pour nous révéler la vérité. Savoir que nous pouvions faire toutes le conneries possibles et imaginables… traverser la route en fermant les yeux… rouler en vélo à contresens… nous promener en slach sur le rocher de Falize… sauter dans la grande profondeur alors que nous ne savions pas nager… Et que (voir plus loin pour les conditions de cette offre) rien de fâcheux ne nous arriverait !
Parce qu’évidemment, il y avait quelques conditions, écrites en petits ou en gros caractères selon la personnalité des parents.
Et que si l’accident arrivait quand même… c’est que nous n’aurions pas été sages (qui rimait avec comme une image)… que nous n’aurions pas bien fait nos prières en nous couchant (même si nos parents n’en faisaient jamais)… et que « le Petit Jésus » nous aurait puni !
Résumons : il ne m’arrive rien, c’est l’ange gardien… il m’arrive quelque chose, c’est le Petit Jésus… Vous auriez la photo de qui au dessus de votre divan dans ce cas ? Du méchant Petit Jésus qui punit ? Ou bien de l’ange gardien ? Bien, c’est bien ce qu’ils faisaient, et laissaient donc Jésus à son business à l’église !
Mais franchement, à le voir couché dans la paille de la mangeoire, pour la crèche de Noël, je n'ai jamais pu imaginer ce Petit Jésus avec un gros doigt menaçant, et encore moins au volant de la voiture ou du camion qui allait m'écraser!

jeudi 10 avril 2008

TV

Nous, les Belges, parlons le belge. Et nous disons donc TéVé et pas TéLé pour la télévision !
Question d'économie. Deux lettres seulement à écrire.
Et puis, contrairement aux Français, nous ne risquons pas de confondre TV (TéVé) et TW (TéWé), puisque nous avons encore un alphabet complet de 26 lettres !

Et qui trouverait donc à y redire ? Mais j’y tiens. Laissez-nous notre langue !

mercredi 9 avril 2008

Saint Jean

Le jour de la Saint Jean (le 24 juin) les enfants du quartier de la route de Falize dansaient dans les rues. C’étaient les rondes de la Saint Jean !

Les filles coiffées d’une couronne de pâquerettes souvent, de Saint-Jean (des marguerites) si elles étaient déjà en fleur, de marguerites des jardins parfois. Les garçons le torse barré – à la manière des édiles communaux – d’un ruban de papier crépon.
Je pourrais vous fredonner l’air – mais cela passe très mal dans un blog qui se limite au texte -… j’ai encore le souvenir brumeux de quelques strophes de la chanson, en wallon évidemment, comme tout ce qui est folklorique à Malmédy – il y était question de fête, de la naissance « do binamé St Jean » (du bien aimé Saint Jean), et pour rimer, de petits et grands - … mais je me souviens surtout que ce qui pourra paraître d’ici quelques années comme une coutume antique, avait disparu.
Je ne me souviens d’ailleurs que de deux éditions dans le quartier… et d’aucune dans les autres de la ville…

mardi 8 avril 2008

Réveil

Tic, tic, tic, font les réveils d’aujourd’hui !
Tic, tac, tic, tac, faisaient ceux d’autrefois !

De plus, il fallait les remonter. Régulièrement. Tous les jours pour les plus faibles. Tous les jours pour les autres aussi. Juste une question d’habitude. Juste pour ne pas oublier.
Et puis ce tic, tac, tic, tac… Ferme, puissant… Alors qu’aujourd’hui le stupide et léger tic, tic des réveils digitaux empêchent certains de dormir, nous n’étions dérangés ni par le tic, ni par le tac de ces monstres mécaniques. Ils nous berçaient plutôt.
Et puis la sonnerie. Intégrée pour les plus doux… surmontant l’appareil pour les plus agressifs. L’appel à quitter les limbes était impératif, magistral, tempétueux… Pas question de se réfugier sous son oreiller ou de feindre l’ignorance.
Le réveil imposait son cocorico de métal, se déchainait sur la table de nuit. Il fallait tendre le bras dans le froid de la chambre. Faire taire l’importun chambard.
Mais, l’homme s’habitue à tout. Et il en était que même ces monstres d’acier hurlant n’arrivaient pas à réveiller. Ne restaient alors que trois options.
Le modèle géant. Pas sûr. Tout juste une sorte de gadget décoratif.
Deux réveils… dont un hors de portée du bras du dormeur… Pas mal du tout. Mais très dérangeant pour les occupants de chambres voisines qui devaient supporter l’intégralité du chant du premier.
Ou enfin, poser le réveil sur une assiette remplie de pièces de monnaie. Qui ajoutaient leur cacophonie à l’original horloger. Imparable autant que délicat !