On disait juste « la scierie ». Je vais à la scierie. Ou parfois, à la scierie Closson.
On montait, par la laiterie. Puis à gauche, vers Floriheid et la ville. Pas tout droit, on serait alors arrivé aux trois bosses, puis à la grosse bosse. Et ça, c’était pour l’hiver seulement, pour le traineau. Donc, à gauche ! Il y avait encore un autre bâtiment, avant. Mais ma mémoire me joue des tours. Pas moyen de lui redonner forme. Une usine de machines à laver ? Je rêve peut-être. De machines à coudre ? Il me semble y voir encore « Singer ». Inactive en tout cas. Depuis toujours.
Juste après le coude, séparée de la voie ferrée par la route, c’était donc la scierie. De longs batiments plats à droite et au fond. Et puis, juste devant, le paradis des enfants. Une montagne de déchets !
Des cintres de bois – le modèle tout simple, l’équivalent des stupides cintres en plastique de nos supermarchés – par centaines. Deux cintres cloués ensemble faisaient un cimeterre. Un cintre tout seul pouvait constituer la garde d’une épée.
Des moulures rondes – clouées au bas du cintre, elles en constituaient la partie droite – dont nous faisions des fleurets ou des flèches pour nos arcs.
Des dosses – la dernière planche de sciage, présentant l’arrondi du tronc – et autres déchets plats, nous tenaient lieu de boucliers.
Ainsi équipés, nous étions prêts pour nous lancer dans la fabrication de nos armes… et le lendemain, c’était la guerre enfin. Entre cow-boys et indiens… mousquetaires… chevaliers et templiers… Entre templiers et cow-boys s'il le fallait. Au mépris de l'histoire et pour notre plus grand plaisir.
Pour le prix de trois clous et deux bouts de ficelle, nous avions fabriqué nos jouets. Recyclables et biodégradables !
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