mercredi 9 janvier 2008

Draps de lit froids

Comme l’ane et le bœuf de la crèche exhalaient la chaleur, la maison de ma grand-mère exhalait le froid.

Quitter la touffeur du salon ou la bonne chaleur de la cuisine pour aller à la toilette ou à la buanderie, au-delà du couloir glacé, était déjà toute une épreuve. Mais ce n’était rien à côté de la simple perspective des draps glacés et humides qui nous attendaient à l’étage, non chauffé.
Eté comme hiver, le couloir semblait souffler une odeur de froid sur ses visiteurs. Et de poser le pied sur l’escalier craquant qui menait à l’étage vous en remplissait les narines. Semblait en imprégner à l’instant tous vos vêtements.
Et toutes les bouillottes n’y feraient rien ; vous ne retiendriez à jamais de ces rares nuits que la frayeur de cette plongée dans l’humidité froide de la vieille maison maternelle, prélude au contact insupportable, même à travers la toile du pyjama, des draps de lit glacés et humides.

mardi 8 janvier 2008

Talus

Par intérêt ou indifférence, les adultes nous laissaient chaque année bruler les herbes sèches du talus de chemin de fer.

A quelques centaines de mètres de la maison, il marquait là, comme d’un trait, la limite de la ville. En deça, le tissus dense des habitations sociales du Foyer Malmédien ; au-delà, le terrain de football et deux ou trois commerces.
Comme dans un décor de train miniature, la locomotive débouchait du tunnel, et suivait la voie, accrochée au flanc de la colline. Franchissait le viaduc au dessus de la rivière. Et longeait la ville, longuement, comme en hésitant. Surplombant les maisons, puis des champs encore, avant d’aboutir enfin à la gare.
Mais les trains étaient si rares. Et on les voyait approcher de si loin. Ils roulaient si lentement à l’époque, que le talus ne leur appartenait pas. Et même si l’on parlait bien du talus du chemin de fer, il est clair que c’était notre domaine à nous !

lundi 7 janvier 2008

Zwin

Ce n’était pas seulement à la mer – donc très loin – mais, comme La Panne, le coin de la mer. Juste après, c’était la frontière. Pour nous, frontaliers de l’autre bout, cela signifiait quelque chose. Nous y retrouvions un peu de l’ambiance de nos régions limitrophes de l'Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas.
Il fallait prendre le train d’abord, puis un bout de tram sans doute. Et encore une bonne trotte à pied jusqu’à l’entrée du parc. A moins de passer par la plage, les dunes, et de franchir les barbelés.
Le Zwin était comme un bout d’histoire. Pas très glorieusement, delta pitoyable et morceau de dépouille de Brugge la morte. Plus positivement, le dernier bout d’anarchie et de mauvaises herbes sur une côté trop réglementée et intégralement vouée au béton.
L’antithèse du mur de l’Atlantique ?

dimanche 6 janvier 2008

Xhoffraix

Xhoffraix se dit tout juste Hofrê, avec un H aspiré.

Xhoffraix, Xhignesse, avec un H en français, et qui se prononce par endroit Chofrê en wallon. Et ne mélangez pas l’un avec l’autre, vous passeriez au mieux pour un rustre, plus probablement pour pédant et idiot.
La prononciation des noms de villages et de lieux dits est parfois aussi rocailleuse que les chemins qui y mènent. Ils servent ainsi à reconnaître le nouveau venu. Celui qui n’y a jamais mis les pieds – ni la langue – pour s’en moquer, et l’éloigner si nécessaire.
Et si par hasard, l’amour du lieu le prend, pour le reconnaître ensuite comme familier, comme ami peut-être un jour.

samedi 5 janvier 2008

W (double V)

Wagon pas vagon et Wallon pas vallon !

Si on a inventé des lettres différentes, c’est bien pour s’en servir. Et pas pour allègrement les confondre l’une avec l’autre. Le vallon, c’est une petite vallée, avec un V. Et le Wallon, c’est un habitant de la Wallonie, avec un W.
Faut-il absolument être un peu germain pour faire la différence ?
Nous serons alors donc germains ! Et, si elle peut s'en contenter, la Belgique en survivra peut-être.

vendredi 4 janvier 2008

Tchouler

Arrête de tchouler. T’es pas une fille tout de même.

Tchouler… avec le «ou» qui prend tout son temps, en wallon, c’est pleurer. Un de ces mots superbes qui, quand on les a entendus, ne seront jamais oubliés.
Irremplacables. Tchouler, ce n’est pas seulement pleurer. C’est plutôt pleurer comme une Madeleine… ou bien pleurer toutes les larmes de son corps… ou bien… n’importe quelle forme de pleurer qui ne soit pas seulement pleurer. Tchouler comme un gosse… tchouler dans un coin… tchouler pour des bêtises…
Tchouler quoi !

jeudi 3 janvier 2008

Sac a dos

Un sac à dos, c’est beige… et c’est un Lafuma, ou bien c’est kaki, et il est militaire.

Il y avait deux couleurs de sacs à dos : les beiges – civils – et kakis – militaires -. Et deux sortes : à armature métallique – les normaux – et à lattes de bois – pour l'escalade -. Au magasin de sport et camping, le choix était donc des plus simples – sachant que les montagnes manquaient cruellement de nos paysages et que nous n’avions rien de militaire - : le grand ou le petit.
D’ailleurs on disait Lafuma, comme on disait bic, frigidaire ou mobylette.