On disait juste « la scierie ». Je vais à la scierie. Ou parfois, à la scierie Closson.
On montait, par la laiterie. Puis à gauche, vers Floriheid et la ville. Pas tout droit, on serait alors arrivé aux trois bosses, puis à la grosse bosse. Et ça, c’était pour l’hiver seulement, pour le traineau. Donc, à gauche ! Il y avait encore un autre bâtiment, avant. Mais ma mémoire me joue des tours. Pas moyen de lui redonner forme. Une usine de machines à laver ? Je rêve peut-être. De machines à coudre ? Il me semble y voir encore « Singer ». Inactive en tout cas. Depuis toujours.
Juste après le coude, séparée de la voie ferrée par la route, c’était donc la scierie. De longs batiments plats à droite et au fond. Et puis, juste devant, le paradis des enfants. Une montagne de déchets !
Des cintres de bois – le modèle tout simple, l’équivalent des stupides cintres en plastique de nos supermarchés – par centaines. Deux cintres cloués ensemble faisaient un cimeterre. Un cintre tout seul pouvait constituer la garde d’une épée.
Des moulures rondes – clouées au bas du cintre, elles en constituaient la partie droite – dont nous faisions des fleurets ou des flèches pour nos arcs.
Des dosses – la dernière planche de sciage, présentant l’arrondi du tronc – et autres déchets plats, nous tenaient lieu de boucliers.
Ainsi équipés, nous étions prêts pour nous lancer dans la fabrication de nos armes… et le lendemain, c’était la guerre enfin. Entre cow-boys et indiens… mousquetaires… chevaliers et templiers… Entre templiers et cow-boys s'il le fallait. Au mépris de l'histoire et pour notre plus grand plaisir.
Pour le prix de trois clous et deux bouts de ficelle, nous avions fabriqué nos jouets. Recyclables et biodégradables !
lundi 30 juin 2008
dimanche 29 juin 2008
Richard
Richard, c’était Richard ! Le fou. Promenant sa longue silhouette et sa tête de rouquin dans les rues de la ville. Faisant rire tout le monde. Et moqué par tous.
Pitoyable. Ridicule et inhumaine. Même bien habillé et nourri comme devait l’être Richard, la vie d’un malade mental dans une petite ville pouvait être terrible !
Pour moi, gamin, il était là depuis toujours. Que ce soit en haut ou en bas de la ville, je le croisais souvent. Et sa démarche, caractéristique, le faisait un peu ressembler au Monsieur Hulot de Jacques Tati. Comme s’il tombait en permanence vers l’avant. Et ne marchait que pour ne pas chuter.
Portant un long manteau. Je vois un loden. Mais ce ne devait pas être le cas. Trop beau. Trop chaud. Mais pourquoi pas ? Laissons-lui donc ce loden que je lui imagine.
Au carnaval, il couronnait sa tête d’un chapeau ridicule. Tyrolien peut-être. Jouait d’une flute ou d’une trompette en plastique, ou bien du mirliton, dans l’une ou l’autre fanfare. Le public riait. Le plaisantait.
Richard était sans âge. La moitié du cerveau d’un enfant de dix ans dans un corps presque vieux. Mais il marchait, marchait.
Puis je l’ai vu quelques fois en colère. Pris d’une rage folle. Marcher plus vite encore. Tenté de frapper le premier enfant à sa portée.
J’ai entendu dire que certains – et certaines – s’étaient mis à le plaisanter de plus en plus grassement, de plus en plus crûment. Le commissaire de police était même passé dans les classes pour expliquer aux enfants qu’ils ne devaient pas suivre l’exemple des adultes.
Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Si sa fin aura été meilleure ou pire que le reste de sa vie. Mais, je ne peux m’empêcher quand j’entends Reggiani changer « Priez pour le pauvre Gaspard » - sur un texte de Verlaine – de penser à Richard.
Pitoyable. Ridicule et inhumaine. Même bien habillé et nourri comme devait l’être Richard, la vie d’un malade mental dans une petite ville pouvait être terrible !
Pour moi, gamin, il était là depuis toujours. Que ce soit en haut ou en bas de la ville, je le croisais souvent. Et sa démarche, caractéristique, le faisait un peu ressembler au Monsieur Hulot de Jacques Tati. Comme s’il tombait en permanence vers l’avant. Et ne marchait que pour ne pas chuter.
Portant un long manteau. Je vois un loden. Mais ce ne devait pas être le cas. Trop beau. Trop chaud. Mais pourquoi pas ? Laissons-lui donc ce loden que je lui imagine.
Au carnaval, il couronnait sa tête d’un chapeau ridicule. Tyrolien peut-être. Jouait d’une flute ou d’une trompette en plastique, ou bien du mirliton, dans l’une ou l’autre fanfare. Le public riait. Le plaisantait.
Richard était sans âge. La moitié du cerveau d’un enfant de dix ans dans un corps presque vieux. Mais il marchait, marchait.
Puis je l’ai vu quelques fois en colère. Pris d’une rage folle. Marcher plus vite encore. Tenté de frapper le premier enfant à sa portée.
J’ai entendu dire que certains – et certaines – s’étaient mis à le plaisanter de plus en plus grassement, de plus en plus crûment. Le commissaire de police était même passé dans les classes pour expliquer aux enfants qu’ils ne devaient pas suivre l’exemple des adultes.
Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Si sa fin aura été meilleure ou pire que le reste de sa vie. Mais, je ne peux m’empêcher quand j’entends Reggiani changer « Priez pour le pauvre Gaspard » - sur un texte de Verlaine – de penser à Richard.
Libellés :
R
samedi 28 juin 2008
Quirin
Quirin ? Qui voudrait s’appeler Quirin ?
Et pourtant, il y a bien un Saint Quirin. Mais bon, il y a aussi les Saint Innocents, et la Saint Glinglin… Alors ?
Pour ma part, j’ai souvent – faudrait-il dire toujours – entendu parler d’un certain « Tchâ Quèré Lemère » (Jean Quirin Lemaire). Au point qu’il est devenu une sorte d’ancêtre mythique. Comme si l’on me disait descendant de Rabelais, de Charlemagne… mais eux sont trop connus, figés et figurés dans l’histoire. Plutôt descendant alors de Tchantchet, de Tijl Uylenspiegel ou du Manneken-Pis…
De ces ancêtres qu’on ne tente pas d’inscrire dans le temps – né en telle année, mort en telle autre – ni dans l’espace – habitait à tel endroit -, mais qu’on laisse vagabonder dans l’imaginaire, à toutes les époques (c’est juste un Lemaire), entre ville et campagne (un nom pareil sent la glaise, la tourbe, les bœufs que l’on mène sur la fagne) et nationalités (Belge, Allemand ?).
De ces ancêtres qui, rien que pour celà, mériteraient de transmettre leur prénom aux générations futures !
Et pourtant, il y a bien un Saint Quirin. Mais bon, il y a aussi les Saint Innocents, et la Saint Glinglin… Alors ?
Pour ma part, j’ai souvent – faudrait-il dire toujours – entendu parler d’un certain « Tchâ Quèré Lemère » (Jean Quirin Lemaire). Au point qu’il est devenu une sorte d’ancêtre mythique. Comme si l’on me disait descendant de Rabelais, de Charlemagne… mais eux sont trop connus, figés et figurés dans l’histoire. Plutôt descendant alors de Tchantchet, de Tijl Uylenspiegel ou du Manneken-Pis…
De ces ancêtres qu’on ne tente pas d’inscrire dans le temps – né en telle année, mort en telle autre – ni dans l’espace – habitait à tel endroit -, mais qu’on laisse vagabonder dans l’imaginaire, à toutes les époques (c’est juste un Lemaire), entre ville et campagne (un nom pareil sent la glaise, la tourbe, les bœufs que l’on mène sur la fagne) et nationalités (Belge, Allemand ?).
De ces ancêtres qui, rien que pour celà, mériteraient de transmettre leur prénom aux générations futures !
Libellés :
Q
vendredi 27 juin 2008
Pousseur (Henry)
Henry Pousseur, né à Malmédy, a l’âge de ma mère.
Visitez Malmédy. Rencontrez ses habitants. Et vous imaginerez difficilement comment un Henry Pousseur peut en être issu.
Faites en de même à Charleville, et essayez, dans la rue, comme ça, de trouver de futurs Rimbaud. Mais au moins, à Charleville, j’imagine que la plupart aura lu, ou entendu, un poème au moins d’Arthur.
Oserais-je imaginer qu’à Malmédy, un jour, tout le monde aura entendu, à défaut d'écouter, toute une œuvre de Henry Pousseur ? Ou serait-il encore trop tôt ? Une bonne gloire locale est-elle nécessairement une gloire morte ? Ou bien la malédiction serait-elle éternelle qui fait que nul n’est prophète en son pays ?
Entre 1961 (il était un peu tôt il est vrai, à trois ans, pour nous abreuver de musique sérielle ou dodécaphonique... mais pourquoi pas ?) et 1972 - mes années d'école là bas -, je trouve bizarre qu’aucun de mes instituteurs, puis de mes professeurs – de musique par exemple ! – ait jamais eu l’idée de nous entretenir d’un fils de la cité qui faisait parler de lui ailleurs.
Les seules fois où j’en ai entendu parler, c’était par plaisanterie. Chacun imaginant une symphonie pour sachets de pain ou un concerto pour nouvelles chaussures et batterie de cuisine.
Résultat. A près de cinquante ans, je n’en sais pas plus sur mon concitoyen !
Visitez Malmédy. Rencontrez ses habitants. Et vous imaginerez difficilement comment un Henry Pousseur peut en être issu.
Faites en de même à Charleville, et essayez, dans la rue, comme ça, de trouver de futurs Rimbaud. Mais au moins, à Charleville, j’imagine que la plupart aura lu, ou entendu, un poème au moins d’Arthur.
Oserais-je imaginer qu’à Malmédy, un jour, tout le monde aura entendu, à défaut d'écouter, toute une œuvre de Henry Pousseur ? Ou serait-il encore trop tôt ? Une bonne gloire locale est-elle nécessairement une gloire morte ? Ou bien la malédiction serait-elle éternelle qui fait que nul n’est prophète en son pays ?
Entre 1961 (il était un peu tôt il est vrai, à trois ans, pour nous abreuver de musique sérielle ou dodécaphonique... mais pourquoi pas ?) et 1972 - mes années d'école là bas -, je trouve bizarre qu’aucun de mes instituteurs, puis de mes professeurs – de musique par exemple ! – ait jamais eu l’idée de nous entretenir d’un fils de la cité qui faisait parler de lui ailleurs.
Les seules fois où j’en ai entendu parler, c’était par plaisanterie. Chacun imaginant une symphonie pour sachets de pain ou un concerto pour nouvelles chaussures et batterie de cuisine.
Résultat. A près de cinquante ans, je n’en sais pas plus sur mon concitoyen !
jeudi 26 juin 2008
Oncle Paul
Relire l’Oncle Paul, c’est comme entrer dans une machine à remonter le temps !
Le papier, un peu rèche. Pas le papier glacé d’aujourd’hui. L’encre qui sentait. Et puis ces histoires, comme racontées par un prof, par un oncle – évidemment – ou comme ces émissions historiques en radio et en télévision. Vite lu. Et on en retenait pas mal…
Mais, si vous voulez vraiment vous replonger dans l’ambiance, je vous conseille Jerry Spring et Buck Dany. C’est radical ! Vous rajeunirez de trente ou quarante années au moins !
Le papier, un peu rèche. Pas le papier glacé d’aujourd’hui. L’encre qui sentait. Et puis ces histoires, comme racontées par un prof, par un oncle – évidemment – ou comme ces émissions historiques en radio et en télévision. Vite lu. Et on en retenait pas mal…
Mais, si vous voulez vraiment vous replonger dans l’ambiance, je vous conseille Jerry Spring et Buck Dany. C’est radical ! Vous rajeunirez de trente ou quarante années au moins !
mercredi 25 juin 2008
Nicolas (Saint)
La fête à cadeaux, c’était la Saint Nicolas. Uniquement.
Aujourd’hui c’est cadeaux à la Saint Nicolas, cadeaux à la Noël, et re-cadeaux pour l’anniversaire. Les plus assidus n’oublient pas non plus les cadeaux de Pâques en attendant qu’un jour on en offre encore pour Halloween et la fête nationale !
Pour nous, Saint Nicolas, c’était la fête. J’entends, celle où on recevait des cadeaux.
Pour les anniversaires ? Une voiture modèle réduit, un animal miniature pour notre zoo. Mais surtout un gâteau. Un quatre quart pour moi.
A Noël ? Des mandarines – on n’en avait pas à d’autres moments -, des printen – un délicieux biscuit fabriqué en Allemagne -, un cadeau collectif aussi – un jeu de société par exemple -, et c’était tout.
Des cadeaux aussi pour les grands événements de la vie : la première communion (la petite communion, ou communion privée comme on disait), la communion solennelle (la grande communion). D’événements importants, il n’y en avait pas d’autres pour les enfants.
Aux autres fêtes ? Quelques bonbons. A Pâques on recevait des œufs – je veux parler principalement de ces choses ovales que pondent les poules. A l’époque, à Pâques, on mangeait surtout ça. Pas tellement d’imitations en chocolat ! - ; le nouvel an, on se rendait à peine compte que c’était une fête ; Halloween n’avait pas encore été importé.
Il nous restait donc Saint Nicolas. Le 6 décembre pour ceux qui l’auraient oublié !
Souvent, nous l’avons fêté la veille au soir. Pour de simples raisons pratiques, mais mes parents s’arrangeaient toujours pour créer quand même la surprise. Pour pouvoir mieux en profiter surtout. Profiter surtout d’une bonne nuit sans l’attente du matin.
L’école commençait un peu plus tard… et sur un rythme et un ton qui n’était pas vraiment celui de tous les jours. Le 6 décembre, c’était une sorte de jour de vacances en classe.
Aujourd’hui c’est cadeaux à la Saint Nicolas, cadeaux à la Noël, et re-cadeaux pour l’anniversaire. Les plus assidus n’oublient pas non plus les cadeaux de Pâques en attendant qu’un jour on en offre encore pour Halloween et la fête nationale !
Pour nous, Saint Nicolas, c’était la fête. J’entends, celle où on recevait des cadeaux.
Pour les anniversaires ? Une voiture modèle réduit, un animal miniature pour notre zoo. Mais surtout un gâteau. Un quatre quart pour moi.
A Noël ? Des mandarines – on n’en avait pas à d’autres moments -, des printen – un délicieux biscuit fabriqué en Allemagne -, un cadeau collectif aussi – un jeu de société par exemple -, et c’était tout.
Des cadeaux aussi pour les grands événements de la vie : la première communion (la petite communion, ou communion privée comme on disait), la communion solennelle (la grande communion). D’événements importants, il n’y en avait pas d’autres pour les enfants.
Aux autres fêtes ? Quelques bonbons. A Pâques on recevait des œufs – je veux parler principalement de ces choses ovales que pondent les poules. A l’époque, à Pâques, on mangeait surtout ça. Pas tellement d’imitations en chocolat ! - ; le nouvel an, on se rendait à peine compte que c’était une fête ; Halloween n’avait pas encore été importé.
Il nous restait donc Saint Nicolas. Le 6 décembre pour ceux qui l’auraient oublié !
Souvent, nous l’avons fêté la veille au soir. Pour de simples raisons pratiques, mais mes parents s’arrangeaient toujours pour créer quand même la surprise. Pour pouvoir mieux en profiter surtout. Profiter surtout d’une bonne nuit sans l’attente du matin.
L’école commençait un peu plus tard… et sur un rythme et un ton qui n’était pas vraiment celui de tous les jours. Le 6 décembre, c’était une sorte de jour de vacances en classe.
mardi 24 juin 2008
Martin (Saint)
Le 10 novembre au soir, c’était à Malmédy, les feux de la Saint Martin.
Il y en avait un à Outrelepont, à Floriheid, et le dernier dans le quartier des Grands Prés.
Traditionnellement, on y brulait tous les déchets avant l’hiver… mais les temps avaient changé et il était surtout fait de bois (ce n’est pas grave) et de vieux pneus (j’entends d’ici les hurlements de réprobation dans la salle !).
La nuit tombée, tout le quartier se dirigeait vers son bucher, au son de la fanfare. Les garçons portaient des torches. Les plus petits des lampions. Pas question quand on avait un peu grandi de se promener avec un lampion, on aurait eu l’air de quoi devant les copains !
Le feu mis, les chansons chantées (« C’est’u lu veuye do saint martin, nos ava fini scol’a tin… »), les rondes faites, chacun retournait chez lui. Les enfants recevaient un paquet de biscuits et de friandises du comité de quartier. Prélude à ceux qu’ils recevraient à la Saint-Nicolas, un peu moins d’un mois plus tard.
Le feu, quand à lui, continuait de brûler, et c’était, pour nous les gosses, à celui qui brulerait le plus longtemps. Deux ? Trois jours ? Ou plus encore. Il se racontait que lors de la construction de la cité - vers 60 je crois - notre feu brûlait encore en janvier !
Il y en avait un à Outrelepont, à Floriheid, et le dernier dans le quartier des Grands Prés.
Traditionnellement, on y brulait tous les déchets avant l’hiver… mais les temps avaient changé et il était surtout fait de bois (ce n’est pas grave) et de vieux pneus (j’entends d’ici les hurlements de réprobation dans la salle !).
La nuit tombée, tout le quartier se dirigeait vers son bucher, au son de la fanfare. Les garçons portaient des torches. Les plus petits des lampions. Pas question quand on avait un peu grandi de se promener avec un lampion, on aurait eu l’air de quoi devant les copains !
Le feu mis, les chansons chantées (« C’est’u lu veuye do saint martin, nos ava fini scol’a tin… »), les rondes faites, chacun retournait chez lui. Les enfants recevaient un paquet de biscuits et de friandises du comité de quartier. Prélude à ceux qu’ils recevraient à la Saint-Nicolas, un peu moins d’un mois plus tard.
Le feu, quand à lui, continuait de brûler, et c’était, pour nous les gosses, à celui qui brulerait le plus longtemps. Deux ? Trois jours ? Ou plus encore. Il se racontait que lors de la construction de la cité - vers 60 je crois - notre feu brûlait encore en janvier !
Inscription à :
Articles (Atom)