vendredi 2 mai 2008

Par avion

By airmail: Il y avait bien de la magie dans une lettre par avion !

Quand on la recevait, c’était un plaisir tout particulier. Avant de la toucher, la couleur d’abord : bleue, parfois bordée d’une frise alternant le bleu, le blanc et le rouge. Tous les autres courriers étaient blancs, bruns à l’occasion. Bleu, signifiait par avion.
Posée sur la main, son poids ensuite : celui d’un papillon, d’un colibri. Celui d’un souffle de vent peut-être.
On regardait alors l’adresse de l’expéditeur, ou le timbre. On regardait les deux. Elle venait sûrement du Congo, ou bien du Zaïre, ou bien du Congo à nouveau, plus tard… Elle venait de loin toujours.
D’un coup de couteau de cuisine (de ceux qui coupent bien plus finement que nos couverts de table), la lettre était ouverte, avec précaution pour ne pas déchirer le précieux contenu. Un feuillet, deux parfois, de papier par avion. Bleu aussi. Fin comme du papier bible. Couvert d’un seul côté d’une écriture appliquée de religieuse ou de missionnaire, de celle passionnée de l’explorateur ou de l’aventurier, molle du colon attardé ou de l’épave alcoolique - mais ceux-là, c'est vrai, n'écrivaient jamais ! -. Disant des nouvelles d’il y a longtemps déjà. Des jours nécessairement. Des semaines souvent. Des mois parfois, tant le monde était plus grand alors qu’il ne l’est aujourd’hui.
Lue, relue, précautionneusement rangée, la lettre avait apporté son lot de rêve. On tentait d’imaginer le là-bas… On se faisait son petit cinéma personnel sans même imaginer que les choses pourraient être bien différentes de ces rêves éveillés.
Il serait bientôt temps de s’y mettre soi même. Une enveloppe bleue. Une ou deux feuilles de papier par avion. Et de tenter à notre tour d’offrir à notre correspondant un peu de ce plaisir que nous avons ressenti …

jeudi 1 mai 2008

Hostie

A genoux. En rangs d’oignons. Les fidèles attendaient leur tour. Tendaient la langue, fermaient les yeux, fermaient la bouche sur l’hostie… Dieu ne pouvait qu’exister (à l’époque ! J’avoue ne pas avoir suivi son parcours récent et tout ignorer de ce qu’il est devenu depuis), tant l’expérience était divine… plutôt que particulièrement agréable.

Mais halte là… je parle bien de la vraie hostie ; l’hostie en hostie. De cette pâte fine et blanche. Sans aucun goût, dont on emballait aussi les poudres sûres et qui recouvrait certains biscuits. De celles qui étaient si fragiles qu’il fallait les doigts experts du curé pour les manipuler sans leur faire de mal.
Comment, vous ne le saviez pas ? On ne pouvait pas mordre sur l’hostie. Sinon elle pouvait saigner !
Surtout pas de ces nouvelles choses qui sont venues par la suite, sous prétexte d'authenticité et de proximité avec l'expérience du Christ. Grosses, vulgaires, brunâtres… goûtant et sentant le vieux, le renfermé, le pas propre… Que même la grand faim que nous avions ne pouvait pas nous faire trouver appétissantes…
Serait-ce la vraie raison pour laquelle les églises sont vides de nos jours ?

mercredi 30 avril 2008

Nicolay (Jean)

On ne me l’enlèvera pas de la tête: quand je pense au Standard de Liège, le premier nom qui me vient à l’esprit est celui de Jean Nicolay. Le gardien de but.

Et d’ailleurs, c’est à peu près tout ce que je sais du football : le Standard est champion et Jean Nicolay est le plus grand gardien de but. En me creusant un peu les méninges, je pourrais encore reconnaître avoir entendu parler d'un certain Piot – gardien de but aussi, mais piètre copie à mon avis (de profane) de son grand prédécesseur -, et avouer aussi que j’ai bien un jour entendu prononcer le nom de Preudhomme – mais il aurait tout aussi bien pu pour moi être coureur automobile ou patineur sur glace -.
Et si l’une et l’autre de ces connaissances sentent la naphtaline et le pas frais… c’est bien que je n’ai jamais été intéressé par le foot.

mardi 29 avril 2008

Moulin à café électrique

Le moulin à café, c’était d’abord un bruit, tout à fait désagréable… et puis une odeur… Et alors, le bruit devenait une sorte d’ami, de familier…

La dernière fois, c’était quand ? La dernière fois que j’ai entendu cette stridulation du moulin à café électrique. Et puis que l’arôme du café s’est développé. Pas juste comme un paquet qui s’ouvre… Non, quelque chose de plus long, dans lequel l’homme a sa part. Et le temps. Et toute la maison…
La dernière fois ? C’était en janvier ou février. Sous la neige. J’allais observer la danse absurde des coqs de bruyère dans la neige. Janvier 75 ou 76.
Mais je l’entends encore. Pas seulement un hurlement aigu de moulin à café, mais tout ce qui va avec. Le choc des grains de café contre le couvercle. Le déclic de la prise qu’on branche dans le mur. Le doux chuintement du café moulu qui s’écoule dans le filtre.
Et l’odeur !
Si je ne craignais pas tant de ne jamais retrouver toutes ses sensations, et de seulement gacher un souvenir encore si vivace,… j’achèterais bien un moulin à café !

lundi 28 avril 2008

Longueur des jupes

Le temps qui passait se mesurait à la longueur des jupes des filles.

Pas qu’on les regardait particulièrement, mais dès lors qu’une moitié au moins de l’humanité (sans compter les Ecossais et les curés !) portait jupe ou robe, les variations saisonnières et annuelles pouvaient bien se remarquer.
Maxi, midi, mini, et maxi de nouveau, et midi encore… Passaient les années et les saisons. Midi à nouveau, et maxi.
Verrait-on donc des genoux, seulement des mollets ou rien que des chaussures dans la rue cette saison ? Même les minijupes les plus courtes d’alors n’en révélaient pas beaucoup plus, et pourraient faire à certaines filles d’aujourd’hui figure de bourka.
Le pantalon est passé par là. Et les journaux ne titrent plus sur la longueur des jupes des filles.

dimanche 27 avril 2008

Ecole des filles

S’il y avait une école des filles, c’est bien qu’il y avait une école des garçons !

Prétendue naturelle à l’époque, cette séparation entre garçons et filles. Dix ans plus tard, elle était un enjeu. Dix ans après encore, elle n'était plus que risible et rétrograde.
Naturelle évidemment, puisque les filles étaient si différentes des garçons. Portaient des jupes. Sautaient à la corde. Jouaient à l’élastique. Riaient fort. Pleuraient. Crachaient et griffaient. Ou chantaient. Toutes des choses que jamais un garçon n’auraient faites. En tout cas, jamais dans une cour de récréation.
Une rue nous séparait. Pas tout à fait, puisque nous la traversions pour rejoindre certaines classes. Mais, c'est sûr, une rue séparait nos cours de récréation, et là était toute la différence.
Une rue et des siècles de culture.
Et pourtant, nous avions des sœurs !

samedi 26 avril 2008

Jeuner

Pas question de manger avant la messe. Vous seriez en état de péché…

Jeuner avant la messe du dimanche. Jeuner pendant le carême. Jeuner avant la messe de minuit, à Pâques et à Noël. Jeuner encore. Jeuner pour les pauvres. Jeuner pour les petits noirs. Jeuner à cause de nos péchés. Et si on n'en n'a pas commis, jeuner à cause du péché originel. Ils n’avaient que ce mot là à la bouche.
Comme s’il y avait eu une contre-indication médicale à l’absorption d’hostie lorsque l’estomac aurait contenu quoi que ce soit. Qu’en plus de notre âme, ce serait notre corps que nous aurions mis en danger.
Et jeuner avant d’aller à la piscine… se languir deux heures durant en été devant une rivière, de peur d'hydrocution. Et jeuner encore avant d’aller chez le médecin…
Et, évidemment, au seul endroit où nous aurions parfois voulu le faire, il n’était pas possible de jeuner ! C’était à la maison, quand nous n’aimions pas ce qui était sur la table…
Tu le manges maintenant, ou bien on te le servira froid plus tard !
Le monde est mal fait!