Vous rappelez-vous le bruit de la machine à écrire ? Et celui du projecteur de cinéma ?
Dans une rue de Prague, cet été, je me suis arrêté soudain. D’une fenêtre ouverte, résonnait dans la rue, la frappe régulière d’une machine à écrire. Quinze ans ? Vingt ans ? Plus encore ? Depuis combien de temps n’avais-je plus entendu ce bruit jadis familier ? Et qui était le (ou la) dactylographiste qui se mettait ainsi à jouer de mes souvenirs ?
Alors, entrainons-nous. De tous les sens, capturons les sensations qui bientôt ne seront plus. Allez de gauche et de droite, sans bien faire le tri : toutes les choses passent ! Concentrez vous tout de même sur les disparitions annoncées, sur les changements qui ont déjà eu lieu.
Le cinéma par exemple : les volutes de fumée des cigarettes qui se déployaient dans le cône de lumière du projecteur ; l’odeur rouge des sièges empoussiérés ou alors trop humides ; la vue de la salle depuis la galerie supérieure. Mais surtout, le bruit caractéristique du projecteur, qui déroule, image après image, son récit. Les interruptions, en cours de film, pour le changement des bobines. La lumière qui s’allume et s’éteint à nouveau – la tâche terminée – dans la cabine du projectionniste. Tous les cinémas du monde ne sont pas encore assez modernes pour nous priver de tous ces incidents !
dimanche 12 octobre 2008
samedi 11 octobre 2008
Schleuhs
Comme certains esprits dérangés aujourd’hui détestent l’immigré, certains haïssaient alors en toute démesure le Schleuh !
Schleuh, boche, frisé, fritz, fridolin, doryphore : deux ou trois guerres et tout un vocabulaire hérité des générations précédentes les rendaient poètes à leur manière. Vingt ans plus tard, ils en voulaient encore aux Allemands de l’occupation nazie, mais aussi, par droit d’héritage de la grande guerre de 14 et ce celle de 1870 – oubliant qu’à l’époque ils n’avaient jamais été belges ! -. Après un quart d’heure de récit, il leur venait des héroïsmes qu’ils avaient – très prudemment - oublié d’exercer en temps utile. Mais qu’aurions nous fait à leur place à l’époque ?
Ils n’ont heureusement pas réussi à inoculer leurs allergies et leur fiel ne nous a pas rendus amers. L’Europe est enfin là !
Schleuh, boche, frisé, fritz, fridolin, doryphore : deux ou trois guerres et tout un vocabulaire hérité des générations précédentes les rendaient poètes à leur manière. Vingt ans plus tard, ils en voulaient encore aux Allemands de l’occupation nazie, mais aussi, par droit d’héritage de la grande guerre de 14 et ce celle de 1870 – oubliant qu’à l’époque ils n’avaient jamais été belges ! -. Après un quart d’heure de récit, il leur venait des héroïsmes qu’ils avaient – très prudemment - oublié d’exercer en temps utile. Mais qu’aurions nous fait à leur place à l’époque ?
Ils n’ont heureusement pas réussi à inoculer leurs allergies et leur fiel ne nous a pas rendus amers. L’Europe est enfin là !
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S
vendredi 10 octobre 2008
Yeye
Yéyé, twist,… je n’ai pas grande culture musicale. Mais de ceux là, j’ai bien entendu quelques morceaux !
Etudiant, j’ai détesté le boum-boum du disco naissant et rien compris au mouvement punk. S’il fallait choisir des choses qui font du bruit, donnez moi plutôt quelques chœur d’opéra !
Quant à la variété des années 60, sans l’aimer, elle me fait voyager dans le temps. Ces voix haut perchées qui articulaient parfaitement des textes par ailleurs stupides. Ces musiques qui – diffusées dans le café de la piscine – ne nous empêchaient pas de discuter encore avec le voisin. Des morceaux entrecoupés de silences – pas comme dans notre monde actuel baigné de musique permanente – ou même, un état habituel de silence marqué parfois par des intermèdes musicaux.
Etudiant, j’ai détesté le boum-boum du disco naissant et rien compris au mouvement punk. S’il fallait choisir des choses qui font du bruit, donnez moi plutôt quelques chœur d’opéra !
Quant à la variété des années 60, sans l’aimer, elle me fait voyager dans le temps. Ces voix haut perchées qui articulaient parfaitement des textes par ailleurs stupides. Ces musiques qui – diffusées dans le café de la piscine – ne nous empêchaient pas de discuter encore avec le voisin. Des morceaux entrecoupés de silences – pas comme dans notre monde actuel baigné de musique permanente – ou même, un état habituel de silence marqué parfois par des intermèdes musicaux.
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Y
jeudi 9 octobre 2008
Quartier
On était d’abord de notre quartier, avant d’être de notre ville !
Ceux des Grands prés y avaient leur école, et leurs amis. Ceux de Floriheid ne fréquentaient pas ceux d’Outrelepont. Et ceux de Montbijou ne jouaient pas au foot avec ceux de la place Albert.
Pas par rejet. Logiquement, tout simplement. Puisqu’il suffisait de sortir dans la rue, et de voir qui s’y trouvait. De commencer à jouer. Et de terminer quand il se faisait tard ou que nos parents nous appelaient.
Plus tard, lorsque nous étions trop grands pour les petites classes du quartier, nous montions à l’école du centre ville. Et nous faisions d’autres amis. Mais pas trop loin tout de même. Dix minutes de vélo maximum. Et ces amitiés ne profitaient pas de l’imprévu des rencontres d’avec les proches. On les réservait aux mercredi ou au samedi après-midi. Et il fallait prendre rendez-vous ou risquer de trouver porte close.
Plus grands encore, il nous arriverait d’ouvrir le cercle plus encore. De nous faire des copains à Bévercé par exemple. Et d’y passer des journées entières. D’explorer avec eux la grotte des nains et les bords de la Warche. Mais là, notre petite moitié libre d’un mercredi ou d’un samedi n’y aurait pas suffi. Nés avec l’été, ces copinages n’y survivaient pas. Nous ne reverrions probablement jamais ceux avec lesquels nous avions passé tant d’heures palpitantes.
Ceux des Grands prés y avaient leur école, et leurs amis. Ceux de Floriheid ne fréquentaient pas ceux d’Outrelepont. Et ceux de Montbijou ne jouaient pas au foot avec ceux de la place Albert.
Pas par rejet. Logiquement, tout simplement. Puisqu’il suffisait de sortir dans la rue, et de voir qui s’y trouvait. De commencer à jouer. Et de terminer quand il se faisait tard ou que nos parents nous appelaient.
Plus tard, lorsque nous étions trop grands pour les petites classes du quartier, nous montions à l’école du centre ville. Et nous faisions d’autres amis. Mais pas trop loin tout de même. Dix minutes de vélo maximum. Et ces amitiés ne profitaient pas de l’imprévu des rencontres d’avec les proches. On les réservait aux mercredi ou au samedi après-midi. Et il fallait prendre rendez-vous ou risquer de trouver porte close.
Plus grands encore, il nous arriverait d’ouvrir le cercle plus encore. De nous faire des copains à Bévercé par exemple. Et d’y passer des journées entières. D’explorer avec eux la grotte des nains et les bords de la Warche. Mais là, notre petite moitié libre d’un mercredi ou d’un samedi n’y aurait pas suffi. Nés avec l’été, ces copinages n’y survivaient pas. Nous ne reverrions probablement jamais ceux avec lesquels nous avions passé tant d’heures palpitantes.
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Q
mercredi 8 octobre 2008
Pronostic Prior
Chaque semaine, oncle Joseph remplissait avec application sa grille Prior.
En fait, Oncle Joseph n’était pas plus notre oncle que tante Catherine n’aurait eu un quelconque lien de parenté avec nous. C’étaient juste de ces parentés de quartier, dans lesquelles les liens d’affection sont parfois plus fort que ceux du sang. De ces délégations d’autorité et d’amour que l’on se croyait forcé d’authentifier en leur attribuant une place dans l’ordre familial.
Chaque semaine, oncle Joseph reprenait donc ses opérations cabalistiques : inscrire de mystérieuses croix sur son bulletin de participation. Jouer ses quelques francs en espérant les récupérer à la fin du week-end, pour pouvoir les rejouer la semaine suivante. Sans aucune passion ni espoir de fortune – il n’y avait pas grand-chose à gagner il me semble -. Mais avec une application et une discipline sans faille. Comme un devoir dont eut dépendu la bonne rotation de la terre : impératif et répété, mais aussi partagé avec tant d’autres que son résultat ne fait plus aucun doute, ou que la fatalité de sa fin ne fasse plus vraiment peur.
Le pronostic était comme le miroir de la marâtre de Blanche Neige : « Pronostic, joli pronostic, dis moi s j’ai encore un tout petit peu de chance et d’habileté… » Un miroir un peu fatigué, qui toujours aurait répondu que s’il y en avait peut être de plus chanceux, on n’était finalement pas si mal. Un peu comme le miroir de votre salle de bain, si vous voyez ce que je veux dire !
En fait, Oncle Joseph n’était pas plus notre oncle que tante Catherine n’aurait eu un quelconque lien de parenté avec nous. C’étaient juste de ces parentés de quartier, dans lesquelles les liens d’affection sont parfois plus fort que ceux du sang. De ces délégations d’autorité et d’amour que l’on se croyait forcé d’authentifier en leur attribuant une place dans l’ordre familial.
Chaque semaine, oncle Joseph reprenait donc ses opérations cabalistiques : inscrire de mystérieuses croix sur son bulletin de participation. Jouer ses quelques francs en espérant les récupérer à la fin du week-end, pour pouvoir les rejouer la semaine suivante. Sans aucune passion ni espoir de fortune – il n’y avait pas grand-chose à gagner il me semble -. Mais avec une application et une discipline sans faille. Comme un devoir dont eut dépendu la bonne rotation de la terre : impératif et répété, mais aussi partagé avec tant d’autres que son résultat ne fait plus aucun doute, ou que la fatalité de sa fin ne fasse plus vraiment peur.
Le pronostic était comme le miroir de la marâtre de Blanche Neige : « Pronostic, joli pronostic, dis moi s j’ai encore un tout petit peu de chance et d’habileté… » Un miroir un peu fatigué, qui toujours aurait répondu que s’il y en avait peut être de plus chanceux, on n’était finalement pas si mal. Un peu comme le miroir de votre salle de bain, si vous voyez ce que je veux dire !
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P
mardi 7 octobre 2008
ORTF
RTB, Eurovision, ORTF ! C’était notre trilogie télévisuelle.
Pour la RTB, n’en parlons pas. On connaissait nos émissions – pas mal de choses se faisaient d’ailleurs encore en direct – et quand on s’y était habitué, on en avait pour des années : Feu vert, A vos marques, Bonhommet et Tilapin, Visa pour le monde, Chanson à la carte, le Jardin extraordinaires,… Réalisateurs et animateurs devenaient des familiers que l’on retrouvait avec plaisir, semaine après semaine et génération après génération.
L’Eurovision, c’était pour les grandes occasions, les grands événements. Les Jeux sans frontières faisaient l’exception – pas assez sérieux – mais pour le reste, le logo et la musique de l’Eurovision annonçaient du solide. Tout juste moins solennel que les retransmissions de la conquête spatiale, annoncées par le thème de « Zarathoustra » de Wagner.
Dans ce contexte, le logo de l’ORTF avec ses orbites enlacées nous annonçait l’aventure : Thierry la fronde, Yao, Belle et Sébastien. J’ai l’impression – mais je me trompe sans aucun doute – que tous les feuilletons originaux des années soixante portaient le label de l’ORTF.
Pour la RTB, n’en parlons pas. On connaissait nos émissions – pas mal de choses se faisaient d’ailleurs encore en direct – et quand on s’y était habitué, on en avait pour des années : Feu vert, A vos marques, Bonhommet et Tilapin, Visa pour le monde, Chanson à la carte, le Jardin extraordinaires,… Réalisateurs et animateurs devenaient des familiers que l’on retrouvait avec plaisir, semaine après semaine et génération après génération.
L’Eurovision, c’était pour les grandes occasions, les grands événements. Les Jeux sans frontières faisaient l’exception – pas assez sérieux – mais pour le reste, le logo et la musique de l’Eurovision annonçaient du solide. Tout juste moins solennel que les retransmissions de la conquête spatiale, annoncées par le thème de « Zarathoustra » de Wagner.
Dans ce contexte, le logo de l’ORTF avec ses orbites enlacées nous annonçait l’aventure : Thierry la fronde, Yao, Belle et Sébastien. J’ai l’impression – mais je me trompe sans aucun doute – que tous les feuilletons originaux des années soixante portaient le label de l’ORTF.
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O
lundi 6 octobre 2008
Martelange
La Belgique avait son Liechtenstein, son rocher de Monaco : Martelange !
C’était avant l’autoroute… quand la nationale 4, déroulait interminablement ses kilomètres dans la campagne ardennaise. Quand les files de camions faisaient craindre – et accomplissaient parfois – le pire dans les villages traversés. Martelange était le village le plus étrange que l’on pouvait imaginer. D’un côté de la route – vers la Belgique – la vie de tous les jours, les maisons modestes qui bordent toutes les routes nationales. De l’autre – et le Luxembourg – une suite de pompes à essence, de magasins d’alcools et de tabac.
Ouvrir un commerce du mauvais côté – belge – de la route, aurait nécessairement signifié la ruine, après des jours et des semaines d’ennui dans un magasin que personne ne viendrait jamais visiter.
Martelange, c’était le tax-free shop du peuple, qui ne prendrait peut-être jamais l’avion. Le lieu de la transgression des lois et des règlements – allez, on va quand même prendre trois bouteilles d’alcool de prune, même si la loi nous permet seulement d’en importer une – pour les fonctionnaires paisibles et d’habitude obéissants. Le point de départ de tous les héroïsmes et d’un road movie qui ne s’achèverait que la porte de leur domicile close. Suants, tremblants, passant leur nervosité sur les enfants inconfortablement entassés depuis des heures sur le siège arrière, à l’idée que les douaniers pourraient faire un contrôle inopiné. Ou pire… les avoir pris en filature !
La cigarette fumée le lendemain. Le petit verre d’alcool dégusté lors de la prochaine fête de famille n’auraient pas seulement l’avantage de peser moins lourd sur le portefeuille. Ils seraient encore bien chargés de l’adrénaline de ces moments aventureux. Et n’en seraient que plus savoureux !
C’était avant l’autoroute… quand la nationale 4, déroulait interminablement ses kilomètres dans la campagne ardennaise. Quand les files de camions faisaient craindre – et accomplissaient parfois – le pire dans les villages traversés. Martelange était le village le plus étrange que l’on pouvait imaginer. D’un côté de la route – vers la Belgique – la vie de tous les jours, les maisons modestes qui bordent toutes les routes nationales. De l’autre – et le Luxembourg – une suite de pompes à essence, de magasins d’alcools et de tabac.
Ouvrir un commerce du mauvais côté – belge – de la route, aurait nécessairement signifié la ruine, après des jours et des semaines d’ennui dans un magasin que personne ne viendrait jamais visiter.
Martelange, c’était le tax-free shop du peuple, qui ne prendrait peut-être jamais l’avion. Le lieu de la transgression des lois et des règlements – allez, on va quand même prendre trois bouteilles d’alcool de prune, même si la loi nous permet seulement d’en importer une – pour les fonctionnaires paisibles et d’habitude obéissants. Le point de départ de tous les héroïsmes et d’un road movie qui ne s’achèverait que la porte de leur domicile close. Suants, tremblants, passant leur nervosité sur les enfants inconfortablement entassés depuis des heures sur le siège arrière, à l’idée que les douaniers pourraient faire un contrôle inopiné. Ou pire… les avoir pris en filature !
La cigarette fumée le lendemain. Le petit verre d’alcool dégusté lors de la prochaine fête de famille n’auraient pas seulement l’avantage de peser moins lourd sur le portefeuille. Ils seraient encore bien chargés de l’adrénaline de ces moments aventureux. Et n’en seraient que plus savoureux !
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