Nous parlions de gants, mais nous n’avions pour la plupart que des moufles de laine.
Les gants, c’était utile pour le ski. Pour le traineau, les moufles nous convenaient mieux.
Notre mère nous les tricotait. Comme nos pulls et bonnets, avec des laines de différentes couleurs mêlées. Aucun risque de les confondre avec ceux des autres, désespérément de couleur unie. D’ailleurs… le froid piquant nous aurait rappelé à l’ordre avant que nous nous en soyons éloigné de quelques pas.
Lorsqu’il faisait bien froid, il suffisait de frapper les mains l’une contre l’autre pour en secouer la neige… Mais lorsque le dégel était proche, il s’accumulait dessus des paquets d’une glace trempée qui nous annonçait déjà la fin de nos jeux.
Rentrés à la maison, nos gants étaient mis à sécher sur le convecteur à gaz. Il s’en dégageait une odeur chaude. Comme un soupçon de sueur enfantine. Une odeur de sortie de bain chaud dans une maison froide. Et quand la laine provenait des moutons de mon oncle, la senteur insistante du suint. Pas du tout désagréable non plus. Evocatrice de la sensation de chaleur que nous offraient nos moufles alors que l’air du dehors, la neige et la glace, étaient si froids !
mardi 30 septembre 2008
lundi 29 septembre 2008
Fusibles
Par temps d’orage, il n’était pas rare, dans les veilles maisons, que les plombs sautent. Il suffisait alors de les ponter. Et la lumière revenait.
Inconcevable aujourd’hui : ponter un fusible ! Sécurité, sécurité et encore sécurité ! Tout doit être garanti, sans danger. Et tout ce qui n'est pas garanti ni sécurisé est illégal !
Il faut dire que les tableaux électriques d’alors étaient de beaux foutoirs. Et les câblages des maisons des sources d’étincelles.
Alors, les fusibles n’étaient qu’un détail et faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire : fondre ! Il suffisait alors de passer une boucle de fil de cuivre entre les broches ; de remettre le fusible en place, et le tour était joué. Rien de bien grave, et la plupart des maisons belges n’en brulaient pas.
Sauf…
Sauf quand l’électricien improvisé avait la main lourde. Et après avoir ponté dix fois de suite, garantissait son ouvrage de deux, trois ou quatre boucles de cuivre au lieu d’une. Et le fusible chauffait… mais ne fondait pas…
Inconcevable aujourd’hui : ponter un fusible ! Sécurité, sécurité et encore sécurité ! Tout doit être garanti, sans danger. Et tout ce qui n'est pas garanti ni sécurisé est illégal !
Il faut dire que les tableaux électriques d’alors étaient de beaux foutoirs. Et les câblages des maisons des sources d’étincelles.
Alors, les fusibles n’étaient qu’un détail et faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire : fondre ! Il suffisait alors de passer une boucle de fil de cuivre entre les broches ; de remettre le fusible en place, et le tour était joué. Rien de bien grave, et la plupart des maisons belges n’en brulaient pas.
Sauf…
Sauf quand l’électricien improvisé avait la main lourde. Et après avoir ponté dix fois de suite, garantissait son ouvrage de deux, trois ou quatre boucles de cuivre au lieu d’une. Et le fusible chauffait… mais ne fondait pas…
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F
dimanche 28 septembre 2008
Estenne
Regardez moi cet estenné !
Estenné (étonné, innocent ou qui joue l’innocent), èwaré (égaré, fou, inconscient), tiestu (têtu), macté (contrariant, rétif), marticot (singe)… Alors que nous ne parlions que le français à la maison, c’est en wallon que nos bêtises trouvaient souvent leur écho dans la bouche de ma mère ! L’énervement lui rendait sa langue maternelle.
Mais, étrange, aucun de ces qualificatifs – bien que moqueurs - ne nous semblait agressif. Comme si le wallon ne pratiquait pas l’injure : seulement un diagnostic raffiné de toutes nos faiblesses d’humains !
Estenné (étonné, innocent ou qui joue l’innocent), èwaré (égaré, fou, inconscient), tiestu (têtu), macté (contrariant, rétif), marticot (singe)… Alors que nous ne parlions que le français à la maison, c’est en wallon que nos bêtises trouvaient souvent leur écho dans la bouche de ma mère ! L’énervement lui rendait sa langue maternelle.
Mais, étrange, aucun de ces qualificatifs – bien que moqueurs - ne nous semblait agressif. Comme si le wallon ne pratiquait pas l’injure : seulement un diagnostic raffiné de toutes nos faiblesses d’humains !
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E
samedi 27 septembre 2008
Droguiste
Avec le quincailler, le droguiste fait partie des espèces en voie de disparition !
Les visites chez le droguiste étaient toujours mémorables.
Pour les produits courants, il suffisait de traverser la rue, vers l’épicerie du quartier : du savon à lessive, du savon vert, des teintures pour les œufs de Pâques. L’indispensable et le commun s’y trouvaient.
Mais sortait-on de ces produits habituels, la visite chez le droguiste était indispensable.
Une bouteille de white spirit ? Chez le droguiste. De la térébenthine ou un quelconque produit pour décaper les meubles ? Chez le droguiste aussi, rien d’étonnant.
Et puis, il y avait tout le reste. Qui faisait de la droguerie une sorte d’échoppe d’alchimiste.
Par exemple le bleu pour blanchir le linge ! Un produit qu’utilisaient nos mères et qui par je ne sais quelle sorcellerie, dont seules les femmes auront jamais le secret, faisait paraître le linge plus blanc. Je vois encore la boite : cubique, ça s’appelait le lion bleu je crois. En tout cas, il y avait un lion sur la boite, couché, majestueux.
Ou bien les capsules de teinture. Quand un vêtement avait cessé de plaire, ou que ses couleurs étaient passées. Souvenir bien plus récent sans doute, car elles étaient faites d’aluminium. Un peu à l’image des rations de lait que les restaurateurs servent avec le café. Je me souviens d’une dose d’orange - éclatant comme celui des clavaires ou de certains lys – mais nullement de ce qu’on en avait fait.
Et aussi l’imperméabilisant, à une époque de tissus bien moins perfectionnés qu’aujourd’hui. De temps en temps, il fallait traiter l’une ou l’autre veste, certains équipements de camping aussi. Et ne croyez pas qu’il s’appliquait à la bombe. C’était une poudre, à diluer dans l’eau. Et pour imperméabiliser, il fallait donc tremper. Là aussi, l’emballage nous était connu : une boite de carton portant le dessin d’un canard, le parapluie sous le bras. Je n’ai jamais cru utile d’en retenir le nom… l’illustration suffisait à le reconnaître et aucun droguiste ne se serait risqué à nous en fournir un autre.
Les visites chez le droguiste étaient toujours mémorables.
Pour les produits courants, il suffisait de traverser la rue, vers l’épicerie du quartier : du savon à lessive, du savon vert, des teintures pour les œufs de Pâques. L’indispensable et le commun s’y trouvaient.
Mais sortait-on de ces produits habituels, la visite chez le droguiste était indispensable.
Une bouteille de white spirit ? Chez le droguiste. De la térébenthine ou un quelconque produit pour décaper les meubles ? Chez le droguiste aussi, rien d’étonnant.
Et puis, il y avait tout le reste. Qui faisait de la droguerie une sorte d’échoppe d’alchimiste.
Par exemple le bleu pour blanchir le linge ! Un produit qu’utilisaient nos mères et qui par je ne sais quelle sorcellerie, dont seules les femmes auront jamais le secret, faisait paraître le linge plus blanc. Je vois encore la boite : cubique, ça s’appelait le lion bleu je crois. En tout cas, il y avait un lion sur la boite, couché, majestueux.
Ou bien les capsules de teinture. Quand un vêtement avait cessé de plaire, ou que ses couleurs étaient passées. Souvenir bien plus récent sans doute, car elles étaient faites d’aluminium. Un peu à l’image des rations de lait que les restaurateurs servent avec le café. Je me souviens d’une dose d’orange - éclatant comme celui des clavaires ou de certains lys – mais nullement de ce qu’on en avait fait.
Et aussi l’imperméabilisant, à une époque de tissus bien moins perfectionnés qu’aujourd’hui. De temps en temps, il fallait traiter l’une ou l’autre veste, certains équipements de camping aussi. Et ne croyez pas qu’il s’appliquait à la bombe. C’était une poudre, à diluer dans l’eau. Et pour imperméabiliser, il fallait donc tremper. Là aussi, l’emballage nous était connu : une boite de carton portant le dessin d’un canard, le parapluie sous le bras. Je n’ai jamais cru utile d’en retenir le nom… l’illustration suffisait à le reconnaître et aucun droguiste ne se serait risqué à nous en fournir un autre.
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D
vendredi 26 septembre 2008
Cloches
Quand nous faisions nos plus horribles et spectaculaires grimaces, ou que nous nous égarions à en faire de très anodines face à l’un ou l’autre mauvais caractère, il se trouvait toujours quelqu’un pour prétendre que : si les cloches de l’église sonnent, tu resteras comme ça toute ta vie !
Cela n’aurait été que risible si certains n’y avaient cru ! Car pour certains parents, la bonne conduite de leurs enfants passait par l’enseignement de superstitions stupides. Incapables qu’ils étaient d’imaginer d’abord que certains jeux d’enfants – bien que pas très intelligents – n’en étaient pas moins tout à fait anodins et ne choquaient qu’eux-mêmes. Obtus aussi au point de ne pas prévoir qu’un jour leurs rejetons réaliseraient peut-être que la tromperie avait été établie comme système d’éducation.
Mais sans doute n’avaient-ils d’autre ambition – avec la complicité d’une certaine frange de l’Eglise - que de produire des enfants aussi crétins qu’eux-mêmes ! Le pire étant que certains y ont sans doute réussi.
Cela n’aurait été que risible si certains n’y avaient cru ! Car pour certains parents, la bonne conduite de leurs enfants passait par l’enseignement de superstitions stupides. Incapables qu’ils étaient d’imaginer d’abord que certains jeux d’enfants – bien que pas très intelligents – n’en étaient pas moins tout à fait anodins et ne choquaient qu’eux-mêmes. Obtus aussi au point de ne pas prévoir qu’un jour leurs rejetons réaliseraient peut-être que la tromperie avait été établie comme système d’éducation.
Mais sans doute n’avaient-ils d’autre ambition – avec la complicité d’une certaine frange de l’Eglise - que de produire des enfants aussi crétins qu’eux-mêmes ! Le pire étant que certains y ont sans doute réussi.
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C
jeudi 25 septembre 2008
Bouillon
Autant boisson que nourriture, le bouillon était le bienvenu en hiver.
Boit on encore du bouillon ? Qui demande encore un OXO ou un Viandox au sortir de la piscine ou au coin du marché ? Et qui se contenterait à quatre heure d’un cube Maggi dans une tasse d’eau chaude, seulement accompagnée d’une biscotte ? Mais n’est-ce pas la soupe elle-même, et le sens même du souper avec elle, qui ont perdu nos faveurs ?
Ne laissons évidemment pas croire que le bouillon serait un sommet de gastronomie dont nous aurions tort de nous priver. C’est tout juste l’occasion de quelques plaisirs qui me manquent parfois.
Par exemple. Celui de décider de boire tout le liquide d’abord, pour manger à la fin, pommes de terres, légumes, voire le morceau de viande que contenait le bouillon. Ou bien l’inverse… patiemment pêcher un an un tous les éléments solides pour ensuite – bruyamment si possible – vider son bol de bouillon encore chaud comme on le ferait d’une boisson quelconque. Sans oublier la variante du bouillon clair... que l'on épuise biscotte par biscotte. Ne laissant à lapper finalement qu'un ridicule fond parsemé d'écailles brunes.
Et puis aussi, aller à la découverte de trésors que seul le bouillon a jamais contenus : des vermicelles – assez banal -, de minuscules lettres en pâte – comme s’il s’agissait d’un liquide magique dans lequel aurait trempé un journal ou un dictionnaire, quelle histoire veut-il donc nous raconter, ou une formule magique, comme le font les marabouts africains -, et, miracle entre tous, y trouver des billes de tapioca – comme de minuscules œufs de grenouilles, quoiqu’en bien plus appétissant ! -.
Confort enfin, quand le corps n’en peut plus de froid et d’humidité, de se réconforter avec autre chose que du caféiné ou du sucré. La légère amertume du bouillon brisée par la biscotte que l’on y trempe. Le salé et le chaud qui s’écoulent dans notre gorge et nous ramènent à la vie. On n’en a pas moins faim après, mais au moins se sent-on prêt à passer à la suite. Même s’il s’agit de retourner vers le froid d’une marche hivernale, de jeux dans la neige ou d’un bucheronnage pluvieux !
Boit on encore du bouillon ? Qui demande encore un OXO ou un Viandox au sortir de la piscine ou au coin du marché ? Et qui se contenterait à quatre heure d’un cube Maggi dans une tasse d’eau chaude, seulement accompagnée d’une biscotte ? Mais n’est-ce pas la soupe elle-même, et le sens même du souper avec elle, qui ont perdu nos faveurs ?
Ne laissons évidemment pas croire que le bouillon serait un sommet de gastronomie dont nous aurions tort de nous priver. C’est tout juste l’occasion de quelques plaisirs qui me manquent parfois.
Par exemple. Celui de décider de boire tout le liquide d’abord, pour manger à la fin, pommes de terres, légumes, voire le morceau de viande que contenait le bouillon. Ou bien l’inverse… patiemment pêcher un an un tous les éléments solides pour ensuite – bruyamment si possible – vider son bol de bouillon encore chaud comme on le ferait d’une boisson quelconque. Sans oublier la variante du bouillon clair... que l'on épuise biscotte par biscotte. Ne laissant à lapper finalement qu'un ridicule fond parsemé d'écailles brunes.
Et puis aussi, aller à la découverte de trésors que seul le bouillon a jamais contenus : des vermicelles – assez banal -, de minuscules lettres en pâte – comme s’il s’agissait d’un liquide magique dans lequel aurait trempé un journal ou un dictionnaire, quelle histoire veut-il donc nous raconter, ou une formule magique, comme le font les marabouts africains -, et, miracle entre tous, y trouver des billes de tapioca – comme de minuscules œufs de grenouilles, quoiqu’en bien plus appétissant ! -.
Confort enfin, quand le corps n’en peut plus de froid et d’humidité, de se réconforter avec autre chose que du caféiné ou du sucré. La légère amertume du bouillon brisée par la biscotte que l’on y trempe. Le salé et le chaud qui s’écoulent dans notre gorge et nous ramènent à la vie. On n’en a pas moins faim après, mais au moins se sent-on prêt à passer à la suite. Même s’il s’agit de retourner vers le froid d’une marche hivernale, de jeux dans la neige ou d’un bucheronnage pluvieux !
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B
mercredi 24 septembre 2008
Acier froid
Le quai de la gare de Verviers sentait l’huile et l’acier froids. L’acier froid surtout !
Si certaines gares disent le passage, d’autres ont vocation de terminus. Celle de Verviers était de ces dernières. Et bien qu’un tunnel la traversait de part en part – qui devait bien mener quelque part, vers un plus loin et un autre ailleurs – on avait l’impression que le monde s’y arrêtait, tant il y faisait sombre, et qu’il semblait impossible d’imaginer plus sombre encore !
Le hall proclamait un glorieux passé qui ne vivait plus que dans l’esprit embrumé des plus vieux de ses habitants. Glorieuse architecture vantant les mérites des artisans lainiers de jadis. Mais la ville était morte. Les usines fermées. Les artisans depuis longtemps partis, retraités ou morts. Seul le buffet dégageait encore un peu de chaleur et invitait à rester un instant encore. Juste le temps de sauter dans le prochain train… ou de s’en aller avec le prochain bus.
Et puis sur le quai cette odeur typique, de roues raclant les rails, de freins arrêtant les trains, de caténaires perclus d’humidité, d’ombre et d’âge. L’on respirait à courtes inspirations des morceaux entiers de locomotives, des mètres de rails. Et ce n’était pas vraiment désagréable. Un peu comme ces tabacs de pipe, parfumés au miel ou aux épices, dont on traverse la fumée en se retenant : d’inspirer trop fort, au risque de capturer avec le miel, toute l’amertume… et d’expirer trop vite, pour garder un instant encore les notes magiques. Ou comme ces parfums qui surgissent au passage d’une dame… et qu’il ne sert à rien de tenter de respirer encore: juste d’en garder, un instant encore, le peu qu’on a pu en capturer.
Si certaines gares disent le passage, d’autres ont vocation de terminus. Celle de Verviers était de ces dernières. Et bien qu’un tunnel la traversait de part en part – qui devait bien mener quelque part, vers un plus loin et un autre ailleurs – on avait l’impression que le monde s’y arrêtait, tant il y faisait sombre, et qu’il semblait impossible d’imaginer plus sombre encore !
Le hall proclamait un glorieux passé qui ne vivait plus que dans l’esprit embrumé des plus vieux de ses habitants. Glorieuse architecture vantant les mérites des artisans lainiers de jadis. Mais la ville était morte. Les usines fermées. Les artisans depuis longtemps partis, retraités ou morts. Seul le buffet dégageait encore un peu de chaleur et invitait à rester un instant encore. Juste le temps de sauter dans le prochain train… ou de s’en aller avec le prochain bus.
Et puis sur le quai cette odeur typique, de roues raclant les rails, de freins arrêtant les trains, de caténaires perclus d’humidité, d’ombre et d’âge. L’on respirait à courtes inspirations des morceaux entiers de locomotives, des mètres de rails. Et ce n’était pas vraiment désagréable. Un peu comme ces tabacs de pipe, parfumés au miel ou aux épices, dont on traverse la fumée en se retenant : d’inspirer trop fort, au risque de capturer avec le miel, toute l’amertume… et d’expirer trop vite, pour garder un instant encore les notes magiques. Ou comme ces parfums qui surgissent au passage d’une dame… et qu’il ne sert à rien de tenter de respirer encore: juste d’en garder, un instant encore, le peu qu’on a pu en capturer.
mardi 23 septembre 2008
Visiter les morts
La mort nous était somme toute familière : quand quelqu’un décédait, il était de coutume de lui rendre une dernière visite, et de le revoir une dernière fois avant qu’il ne disparaisse.
Mourir n’était pas moins triste, ni moins dur qu’aujourd’hui. Mais nous ne craignions pas alors que la vue d’un mort nous ferait le moindre mal !
S’il arrivait que le défunt soit exposé dans sa chambre à coucher, c’était souvent la première – et la dernière – occasion d’entrer aussi loin dans son intimité. Et même dans le salon, les quelques personnes qui l’entouraient avaient l’air de composer une famille : de plus jeunes et de plus vieux, des hommes et des femmes, liés intimement – au point de pouvoir cohabiter avec son cadavre – à celui qui n’était déjà plus là.
C’était pour nous, les gosses, l’occasion de détailler enfin un visage qui n’était déjà plus familier ! D’y voir alors certains éléments dont nous doutions parfois qu’ils aient été présents du vivant de leur porteur. D’oser regarder enfin sans crainte quelqu’un qui nous faisait peur de son vivant.
Dans la pénombre, seulement éclairée par quelques bougies – qui parfumaient doucement l’atmosphère de leur blanche odeur de cire – et par l’une ou l’autre lampe masquée de voiles, il nous venait des bâillements, et une envie irrésistible de nous asseoir. Ces veillées duraient toujours trop longtemps à notre goût. Nous aurait-on proposé de nous coucher dans un coin ou de nous assoupir dans un fauteuil, nous n’aurions pas résisté bien fort !
Même plus âgé, j’ai goûté à sa juste valeur de ce dernier instant passé avec des êtres plus ou moins chers. Et si j’ai appris à les redouter aussi, je ne peux que regretter que la coutume s’en soit perdue. Après un tel ultime face à face, je me suis toujours trouvé apaisé. Comme s’il était plus facile de consciemment laisser partir quelqu’un dont on voit le visage… que d’abandonner à de sombres projets de pourrissement ou d’incinération une caisse fermée dont on ne connaît pas le contenu avec certitude !
Mourir n’était pas moins triste, ni moins dur qu’aujourd’hui. Mais nous ne craignions pas alors que la vue d’un mort nous ferait le moindre mal !
S’il arrivait que le défunt soit exposé dans sa chambre à coucher, c’était souvent la première – et la dernière – occasion d’entrer aussi loin dans son intimité. Et même dans le salon, les quelques personnes qui l’entouraient avaient l’air de composer une famille : de plus jeunes et de plus vieux, des hommes et des femmes, liés intimement – au point de pouvoir cohabiter avec son cadavre – à celui qui n’était déjà plus là.
C’était pour nous, les gosses, l’occasion de détailler enfin un visage qui n’était déjà plus familier ! D’y voir alors certains éléments dont nous doutions parfois qu’ils aient été présents du vivant de leur porteur. D’oser regarder enfin sans crainte quelqu’un qui nous faisait peur de son vivant.
Dans la pénombre, seulement éclairée par quelques bougies – qui parfumaient doucement l’atmosphère de leur blanche odeur de cire – et par l’une ou l’autre lampe masquée de voiles, il nous venait des bâillements, et une envie irrésistible de nous asseoir. Ces veillées duraient toujours trop longtemps à notre goût. Nous aurait-on proposé de nous coucher dans un coin ou de nous assoupir dans un fauteuil, nous n’aurions pas résisté bien fort !
Même plus âgé, j’ai goûté à sa juste valeur de ce dernier instant passé avec des êtres plus ou moins chers. Et si j’ai appris à les redouter aussi, je ne peux que regretter que la coutume s’en soit perdue. Après un tel ultime face à face, je me suis toujours trouvé apaisé. Comme s’il était plus facile de consciemment laisser partir quelqu’un dont on voit le visage… que d’abandonner à de sombres projets de pourrissement ou d’incinération une caisse fermée dont on ne connaît pas le contenu avec certitude !
lundi 22 septembre 2008
Truite
Le poisson, vous l’avouerez, est meilleur quand il est frais ! Nous allions donc acheter nos truites à la pêcherie, de l’autre côté de la ville.
Manger une truite devenait tout un rituel, qui commençait bien avant le repas.
La décision prise par ma mère, il fallait prendre son vélo, et rouler quelques kilomètres dans la vallée. En amont toujours, au pied des collines de Géromont, dans un vallon se trouvait la pêcherie. La commande faite, le propriétaire s’éloignait vers les viviers, un seau à la main. Il en revenait porteur de sa récolte qu’il exécutait devant nous. Quelques belles truites arc-en-ciel qui finiraient bientôt dans notre assiette.
Et de retour à la maison – quelques kilomètres en descente plus loin - il serait encore temps de continuer la leçon de choses : parcourir du doigt les peau couverte de mucus… sentir la râpe des dents et de la langue… palper la chair ferme et jauger de la souplesse de l’animal…
Au bout du compte, la dégustation n’était qu’accessoire. Tant tout ce qui précède était passionnant et exceptionnel !
Manger une truite devenait tout un rituel, qui commençait bien avant le repas.
La décision prise par ma mère, il fallait prendre son vélo, et rouler quelques kilomètres dans la vallée. En amont toujours, au pied des collines de Géromont, dans un vallon se trouvait la pêcherie. La commande faite, le propriétaire s’éloignait vers les viviers, un seau à la main. Il en revenait porteur de sa récolte qu’il exécutait devant nous. Quelques belles truites arc-en-ciel qui finiraient bientôt dans notre assiette.
Et de retour à la maison – quelques kilomètres en descente plus loin - il serait encore temps de continuer la leçon de choses : parcourir du doigt les peau couverte de mucus… sentir la râpe des dents et de la langue… palper la chair ferme et jauger de la souplesse de l’animal…
Au bout du compte, la dégustation n’était qu’accessoire. Tant tout ce qui précède était passionnant et exceptionnel !
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T
dimanche 21 septembre 2008
Poux
Comment se fait-il que nous n’avions jamais de poux ?
Aucune école aujourd’hui n’est épargnée. Chacune à son tour appelle ses élèves, parents et professeurs à participer à la grande campagne d’éradication du petit nuisible !
Bizarre. Je ne me souviens pas qu’il ait jamais été question de poux lorsque j’étais gamin ! Seulement bien plus tard, lorsque j’avais déjà quitté la ville. Pas un enfant rasé. Pas un rappel dans les cartables. L’air de rien, avec notre bain hebdomadaire, et nos vêtements que l’on changeait au même rythme, nous ne devions pas être si sales que cela !
Aucune école aujourd’hui n’est épargnée. Chacune à son tour appelle ses élèves, parents et professeurs à participer à la grande campagne d’éradication du petit nuisible !
Bizarre. Je ne me souviens pas qu’il ait jamais été question de poux lorsque j’étais gamin ! Seulement bien plus tard, lorsque j’avais déjà quitté la ville. Pas un enfant rasé. Pas un rappel dans les cartables. L’air de rien, avec notre bain hebdomadaire, et nos vêtements que l’on changeait au même rythme, nous ne devions pas être si sales que cela !
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samedi 20 septembre 2008
Westminster
En plus du tic-tac, lent mais incessant, de l’horloge, il y avait, toutes les heures le rituel du carillon Westminster : on se serait cru sur les bords de la Tamise.
Il y avait aussi l’odeur du tabac froid, ou celle du pas vraiment propre. Une odeur de vieux qui vivent tout seuls.
Le lenteur du tic-tac disait celle des occupants de la maison. Qui se laissaient tout doucement glisser vers le néant. Surtout quand aucun enfant, ni petit-enfant, n’était jamais là pour casser la routine.
Il y avait aussi – le plus souvent – sur la cheminée l’une ou l’autre posture – c’est ainsi qu’on désignait les statues – d’un goût douteux, et au mur, un cadre souvenir d’une très ancienne excursion – à la cascade de Coo peut-être et pour les plus aventureux jusqu’à Lourdes et ses miracles -.
Et sur l’appui de fenêtre, cachées à moitié par les voilettes, quelques plantes en pot : de ces horribles plantes grasses surtout, en lame de couteau, qui n’ont d’autre élégance que d’être toujours vertes ! Quant au chien de la maison, il était mort depuis des décennies, que ses propriétaires n’osaient pas remplacer, de peur de le laisser seul un jour.
Il y avait aussi l’odeur du tabac froid, ou celle du pas vraiment propre. Une odeur de vieux qui vivent tout seuls.
Le lenteur du tic-tac disait celle des occupants de la maison. Qui se laissaient tout doucement glisser vers le néant. Surtout quand aucun enfant, ni petit-enfant, n’était jamais là pour casser la routine.
Il y avait aussi – le plus souvent – sur la cheminée l’une ou l’autre posture – c’est ainsi qu’on désignait les statues – d’un goût douteux, et au mur, un cadre souvenir d’une très ancienne excursion – à la cascade de Coo peut-être et pour les plus aventureux jusqu’à Lourdes et ses miracles -.
Et sur l’appui de fenêtre, cachées à moitié par les voilettes, quelques plantes en pot : de ces horribles plantes grasses surtout, en lame de couteau, qui n’ont d’autre élégance que d’être toujours vertes ! Quant au chien de la maison, il était mort depuis des décennies, que ses propriétaires n’osaient pas remplacer, de peur de le laisser seul un jour.
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W
vendredi 19 septembre 2008
Vinyl
A une certaine époque, le toit des voitures – c’était très chic – s’est couvert de vinyl. Mode incompréhensible, suivie ou précédée de près de celle des véhicules bicolores.
C’est drôle les modes. Surtout lorsqu’il s’agit de voitures, parce qu’elles laissent des traces pendant pas mal d’années. Mais surtout, c’est tellement vite démodé !
C’est drôle les modes. Surtout lorsqu’il s’agit de voitures, parce qu’elles laissent des traces pendant pas mal d’années. Mais surtout, c’est tellement vite démodé !
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V
jeudi 18 septembre 2008
Melodica
Croisement entre un piano et une flute : le mélodica !
Une sorte d’ornithorynque musical. Je n’ai jamais su en jouer, évidemment. A part la guimbarde et la musique à bouche, j’ai bien rarement produit des airs reconnaissables !
J’avais pourtant un certain faible pour le mélodica.
Le contact général d’abord. Du bon gros plastique comme on n’en fait plus. Presque de la bakélite. On sentait la solidité. C’était frais. Inusable. Incassable. Ingriffable. Et des années plus tard, c’était encore propre, presque comme neuf. Pas étonnant dès lors que les gosses n’hésitaient pas à le prendre en main – et en bouche - et à en tirer quelques notes.
La musique ensuite. Pas qu’elle soit belle vraiment. Simplement qu’elle était juste ! Pas moyen, je pense, d’en tirer une fausse note. Ou alors, il aurait fallu être un fameux virtuose je crois. Vous en connaissez beaucoup vous des instruments qui ne jouent jamais faux ? Mes oreilles en remercient encore les inventeurs.
Une sorte d’ornithorynque musical. Je n’ai jamais su en jouer, évidemment. A part la guimbarde et la musique à bouche, j’ai bien rarement produit des airs reconnaissables !
J’avais pourtant un certain faible pour le mélodica.
Le contact général d’abord. Du bon gros plastique comme on n’en fait plus. Presque de la bakélite. On sentait la solidité. C’était frais. Inusable. Incassable. Ingriffable. Et des années plus tard, c’était encore propre, presque comme neuf. Pas étonnant dès lors que les gosses n’hésitaient pas à le prendre en main – et en bouche - et à en tirer quelques notes.
La musique ensuite. Pas qu’elle soit belle vraiment. Simplement qu’elle était juste ! Pas moyen, je pense, d’en tirer une fausse note. Ou alors, il aurait fallu être un fameux virtuose je crois. Vous en connaissez beaucoup vous des instruments qui ne jouent jamais faux ? Mes oreilles en remercient encore les inventeurs.
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M
mercredi 17 septembre 2008
Tourniquets
Les sentiers parfois étaient interrompus par une prairie. Il y avait alors des passe-barrières : une chicane, le plus souvent, ou alors un tourniquet, bien plus élégant !
Le monde d’aujourd’hui tend à tout séparer : les voitures sur les autoroutes… les vélos sur les pistes cyclables… les piétons sur les trottoirs… les TGV dans de profondes tranchées et les métros plus bas encore… Chacun chez soi semble être la règle. Et si cela est vrai à la ville, ce l’est aussi dans les bois : chemin équestre, piste de VTT, sentier pédestre, sans parler de l’horreur de l’invasion des voies forestières par les quads et 4x4. Chacun veut avoir son chemin à lui.
Quand les forêts étaient moins peuplées – faut-il dire envahies par des hordes de plaisanciers ? – il fallait bien se garer parfois de quelque motocycliste. Toujours les deux mêmes en fait. Qui ralentissaient lorsqu’ils approchaient de piétons. De voitures ou de 4x4 ? Il n’en était pas question dans le bois. Ou alors, c’était un forestier qui s’en allait au travail. Sans fausse hâte ni illusion qu’il participait à un rallye raid. Quant aux piétons, ils allaient où ils voulaient. Pas en période de chasse évidemment. Mais, les sentiers et les chemins n’étaient qu’indicatifs : le moyen souvent le plus confortable de nous mener d’un point à un autre où nous trouverions toujours le prétexte pour quitter les voies balisées. Et quand il fallait choisir la voie la plus rapide, nous trouvions des raccourcis seulement parcourus par les animaux sauvages.
Et puis, il y avait les prés. Pas de champs. Tout juste des pâtures ou des prés à foin. Que les sentiers traversaient parfois.
Les moins accueillants des fermiers, les plus envahissants, nous forçaient à sauter les barrières, à nous glisser sous les barbelés, ou à en ouvrir le portail le temps de les franchir. Ceux dont la pâture était franchie par l’un ou l’autre sentier très fréquenté savaient où était leur intérêt – au risque autrement de voir leur barrière mal refermée et les bêtes s’égailler dans les bois – et nous offraient d’élégants passe barrières.
Les tourniquets sont peut-être plus jolis, et plus modernes. Je préférais les chicanes. Elles affirmaient bien que la prairie était ouverte, à celui seulement qui pouvait s’y faufiler. Mais rien ne faisait obstacle au passage de nos menus corps d’enfants qui les franchissaient à toute vitesse.
Le monde d’aujourd’hui tend à tout séparer : les voitures sur les autoroutes… les vélos sur les pistes cyclables… les piétons sur les trottoirs… les TGV dans de profondes tranchées et les métros plus bas encore… Chacun chez soi semble être la règle. Et si cela est vrai à la ville, ce l’est aussi dans les bois : chemin équestre, piste de VTT, sentier pédestre, sans parler de l’horreur de l’invasion des voies forestières par les quads et 4x4. Chacun veut avoir son chemin à lui.
Quand les forêts étaient moins peuplées – faut-il dire envahies par des hordes de plaisanciers ? – il fallait bien se garer parfois de quelque motocycliste. Toujours les deux mêmes en fait. Qui ralentissaient lorsqu’ils approchaient de piétons. De voitures ou de 4x4 ? Il n’en était pas question dans le bois. Ou alors, c’était un forestier qui s’en allait au travail. Sans fausse hâte ni illusion qu’il participait à un rallye raid. Quant aux piétons, ils allaient où ils voulaient. Pas en période de chasse évidemment. Mais, les sentiers et les chemins n’étaient qu’indicatifs : le moyen souvent le plus confortable de nous mener d’un point à un autre où nous trouverions toujours le prétexte pour quitter les voies balisées. Et quand il fallait choisir la voie la plus rapide, nous trouvions des raccourcis seulement parcourus par les animaux sauvages.
Et puis, il y avait les prés. Pas de champs. Tout juste des pâtures ou des prés à foin. Que les sentiers traversaient parfois.
Les moins accueillants des fermiers, les plus envahissants, nous forçaient à sauter les barrières, à nous glisser sous les barbelés, ou à en ouvrir le portail le temps de les franchir. Ceux dont la pâture était franchie par l’un ou l’autre sentier très fréquenté savaient où était leur intérêt – au risque autrement de voir leur barrière mal refermée et les bêtes s’égailler dans les bois – et nous offraient d’élégants passe barrières.
Les tourniquets sont peut-être plus jolis, et plus modernes. Je préférais les chicanes. Elles affirmaient bien que la prairie était ouverte, à celui seulement qui pouvait s’y faufiler. Mais rien ne faisait obstacle au passage de nos menus corps d’enfants qui les franchissaient à toute vitesse.
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mardi 16 septembre 2008
Saucisson au jambon
Et pour les enfants, le boucher découpait toujours une belle tranche de saucisson au jambon !
Etonnant non que les enfants se tenaient toujours bien chez le boucher. Jamais un mot plus haut que l’autre. Jamais de crise de colère, même chez les plus caractériels. Des enfants parfaits, de vrais échantillons pour un livre de la Comtesse de Ségur.
Et pourtant. C’était bien un endroit bien peu agréable. Eté comme hiver, il y faisait froid. L’étalage et les frigos pulsaient leur morsure glaciale que réverbéraient sans pitié les carrelages blancs. Et la lumière crue mettait en évidence toutes les horreurs que certains projetaient d’ingurgiter : des foies répugnants, des pieds de porc, des langues gigantesques.
Mais en fait, nous n’en voyions rien. Les yeux fixés sur le boucher ou la bouchère. Et cela ne manquait jamais. Quelle que soit l’importance de la commande, le saucisson au jambon était amené sur la machine à trancher. Le boucher réglait sa machine : pas question d’une fine tranche ! Non, un bon demi-centimètre conviendrait. Il en coupait une tranche par enfant. Il prenait le plus souvent encore le soin d’en retirer la peau. Et un grand sourire éclairant sa face, il nous distribuait la récompense attendue.
Rien que pour le souvenir de ce sourire éclatant, je crois que j’aimerai toujours le saucisson au jambon et l’atmosphère des boucheries !
Etonnant non que les enfants se tenaient toujours bien chez le boucher. Jamais un mot plus haut que l’autre. Jamais de crise de colère, même chez les plus caractériels. Des enfants parfaits, de vrais échantillons pour un livre de la Comtesse de Ségur.
Et pourtant. C’était bien un endroit bien peu agréable. Eté comme hiver, il y faisait froid. L’étalage et les frigos pulsaient leur morsure glaciale que réverbéraient sans pitié les carrelages blancs. Et la lumière crue mettait en évidence toutes les horreurs que certains projetaient d’ingurgiter : des foies répugnants, des pieds de porc, des langues gigantesques.
Mais en fait, nous n’en voyions rien. Les yeux fixés sur le boucher ou la bouchère. Et cela ne manquait jamais. Quelle que soit l’importance de la commande, le saucisson au jambon était amené sur la machine à trancher. Le boucher réglait sa machine : pas question d’une fine tranche ! Non, un bon demi-centimètre conviendrait. Il en coupait une tranche par enfant. Il prenait le plus souvent encore le soin d’en retirer la peau. Et un grand sourire éclairant sa face, il nous distribuait la récompense attendue.
Rien que pour le souvenir de ce sourire éclatant, je crois que j’aimerai toujours le saucisson au jambon et l’atmosphère des boucheries !
lundi 15 septembre 2008
Remouleur
A peu près en face de la maison, le rémouleur s’était arrêté et aiguisait quelques lames.
Encore une de ces images anciennes. Si anciennes qu’il est impossible de les dater, même approximativement.
Il s’était arrêté de l’autre côté de la rue et du carrefour de la rue Lebière. Sur son drôle de vélo qui, à l’arrêt, devait un établi, équipé d’une meule qu’actionnaient les pédales. Je crois du moins. C’est ce que – de loin – je croyais voir. Je ne me suis pas avancé : il faut dire que les métiers ambulants n’avaient pas meilleure presse à l’époque qu’aujourd’hui. Les romanichels vendent des paniers, réparent les casseroles et sont rémouleurs… ça, c’est pour la partie officielle… Pour le reste, nous ne doutions pas qu’ils enlevaient les enfants – ce qu’ils en faisaient nous préoccupait peu ou ajoutait, par le mystère, la crédibilité que trop de détails auraient pu gâcher ! -.
Encore une de ces images anciennes. Si anciennes qu’il est impossible de les dater, même approximativement.
Il s’était arrêté de l’autre côté de la rue et du carrefour de la rue Lebière. Sur son drôle de vélo qui, à l’arrêt, devait un établi, équipé d’une meule qu’actionnaient les pédales. Je crois du moins. C’est ce que – de loin – je croyais voir. Je ne me suis pas avancé : il faut dire que les métiers ambulants n’avaient pas meilleure presse à l’époque qu’aujourd’hui. Les romanichels vendent des paniers, réparent les casseroles et sont rémouleurs… ça, c’est pour la partie officielle… Pour le reste, nous ne doutions pas qu’ils enlevaient les enfants – ce qu’ils en faisaient nous préoccupait peu ou ajoutait, par le mystère, la crédibilité que trop de détails auraient pu gâcher ! -.
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dimanche 14 septembre 2008
Bodet a linge
Qui n’a pas mis son linge dans le bodet ?
Ne dites pas panier à linge : dites bodet ! Du moins si vous habitez du côté de Liège (et même un peu plus loin).
Encore un de ces mots que l’on entend toutes les semaines pendant des années. Un jour on s’éloigne de quelques pas… de quelques autres encore… Un avion, un boulot, un mariage et des enfants plus loin, même revenu tout près de son point de départ, le mot est oublié !
Un peu comme le subjonctif. Ou bien les mouchoirs en tissus. Les moineaux ou les meules de foin. Qui donc s’occupera un jour des mots en voie de disparition ?
Ne dites pas panier à linge : dites bodet ! Du moins si vous habitez du côté de Liège (et même un peu plus loin).
Encore un de ces mots que l’on entend toutes les semaines pendant des années. Un jour on s’éloigne de quelques pas… de quelques autres encore… Un avion, un boulot, un mariage et des enfants plus loin, même revenu tout près de son point de départ, le mot est oublié !
Un peu comme le subjonctif. Ou bien les mouchoirs en tissus. Les moineaux ou les meules de foin. Qui donc s’occupera un jour des mots en voie de disparition ?
samedi 13 septembre 2008
Poteau de telephone
Le béton a fait sa place. Les billes de chemin de fer sont en béton. Les poteaux de téléphone aussi !
Et pourtant : quoi de plus poétique qu’un poteau de téléphone en bois ?
Il y a bien longtemps, c’était le cas. Alors que les pylônes électriques étaient déjà de béton, ceux de téléphone restaient encore en place. Ils étaient même parfois remplacés.
Après ? C’est comme une maladie contagieuse. Un disparaît après l’autre. Si lentement qu’on ne s’en rend pas compte. D’abord, il en reste encore assez pour qu’on ne s’en rende pas compte. Puis vient le moment où l’on s’habitue : les poteaux de bois cohabitent avec leurs frères de béton ! Enfin, n’en reste plus que quelques-uns : on a déjà oublié que quelques années plus tôt, ils étaient la règle… Et quand disparaît le dernier, tout le monde ignore qu’il s’agissait du seul survivant : d’un monument historique somme toute !
Les nostalgiques en sont donc réduits aux voyages lointains : j’espère que – par exemple - l’Andalousie et l’Orégon garderont les leurs. Et qu’ils permettront ainsi à mes petits enfants de se croire au temps du télégraphe !
Et pourtant : quoi de plus poétique qu’un poteau de téléphone en bois ?
Il y a bien longtemps, c’était le cas. Alors que les pylônes électriques étaient déjà de béton, ceux de téléphone restaient encore en place. Ils étaient même parfois remplacés.
Après ? C’est comme une maladie contagieuse. Un disparaît après l’autre. Si lentement qu’on ne s’en rend pas compte. D’abord, il en reste encore assez pour qu’on ne s’en rende pas compte. Puis vient le moment où l’on s’habitue : les poteaux de bois cohabitent avec leurs frères de béton ! Enfin, n’en reste plus que quelques-uns : on a déjà oublié que quelques années plus tôt, ils étaient la règle… Et quand disparaît le dernier, tout le monde ignore qu’il s’agissait du seul survivant : d’un monument historique somme toute !
Les nostalgiques en sont donc réduits aux voyages lointains : j’espère que – par exemple - l’Andalousie et l’Orégon garderont les leurs. Et qu’ils permettront ainsi à mes petits enfants de se croire au temps du télégraphe !
vendredi 12 septembre 2008
Capoules
Ma mère refaisait régulièrement les capoules de ma sœur !
Faut-il donc, en changeant de région, oublier à jamais certains mots ? Ma mère rafraichissait donc régulièrement les capoules de ma sœur – en français de France, on parlerait sans doute de la chienne de ma sœur -. Mais du côté de Liège – et plus loin – on parlait donc des capoules.
Faut-il donc, en changeant de région, oublier à jamais certains mots ? Ma mère rafraichissait donc régulièrement les capoules de ma sœur – en français de France, on parlerait sans doute de la chienne de ma sœur -. Mais du côté de Liège – et plus loin – on parlait donc des capoules.
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jeudi 11 septembre 2008
Chou rouge
Qui mange encore du chou rouge ?
J’aime le chou vert et la choucroute. Un peu moins le chou fleur. Je ne raffole pas des brocolis. Le chou blanc en salade ou en potée n’est pas mauvais du tout. Ne me parlez pas des choux de Bruxelles, je les déteste. Mais je me méfie du chou rouge !
Ce n’est qu’un chou pourtant. Malgré cette couleur qui en ferait douter. Et si aujourd’hui on se contente de quelques feuilles tranchées fines pour colorer un plat, nous avions à subir le chou rouge comme légume. L’odeur ? Indéfinissable. Tout autant que le goût. Mais en tout cas : pas bon ! Acide si je me souviens bien. Malgré les morceaux de pommes que certaines cuisinières y mettaient.
Bizarre non cette aversion ? Mais elle doit être partagée : sinon, pourquoi le chou rouge a-t-il pratiquement disparu des étals de nos magasins ?
J’aime le chou vert et la choucroute. Un peu moins le chou fleur. Je ne raffole pas des brocolis. Le chou blanc en salade ou en potée n’est pas mauvais du tout. Ne me parlez pas des choux de Bruxelles, je les déteste. Mais je me méfie du chou rouge !
Ce n’est qu’un chou pourtant. Malgré cette couleur qui en ferait douter. Et si aujourd’hui on se contente de quelques feuilles tranchées fines pour colorer un plat, nous avions à subir le chou rouge comme légume. L’odeur ? Indéfinissable. Tout autant que le goût. Mais en tout cas : pas bon ! Acide si je me souviens bien. Malgré les morceaux de pommes que certaines cuisinières y mettaient.
Bizarre non cette aversion ? Mais elle doit être partagée : sinon, pourquoi le chou rouge a-t-il pratiquement disparu des étals de nos magasins ?
mercredi 10 septembre 2008
Mopette
Avoir une mopette ? Un rêve inaccessible pour la plupart d’entre nous !
Il parait que ça s’écrit « moped » normalement, mais pour nous c’était bien une mopette. Pour les plus dignes : une mobylette. Scooter, scoot, cyclo, moto ? Que disent les jeunes maintenant ? En tout cas, ils ne parlent plus ni de mobylette, ni de mopette il me semble.
Evidemment, ça faisait du bruit. D’autant plus qu’elles n’étaient pas nombreuses… Tout le monde savait donc quand le fils machin s’en allait… et aussi à quelle heure il revenait… Et dans une ville qui était toute consacrée au vélo – chacun en avait un – les mobylettes étaient comme des intruses.
Tout juste tolérées à l’école. Pas besoin de frimer quand on va en classe… On y va bien pour étudier. Surtout utilisées le week-end et en soirée.
Le plus marrant – on en aurait acheté une rien que pour ça – c’est quand il fallait faire le plein : de mélange deux temps. Pomper à la main l'huile et l'essence dans la colonne vitrée du mélangeur. Et seulement alors pouvoir remplir le réservoir.
Trop chères de toute façon. Mais surtout, trop dangereuses. Elles fonçaient évidemment à près de 60 kilomètres heures. Trop dangereux avaient décidé la plupart de nos parents ! Qui ne pouvaient pourtant pas ignorer que parfois, sur nos vélos, nous dévalions les routes en pente à des vitesses au moins aussi déraisonnables. Mais bon, ce devait surtout être un prétexte !
Il parait que ça s’écrit « moped » normalement, mais pour nous c’était bien une mopette. Pour les plus dignes : une mobylette. Scooter, scoot, cyclo, moto ? Que disent les jeunes maintenant ? En tout cas, ils ne parlent plus ni de mobylette, ni de mopette il me semble.
Evidemment, ça faisait du bruit. D’autant plus qu’elles n’étaient pas nombreuses… Tout le monde savait donc quand le fils machin s’en allait… et aussi à quelle heure il revenait… Et dans une ville qui était toute consacrée au vélo – chacun en avait un – les mobylettes étaient comme des intruses.
Tout juste tolérées à l’école. Pas besoin de frimer quand on va en classe… On y va bien pour étudier. Surtout utilisées le week-end et en soirée.
Le plus marrant – on en aurait acheté une rien que pour ça – c’est quand il fallait faire le plein : de mélange deux temps. Pomper à la main l'huile et l'essence dans la colonne vitrée du mélangeur. Et seulement alors pouvoir remplir le réservoir.
Trop chères de toute façon. Mais surtout, trop dangereuses. Elles fonçaient évidemment à près de 60 kilomètres heures. Trop dangereux avaient décidé la plupart de nos parents ! Qui ne pouvaient pourtant pas ignorer que parfois, sur nos vélos, nous dévalions les routes en pente à des vitesses au moins aussi déraisonnables. Mais bon, ce devait surtout être un prétexte !
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mardi 9 septembre 2008
Laque
Vous souvenez vous des choucroutes qui surmontaient les cranes de nos mères et de leurs copines ? Des tas de bigoudis et des kilos de laque aboutissaient à ces échafaudages périlleux !
Question de style, il fallait aimer. Et manifestement, à parcourir les photos anciennes, cela plaisait. Les dames s’aspergeaient le crane de laque comme elles trempaient leurs draps dans l’amidon : la fermeté était alors la seule qualité à l’ordre du jour. Faire ainsi gonfler la chevelure, lui donner une légèreté apparente qu’elle n’avait pas dans la réalité était impératif.
Une impression qui disparaissait d’ailleurs dès lors que la dame bougeait la tête. Car, s’il y avait bien du mouvement, la chevelure n’était pas concernée. Pas un poil ne bougeait. L’édifice restait bien aligné, comme s’il était fait de roc ou de métal. Comme s’il était osseux et faisait partie intégrante de la boite crânienne. Et si par hasard votre main s’y hasardait – je l’ai fait plus d’une fois dans les cheveux de ma mère – le sentiment devenait plus paradoxal encore : ce n’était pas vraiment dur, un peu comme un nid d’abeilles ou de guêpes… une légère pression des doigts suffisait à en changer les formes, à en percer les parois…
Mais c’était rêche ! La bombe de laque posait comme une couche de papier émeri là où l’on attendait le soyeux d’une toison vivante et chaude.
Les hommes ? Ils s’y sont mis à leur tour – au moins certains d’entre eux – dans les années 70, avec une certaine mode des cheveux longs. Avant ça, il parait qu’ils utilisaient bien la brillantine – le gel de l’époque – mais nos petites villes étaient épargnées : la brillantine, c’était un truc qu’on voyait dans les films, chez les voyous et les bellâtres, pas chez gens normaux !
Question de style, il fallait aimer. Et manifestement, à parcourir les photos anciennes, cela plaisait. Les dames s’aspergeaient le crane de laque comme elles trempaient leurs draps dans l’amidon : la fermeté était alors la seule qualité à l’ordre du jour. Faire ainsi gonfler la chevelure, lui donner une légèreté apparente qu’elle n’avait pas dans la réalité était impératif.
Une impression qui disparaissait d’ailleurs dès lors que la dame bougeait la tête. Car, s’il y avait bien du mouvement, la chevelure n’était pas concernée. Pas un poil ne bougeait. L’édifice restait bien aligné, comme s’il était fait de roc ou de métal. Comme s’il était osseux et faisait partie intégrante de la boite crânienne. Et si par hasard votre main s’y hasardait – je l’ai fait plus d’une fois dans les cheveux de ma mère – le sentiment devenait plus paradoxal encore : ce n’était pas vraiment dur, un peu comme un nid d’abeilles ou de guêpes… une légère pression des doigts suffisait à en changer les formes, à en percer les parois…
Mais c’était rêche ! La bombe de laque posait comme une couche de papier émeri là où l’on attendait le soyeux d’une toison vivante et chaude.
Les hommes ? Ils s’y sont mis à leur tour – au moins certains d’entre eux – dans les années 70, avec une certaine mode des cheveux longs. Avant ça, il parait qu’ils utilisaient bien la brillantine – le gel de l’époque – mais nos petites villes étaient épargnées : la brillantine, c’était un truc qu’on voyait dans les films, chez les voyous et les bellâtres, pas chez gens normaux !
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lundi 8 septembre 2008
Toile
Le camping, c’est gai. Ce qui l’est moins, c’est de se trimballer une lourde tente de toile de coton.
Avant le nylon ultra léger et les piquets de tente en fibre de carbone… il y avait la toile de coton et les tubes d’aluminium.
Ils avaient bien du courage les campeurs d’alors. Du moins ceux qui circulaient à pied ou en vélo en transportant leur logement sur le dos ou le porte bagage. D’accord, tous les cotons n’étaient pas aussi rébarbatifs ni lourds que celui des tentes SNJ. Il en était de bien doux, et bien légers. Mais, au bout du compte, il en allait toujours de quelques kilos de plus à porter que de nos jours.
Mais le coton avait pour moi un autre avantage, celui de donner au camping une odeur particulière. Au pire, celle d’un peu de moisissure et de pas très frais d’une toile qui aura passé des mois dans un grenier, au mieux, celle d’une toile fraichement nettoyée et imperméabilisée, pas très éloignée du parfum des draps de lit d’alors. Se couchait-on, il n’y avait pas seulement les bruits de l’extérieur, mais aussi ce parfum très particulier qui nous rappelait, les yeux fermés, où nous dormions.
Aujourd’hui, seuls les Hollandais semblent avoir conservé un attachement certain aux tentes de toiles.
Avant le nylon ultra léger et les piquets de tente en fibre de carbone… il y avait la toile de coton et les tubes d’aluminium.
Ils avaient bien du courage les campeurs d’alors. Du moins ceux qui circulaient à pied ou en vélo en transportant leur logement sur le dos ou le porte bagage. D’accord, tous les cotons n’étaient pas aussi rébarbatifs ni lourds que celui des tentes SNJ. Il en était de bien doux, et bien légers. Mais, au bout du compte, il en allait toujours de quelques kilos de plus à porter que de nos jours.
Mais le coton avait pour moi un autre avantage, celui de donner au camping une odeur particulière. Au pire, celle d’un peu de moisissure et de pas très frais d’une toile qui aura passé des mois dans un grenier, au mieux, celle d’une toile fraichement nettoyée et imperméabilisée, pas très éloignée du parfum des draps de lit d’alors. Se couchait-on, il n’y avait pas seulement les bruits de l’extérieur, mais aussi ce parfum très particulier qui nous rappelait, les yeux fermés, où nous dormions.
Aujourd’hui, seuls les Hollandais semblent avoir conservé un attachement certain aux tentes de toiles.
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dimanche 7 septembre 2008
Jahrgang 58
Je suis du Jahrgang 58 !
Encore une de ces expressions allemandes qui ont percolé dans la langue de Malmédy.
Le Jahrgang 58, ce sont tous ceux qui sont nés en 1958 à Malmédy. Comme le font les copains de classes terminales, ils se retrouvent parfois… 30, 40 ou 50 ans plus tard.
Ce qu’ils se racontent et quelles sont leurs activités ? Je n’en ai aucune idée. Demandez-le plutôt à ceux qui auront déjà participé à l’une ou l’autre de ces réunions.
Encore une de ces expressions allemandes qui ont percolé dans la langue de Malmédy.
Le Jahrgang 58, ce sont tous ceux qui sont nés en 1958 à Malmédy. Comme le font les copains de classes terminales, ils se retrouvent parfois… 30, 40 ou 50 ans plus tard.
Ce qu’ils se racontent et quelles sont leurs activités ? Je n’en ai aucune idée. Demandez-le plutôt à ceux qui auront déjà participé à l’une ou l’autre de ces réunions.
samedi 6 septembre 2008
Chemin de derriere les maisons
Au bout des jardins il y avait le chemin de derrière les maisons !
Mitoyennes deux à deux, les maisons déroulaient derrière elles un long jardin, le plus souvent potager. Au bout on arrivait sur le chemin de derrière les maisons. Pour entrer parfois, juste en face, dans le jardin du voisin de derrière que l’on aurait pu traverser pour se retrouver sur la rue de l’autre côté du bloc. Il se dessinait ainsi des chemins de traverse : pour les familiers, à travers les jardins ; pour les autres entre les rangées de maisons, bien loin du trafic de la rue. Mais jamais d’un jardin à l’autre : chacun tenait à sa clôture et n’accueillait le visiteur que par l’avant ou l’arrière !
L’un ou l’autre avait bien une voiture, et un garage. Et le passage était bien carrossable. Mais si peu fréquenté – il y avait d’ailleurs bien peu de voitures – et les automobilistes s’y engageaient comme en s’excusant, sorte d’intrus dans un espace habituellement réservé aux jeux et aux piétons.
Passer par derrière les maisons, c’était comme les surprendre dans leur intimité : le linge qui sèche, les parterres et le potager plus ou moins bien entretenus, les objets qui trainent éventuellement ça ou là. Surprendre aussi par les fenêtres le mouvement des habitants : on vivait à l’arrière, laissant la pièce du devant – de toute façon masquée par des voiles - pour les grands jours.
Le chemin de derrière les maisons était enfin la porte vers l’aventure : ici, un terrain vague entre deux maisons et une grande prairie ou s’exhibait parfois un cirque ; là, le monde magique du talus de chemin de fer ; à un autre endroit encore, des prairies. Choisir l’un ou l’autre déciderait de nos jeux de la journée.
Mitoyennes deux à deux, les maisons déroulaient derrière elles un long jardin, le plus souvent potager. Au bout on arrivait sur le chemin de derrière les maisons. Pour entrer parfois, juste en face, dans le jardin du voisin de derrière que l’on aurait pu traverser pour se retrouver sur la rue de l’autre côté du bloc. Il se dessinait ainsi des chemins de traverse : pour les familiers, à travers les jardins ; pour les autres entre les rangées de maisons, bien loin du trafic de la rue. Mais jamais d’un jardin à l’autre : chacun tenait à sa clôture et n’accueillait le visiteur que par l’avant ou l’arrière !
L’un ou l’autre avait bien une voiture, et un garage. Et le passage était bien carrossable. Mais si peu fréquenté – il y avait d’ailleurs bien peu de voitures – et les automobilistes s’y engageaient comme en s’excusant, sorte d’intrus dans un espace habituellement réservé aux jeux et aux piétons.
Passer par derrière les maisons, c’était comme les surprendre dans leur intimité : le linge qui sèche, les parterres et le potager plus ou moins bien entretenus, les objets qui trainent éventuellement ça ou là. Surprendre aussi par les fenêtres le mouvement des habitants : on vivait à l’arrière, laissant la pièce du devant – de toute façon masquée par des voiles - pour les grands jours.
Le chemin de derrière les maisons était enfin la porte vers l’aventure : ici, un terrain vague entre deux maisons et une grande prairie ou s’exhibait parfois un cirque ; là, le monde magique du talus de chemin de fer ; à un autre endroit encore, des prairies. Choisir l’un ou l’autre déciderait de nos jeux de la journée.
vendredi 5 septembre 2008
Piscine
Comment voulez-vous apprendre à nager dans une piscine glacée ?
De 19 à 21 degrés, c’était habituel pour les piscines.
Je me souviens de leçons de natation, bien vaines, à la piscine de Malmédy. Une jolie piscine tout de même… mais bien trop tôt dans la journée couverte par l’ombre de la colline. Je me souviens de mes membres qui s’ankylosent dans le froid. De ma respiration qui se fait de plus en plus désordonnée. Et puis de la constatation par tous – ma mère, le maître nageur, moi je le savais déjà depuis longtemps - que ça ne servait à rien, qu’on n’arriverait à rien… que le gamin ne nagerait pas aujourd’hui, ni cette année probablement.
Plus glauque encore, l’ambiance de celle de l’école communale. Une piscine dans une cave. Eté comme hiver, la lumière qui nous arrivait par les soupiraux faisait penser à la pluie, nous faisait frissonner à l’avance. Construite hors sol, il nous fallait - comme un suicidé le fait d'une balustrade - escalader la paroi et nous jeter enfin dans une eau qu’aucun soleil ne réchaufferait jamais. Là non plus, rien d'étonnant, je ne suis jamais arrivé à rien.
Et puis… mes parents ont décidé d’aller voir plus loin. En Allemagne d’abord, à Montjoie (Monschau). 26 ou 27 degrés dans l’eau. De quoi se sentir enfin bien, par tous les temps.
Et Spa aussi, plus tard, aux mêmes températures. A l’intérieur en hiver, à l’extérieur – et en piscine olympique chauffée s'il vous plait – en été.
Certains nous prenaient pour des fous, de faire autant de kilomètres pour aller nager… Les gosses des voisins qui nous accompagnaient en redemandaient. Les autres ne nageaient pas, ou alors si peu, seulement en été et bien à contrecoeur !
De 19 à 21 degrés, c’était habituel pour les piscines.
Je me souviens de leçons de natation, bien vaines, à la piscine de Malmédy. Une jolie piscine tout de même… mais bien trop tôt dans la journée couverte par l’ombre de la colline. Je me souviens de mes membres qui s’ankylosent dans le froid. De ma respiration qui se fait de plus en plus désordonnée. Et puis de la constatation par tous – ma mère, le maître nageur, moi je le savais déjà depuis longtemps - que ça ne servait à rien, qu’on n’arriverait à rien… que le gamin ne nagerait pas aujourd’hui, ni cette année probablement.
Plus glauque encore, l’ambiance de celle de l’école communale. Une piscine dans une cave. Eté comme hiver, la lumière qui nous arrivait par les soupiraux faisait penser à la pluie, nous faisait frissonner à l’avance. Construite hors sol, il nous fallait - comme un suicidé le fait d'une balustrade - escalader la paroi et nous jeter enfin dans une eau qu’aucun soleil ne réchaufferait jamais. Là non plus, rien d'étonnant, je ne suis jamais arrivé à rien.
Et puis… mes parents ont décidé d’aller voir plus loin. En Allemagne d’abord, à Montjoie (Monschau). 26 ou 27 degrés dans l’eau. De quoi se sentir enfin bien, par tous les temps.
Et Spa aussi, plus tard, aux mêmes températures. A l’intérieur en hiver, à l’extérieur – et en piscine olympique chauffée s'il vous plait – en été.
Certains nous prenaient pour des fous, de faire autant de kilomètres pour aller nager… Les gosses des voisins qui nous accompagnaient en redemandaient. Les autres ne nageaient pas, ou alors si peu, seulement en été et bien à contrecoeur !
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jeudi 4 septembre 2008
Goffe
On passait d’abord devant le moulin Kalbusch, puis la 1ère carrière, la 2ème carrière ensuite, la goffe enfin.
La goffe c’était une sorte de grande piscine naturelle dans le lit de la Warche.
Tous les étés, on pouvait y nager. En tout cas les plus courageux, car cela faisait bien loin de la ville. Pour notre part, nous nous arrêtions à la première carrière. L’eau y était peut-être moins profonde mais personne d’autre ne s’y arrêtait. Nous avions la rivière pour nous seuls !
La goffe ! J’adore ces mots que l’on a toujours prononcés et dont on ne connaît pas la signification !
La goffe c’était une sorte de grande piscine naturelle dans le lit de la Warche.
Tous les étés, on pouvait y nager. En tout cas les plus courageux, car cela faisait bien loin de la ville. Pour notre part, nous nous arrêtions à la première carrière. L’eau y était peut-être moins profonde mais personne d’autre ne s’y arrêtait. Nous avions la rivière pour nous seuls !
La goffe ! J’adore ces mots que l’on a toujours prononcés et dont on ne connaît pas la signification !
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mercredi 3 septembre 2008
mardi 2 septembre 2008
Epidiascope
Faire un exposé, c’était bien. Mais c’était mieux encore si l’on faisait bon usage de l’épidiascope !
Episcope, épidiascope ? D’abord on trébuchait sur le nom.
Ensuite on veillait bien à ne pas trébucher en le transportant. C’est qu’il était lourd comme un cheval mort. Qu’il pesait bien sa vingtaine de kilos d’acier et de verre. Un monstre de ferraille et de lumière qui servait à projeter pour la classe n’importe quel document, n’importe quelle page de livre.
Aujourd’hui on scanne et on utilise ordinateur et projecteur numérique.
Une forme étrange aussi. Des formes de ce temps là, qui n’arrivaient pas à se décider entre les angles droits et les courbes. Une couleur de char d’assaut ou de milicienne Est-allemande : gris sombre, grenu. De ces couleurs qu’on n’ose plus.
La plupart des classes avaient le leur. Ou au moins les classes de sciences, qui faisaient grand usage de documentation.
L’épidiascope, c’était finalement le seul outil audio-visuel dont disposaient nos professeurs de l’époque. Le simple fait de l’allumer était pour nous un début de détente : le professeur s’arrêtait de dicter, et nous de noter. Dans la pénombre, il racontait, nous écoutions. C’est tout ce qu’il demandait.
Episcope, épidiascope ? D’abord on trébuchait sur le nom.
Ensuite on veillait bien à ne pas trébucher en le transportant. C’est qu’il était lourd comme un cheval mort. Qu’il pesait bien sa vingtaine de kilos d’acier et de verre. Un monstre de ferraille et de lumière qui servait à projeter pour la classe n’importe quel document, n’importe quelle page de livre.
Aujourd’hui on scanne et on utilise ordinateur et projecteur numérique.
Une forme étrange aussi. Des formes de ce temps là, qui n’arrivaient pas à se décider entre les angles droits et les courbes. Une couleur de char d’assaut ou de milicienne Est-allemande : gris sombre, grenu. De ces couleurs qu’on n’ose plus.
La plupart des classes avaient le leur. Ou au moins les classes de sciences, qui faisaient grand usage de documentation.
L’épidiascope, c’était finalement le seul outil audio-visuel dont disposaient nos professeurs de l’époque. Le simple fait de l’allumer était pour nous un début de détente : le professeur s’arrêtait de dicter, et nous de noter. Dans la pénombre, il racontait, nous écoutions. C’est tout ce qu’il demandait.
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lundi 1 septembre 2008
Dimanche sans voitures
Vous vous rappelez les dimanches sans voitures ? Les vrais ! Ceux de la crise pétrolière.
Ces jours ci, on joue au dimanche sans voitures ! Pas en ville. Et encore, seulement dans quelques unes d’entre elles. Mais rien n’empêche non plus de faire 200 kilomètres pour s’y rendre. Et puis, juste une fois. Comme ça. Pour s’amuser dirait-on. Pour faire comme si !
J’ai adoré, et beaucoup avec moi, ces dimanches d’exception du choc pétrolier de 1973. Le calme rendu aux rues. Les cyclistes et les skieurs sur les autoroutes. Les patins à roulettes – non pas encore de rollerblades – et les trottinettes qui ressortent des placards.
Un jour par semaine nous nous amusions de ne pas consommer !
Ces jours ci, on joue au dimanche sans voitures ! Pas en ville. Et encore, seulement dans quelques unes d’entre elles. Mais rien n’empêche non plus de faire 200 kilomètres pour s’y rendre. Et puis, juste une fois. Comme ça. Pour s’amuser dirait-on. Pour faire comme si !
J’ai adoré, et beaucoup avec moi, ces dimanches d’exception du choc pétrolier de 1973. Le calme rendu aux rues. Les cyclistes et les skieurs sur les autoroutes. Les patins à roulettes – non pas encore de rollerblades – et les trottinettes qui ressortent des placards.
Un jour par semaine nous nous amusions de ne pas consommer !
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