samedi 9 août 2008

Gendarme

Disparue la gendarmerie. Oubliez donc l'expression ! Effacez la de votre mémoire. Il ne sert plus à rien en Belgique désormais de parler de « la peur du gendarme ». Et la peur du policier fédéral ne sonne pas avec la même force - d'ailleurs, mieux vaut ne pas trop prononcer le mot fédéral dans ces temps politiques agités -. Il faudra donc choisir: inventer une nouvelle expression ou définitivement craindre que chacun méprise sans vergogne lois et règlements.

Mais il faudra encore quelques années sans doute - toute une génération peut-être - pour qu’on ne parle plus de gendarme et de gendarmerie. Les rôles étaient si bien définis qu’on retrouve encore, sous leurs nouveaux déguisements, les anciens pandores.
Le gendarme, grosse différence, était un militaire. Il vivait dans une caserne. Mieux équipé. Il vivait dans un autre monde. Plus large que notre petite ville. La caserne d’ailleurs n’était pas vraiment dans la ville. Légèrement sur les hauteurs, c’était comme si elle voulait un peu s’en éloigner. Et puis mieux la surveiller aussi, et la regarder de haut.

Le policier, c’était un voisin. Un enfant de la ville. Ou s’il n’en était pas, on s’attendait à ce qu'il le devienne, et qu’il y prenne racine. C’était aussi quelqu’un à qui l’on pouvait parler – le gendarme, lui, avait la rigueur et la froideur du planton de garde au palais royal – et que l’on pouvait même plaisanter. La venue d’un policier dans l’école ne signifiait pas – encore – un contrôle antidrogue ou l’expulsion du territoire d’un candidat réfugié. Il serait tout juste question de sécurité routière. De recommandations pour l’éclairage de nos vélos ou de rappels à la vigilance lorsque nous traversions la route. Tout juste de conseils paternels ou amicaux. Jamais de menace.

Et puis il y avait aussi le « champette » - le garde champêtre -. Le policier chargé des matières rurales. Pour nous, les gosses, c’était assez flou. On ne pouvait qu’imaginer. Qu’il nous poursuive sur son vélo alors que nous revenions de maraude. Courir derrière nous, à grand bruit de godillots, dans les prés parce que nous aurions arraché les barbelés de telle clôture, qui gênait nos jeux. Apparaître à la porte de la maison pour signifier à nos parents qu’il n’était plus question de mettre le feu au talus de chemin de fer, sous peine d’application des peines prévues par l’arrêté royale du… Rien que des idées de gosses finalement. On ne l'a jamais croisé !

Plus tard seulement – dans les manifestations – nous ferions connaissance enfin avec les moustachus de la BSR. Chargés d’observer – avec leur discrétion de Dupont et Dupond – les extrémistes de tout poil !

vendredi 8 août 2008

Femmes à gauche

L’église pratiquait la séparation des sexes. A la messe, les femmes se tenaient à gauche, les hommes à droite.

Nous, les enfants, suivions nos mères – évidemment -. Mais la ségrégation était la règle. Le troupeau se divisait en deux.
Ainsi, pendant la cérémonie, les regards de chacun des deux sexes ne serait-il pas troublé par la vue de l’autre. Les pensées resteraient pures. Seule la religion habiterait les esprits.

jeudi 7 août 2008

Estrade

Le maître sur l’estrade, les élèves un étage plus bas, dans la classe.

D’un côté – et en bas - la classe, l’ignorance, la rébellion possible, la jeunesse. De l’autre – en face et en haut d’une marche – l’estrade, le tableau noir et la craie blanche de la connaissance. Et à droite, le coin de la honte – le pilori où étaient exposés les punis -. Plus haut encore – d’une marche au moins – dans le demi contrejour de la fenêtre qui l'auréolait de lumière -, le siège et la table du maître : maître de la connaissance, de l’ordre et de l’autorité !

L’estrade était un mirador d’où un maître chasseur ou geôlier menaçait son gibier de potence.
Une chaire de vérité, d’où devaient s’écouler le miel de la connaissance et la lumière de la compréhension des choses.
L'autel chrétien des sacrements pour le bon élève en même temps que celui, païen, du sacrifice humain pour le mauvais.
Un banc des accusés, où montait la victime pour des interrogations qui pouvaient tourner à l’interrogatoire.
Le pilori du seigneur des lieux, y exhibant le dos de l’ignorant, du malchanceux ou du bouc émissaire à la populace. Cruelle pour la victime ou craignant pour son propre sort, la classe saurait bien en retenir quelque leçon.

Il y avait bien une révolution à faire dans l’école !

mercredi 6 août 2008

Derniere guerre

Ils nous parlaient d’une autre époque. Ils disaient que c’était juste avant, pendant, ou juste après la dernière guerre !

Ils parlaient tous de la dernière guerre ! Mais de laquelle ? De celles d’Irak ou d’Afghanistan ? De laquelle de toutes les guerres israélo-arabes ? Ou bien des guerres de libération ? Et que faisaient-ils encore de celles de Corée, du Vietnam, du Cambodge ? De toutes celles qui ont fait éclater la Yougoslavie ? Pour eux, sans aucun doute : la dernière guerre, c’était celle de 40-45.
Mais ils avaient de qui tenir. La génération qui les précédait n’en avait, dans ses bouches depuis longtemps édentées, que pour la « der des der ». Celle de 14-18, la grande guerre comme ils disaient aussi, devait arrêter le cycle de la violence. Tant de boucherie aurait suffi enfin à combler tous les appétits de sang et de chair à canon. On sait ce qu’il en est advenu.
Pensée magique ? Certains ont repris le flambeau de la myopie. Cherchez sur internet : « dernière intifada », « dernière guerre du golfe »… et vous en trouverez qui n’ont pas appris vraiment. Qui croient peut-être arrêter les chars et les bombardiers avec les seules lettres d’un adjectif. Eponger les rivières de sang avec les pages des dictionnaires.
Je crains qu’ils oublient un peu vite que dernier ne se conjugue vraiment bien qu'avec cigarette et verre... et pour autant encore qu'il s'agisse de ceux d’un condamné !

mardi 5 août 2008

Cartes magiques en relief

Vous les aurez sans doute déjà vues, ces cartes magiques, en relief ou animées. Aujourd’hui, elles semblent kitsch. Alors, elles avaient un véritable air de modernité.

Pour le relief, nous n’avions pas vraiment le choix.
La stéréoscopie, presque aussi vieille que la photographie, restait bien vivante, grâce au Viewmaster et à Walt Disney… Mais elle exigeait de s’appliquer sur les yeux le dispositif adéquat.
L’hologramme n’était pas encore inventé. Et il faudrait longtemps encore pour qu’il se généralise, puis se banalise.
Nous restait donc la carte magique. Soit qu’elle tente de donner l’illusion du mouvement (en la tournant, l’animal ou le personnage changeait de position) ou du relief (les différentes vues présentaient le même objet sous différents angles). Les sujets étaient les plus stupides : une fille qui clignait de l’œil… une plage dont les palmiers se balançaient… une perruche sur son perchoir… Rien d’étonnant à ce qu’ils le soient devenus plus encore : la vierge Marie dans la grotte de Lourdes et autres sujets religieux semblent avoir aujourd’hui pris l’exclusivité sur cette technique !

lundi 4 août 2008

Bouchon de porcelaine

Comme le Weck, le bouchon de porcelaine avait son anneau de caoutchouc orange ou rouge. Mais il avait ce petit plus, ce petit bruit que faisait la ferraille en s’ouvrant ou se fermant.

Les bouteilles de vin étaient bouchonnées. Rien d’étonnant.
Celles de lait étaient capsulées. Mais il est vrai qu’aujourd’hui on n’achète plus le lait en bouteille. Certaines bouteilles de bière – les petits modèles seulement - aussi.
Mais la plupart portaient ces bouchons de porcelaine qu’on ne trouve plus que dans les boutiques design et sur quelques marques de bières étrangères. Les amateurs les recherchent en brocante et bientôt ils seront sans doute dans les vitrines des musées !
Le bouchon de plastique était inconnu.

dimanche 3 août 2008

Artis

Avec les albums Artis, ce n’était pas seulement de la lecture qu’on s’offrait.

D’abord, il y avait les joies de la collection de timbres. Parcourir les emballages des produits à la recherche du précieux point qui pourrait nous manquer. Veiller peut être à se faire aider par des amis, des voisins, de la famille. Les rassembler ensuite – c’est fou comme ce genre de petites choses a tendance à se trouver n’importe où, dans le vide poches du salon, le tiroir de la cuisine, l’armoire de la salle à manger, parce qu’on n’a jamais vraiment décidé de l’endroit où il faudrait les ranger ou, qu’au moment de les récolter, on n’a ni le temps ni l’envie de faire l’effort d’un déplacement -. Les trier et les compter ensuite. Jusqu’à avoir le nombre de points requis.
Ensuite le plaisir du voyage. Jusqu’au centre Artis, à Verviers je crois. Le bus d'abord. Puis un long trajet à pied. Pour y échanger la précieuse récolte contre les albums et leurs images. Précieusement enrobées de papier cristal. A pied à nouveau jusqu'à la gare. Puis le bus encore.
Pour suivre, celui du bricolage. Que ma mère se réservait. Consciente que, si elle nous laissait agir, le résultat final risquait - au mieux - d’être médiocre. Et tout l’effort de la collection et l'argent perdus. Enduire le bord de la photo de colle blanche. L’appliquer précautionneusement à sa place réservée. Et passer à la suivante.
Associé à celui de l’odorat. Car ma mère utilisait de cette colle blanche semi-solide, délicieusement parfumée. Qui fleurait la vanille, ou quelque chose de similaire.
L’extase de la découverte enfin. Celle des images surtout. Que les livres illustrés d’aujourd’hui n’égalent pas nécessairement. Le texte d’un côté. L’image de l’autre. De ce texte aussi. Auxiliaire précieux pour les élocutions à venir. Un seul album Artis nous donnait toujours matière à au moins un exposé pour l'école. Suffisait pour toutes les explications... débordait de trop d'illustrations.
Croyez-moi. Je les ai tellement relus que je n’étais pas loin de penser que j’avais vraiment voyagé au Siam, au Népal et dans tant d’autres régions du monde.