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samedi 4 octobre 2008

Livres d'ecole

Prenez votre livre de lecture à la page 154.

L’enseignement ne se concevait pas sans les livres d’école. Et le petit frère apprenait le français dans le même livre de français que son ainé, les mathématiques dans le même livre de mathématique que sa grande sœur, et l’on retrouvait parfois avec plaisir dans l’étude d’un cadet quelques échos de moments déjà bien lointains.
S’il ne fallait en retenir que trois, mon tiercé gagnant dans cette lecture imposée n’est pas bien difficile à établir.

D’abord mon premier livre de lecture, et sa première phrase : « Maintenant je vais à l’école. Je sais lire et écrire. J’ai de beaux livres d’école, et de beaux cahiers. » Ces quelques phrases, lues en septembre 1964, je ne peux pas les oublier.

Ensuite l’un ou l’autre vieux livre d’histoire, à la couverture toilée, et aux gravures d’un autre âge, qui trainait encore dans certaines classes de primaires. Clovis y fracassait le vase de Soisson avec sa francisque : nous attendions qu’un deuxième coup fracasse le crane du guerrier pris en faute. Gabrielle Petit faisait courageusement face au peloton d’exécution qui allait la mettre à mort. Les Ménapiens – vous ai-je dit que pour certains de nos professeurs, c’était le surnom qu’ils donnaient aux Flamands ? – pêchaient paisiblement sans quitter leur habitation sur pilotis. Le roi Albert, accompagné de la reine Elisabeth, visitait le front de l’Yser.
Ils sentaient la poussière. Ils avaient un peu trop vécu dans les mains de trop d’élèves. Mais ils ne nous en étaient que plus chers.

Enfin, en secondaire, de très brillants manuels de français, qui nous ouvraient au plaisir de la littérature. Combien d’heures d’étude n’avons-nous pas passées à faire des lectures qui ne seraient jamais au programme. Juste pour le plaisir de la découverte. Et à cause de la magie de la langue.
Ainsi, je n’oublierai jamais le jour où j’y ai découvert ce texte, retrouvé depuis sur Internet.

Fourbissez votre ferraille
Aiguisez vos grands couteaux
Fourbissez votre ferraille
Quotinaille, quetinailles,
Quoquardaille, friandeaux,
Garsonaille, ribaudaille,
Laronnaille, brigandaille,
Crapaudaille, leisardeaux,
Cavestrailie, goulardeaux,
Viilenaille, bonhommaille,
Fallourdaille, paillardeaux,
Truandaille et Lopinaille
Aiguisez vos grands couteaux.

Fatras de Jean Molinet (1435-1507)

dimanche 14 septembre 2008

Bodet a linge

Qui n’a pas mis son linge dans le bodet ?

Ne dites pas panier à linge : dites bodet ! Du moins si vous habitez du côté de Liège (et même un peu plus loin).
Encore un de ces mots que l’on entend toutes les semaines pendant des années. Un jour on s’éloigne de quelques pas… de quelques autres encore… Un avion, un boulot, un mariage et des enfants plus loin, même revenu tout près de son point de départ, le mot est oublié !
Un peu comme le subjonctif. Ou bien les mouchoirs en tissus. Les moineaux ou les meules de foin. Qui donc s’occupera un jour des mots en voie de disparition ?

mardi 9 septembre 2008

Laque

Vous souvenez vous des choucroutes qui surmontaient les cranes de nos mères et de leurs copines ? Des tas de bigoudis et des kilos de laque aboutissaient à ces échafaudages périlleux !

Question de style, il fallait aimer. Et manifestement, à parcourir les photos anciennes, cela plaisait. Les dames s’aspergeaient le crane de laque comme elles trempaient leurs draps dans l’amidon : la fermeté était alors la seule qualité à l’ordre du jour. Faire ainsi gonfler la chevelure, lui donner une légèreté apparente qu’elle n’avait pas dans la réalité était impératif.
Une impression qui disparaissait d’ailleurs dès lors que la dame bougeait la tête. Car, s’il y avait bien du mouvement, la chevelure n’était pas concernée. Pas un poil ne bougeait. L’édifice restait bien aligné, comme s’il était fait de roc ou de métal. Comme s’il était osseux et faisait partie intégrante de la boite crânienne. Et si par hasard votre main s’y hasardait – je l’ai fait plus d’une fois dans les cheveux de ma mère – le sentiment devenait plus paradoxal encore : ce n’était pas vraiment dur, un peu comme un nid d’abeilles ou de guêpes… une légère pression des doigts suffisait à en changer les formes, à en percer les parois…
Mais c’était rêche ! La bombe de laque posait comme une couche de papier émeri là où l’on attendait le soyeux d’une toison vivante et chaude.
Les hommes ? Ils s’y sont mis à leur tour – au moins certains d’entre eux – dans les années 70, avec une certaine mode des cheveux longs. Avant ça, il parait qu’ils utilisaient bien la brillantine – le gel de l’époque – mais nos petites villes étaient épargnées : la brillantine, c’était un truc qu’on voyait dans les films, chez les voyous et les bellâtres, pas chez gens normaux !

jeudi 14 août 2008

Lapin de Pâques

Les œufs de Pâques sont apportés par le lapin de Pâques !

Cloches ou lapin ? Les informations que nous recevions des adultes étaient contradictoires.
Les cloches étaient bien parties pour Rome. Il était facile de s’en rendre compte puisqu’elles ne sonnaient plus ni les heures, ni l’appel à la messe. Mais, techniquement, ni le transport – la cloche est, par définition, ouverte vers le bas, et peut difficilement servir, à moins d’être tenue à l’envers, à transporter quoi que ce soit – ni la distribution – les œufs paraissant en relativement bon état au moment où nous les ramassions, il était peu crédible qu’ils aient été largués du ciel – ne penchaient en faveur de cette hypothèse.

Par contre, la façon dont certains œufs étaient cachés, et le fait que cela se passe dans le jardin, pouvaient faire pencher vers l’hypothèse de l’action du lapin. Restait là aussi la difficile question du transport. Un lapin ne se tient pas sur deux pattes. Ne porte pas de hotte. Et aucune de ces représentations ne suffisait à nous faire imaginer l’acte technique d'un lapin livrant de telles quantités d'oeufs, véritables ou en chocolat.
Comment dans ces conditions aurions nous pu croire très longtemps à ces fables ?

samedi 19 juillet 2008

Lamproie

La lamproie marine est un agnathe (n'a pas de véritables mâchoires, mais seulement un disque buccal garni de nombreuses pointes cornées), un vertébré marin primitif qui vit dans l'Atlantique Nord. Elle se reproduit en eaux douces.

Je m’en souviendrai toujours. C’était à la première carrière. Là où mes parents nous emmenaient parfois nager le dimanche. La goffe était trop loin. La voiture n’y arrivait pas.
Un jour donc, une pierre était couverte d’anguilles aurait-on dit. Une pierre couverte de lamproies, comme une tête de gorgone de ses vipères. Des centaines d’animaux, plus fins que le petit doigt, agités par le courant de la rivière.
Les plus intelligents auraient prétendu qu’il s’agissait d’anguilles. Vaguement logique. Crédible. Pas tout à fait idiot.
Certains – encore faudrait-il admettre qu’ils étaient la majorité – auraient cru à des serpents, n’auraient rien vu, ou insisté pour que leurs enfants ne les embêtent pas avec des choses sans queue ni tête – et pourtant, la lamproie a une tête bien puissante ! -.
Il aura fallu ma mère – seule entre tous - pour me parler d’un animal que je n’avais vu dans aucun livre. Le nommer. Et donner du sens à une rencontre tout à fait exceptionnelle. Qui d’entre vous a vu une lamproie ? Et la mère de qui d’entre vous, aurait-elle été capable de la nommer ?

lundi 23 juin 2008

Loriot (Jean-Pierre) et Lenain (Christiane)

Jean-Pierre Loriot et Christiane Lenain nous ont fait passer tant de bonnes soirées.

Ils ne jouaient certainement pas les œuvres les plus intelligentes du répertoire théâtral – pas plus stupides en tout cas que les films et les feuilletons que la télévision nous inflige aujourd’hui -. Mais je leur dois des soirées particulièrement agréables alors, et quelques bouffées de nostalgie aujourd'hui. Du rire. Des sourires. L’impression – magie de la télévision d’alors – d’être dans la salle. Ou que les acteurs venaient jouer dans notre maison.
Le théâtre à la télévision c'était un truc totalement hybride. Mais on aimait !

mercredi 28 mai 2008

LEM

Le LEM (module d’excursion lunaire) était une sorte de drôle d’insecte…

Pardonnez du peu, c’était il y a presque 40 ans, entre 69 et 72. Les hommes se promenaient sur la lune… Qui a dit que le temps signifiait nécessairement le progrès ?
Nous, on l’a vu à la télévision. On en a rêvé. On en a fait des bricolages. Des élocutions.
Le LEM, dans sa fragilité, témoigne d’une sorte d’arrogance insouciante.
On allait sur la lune à bord d’un bidule aux pattes d’insecte. Les astronautes sautaient comme le capitaine Hadock dans Objectif Lune. La télévision n’était même pas en couleur. Pour la couleur, il fallait acheter Paris Match. C’était extraordinaire, mais c’était aussi normal… Tout était possible. Et d’ailleurs, ce serait bientôt l’An 2000… Et que d’ailleurs, en l’An 2000… ou en 2001 au plus tard…
Et, bien sûr qu’il y a eu des drames (Apollo 1) et du suspense (Apollo 13), et de la musique dramatique de Strauss (Ainsi parlait Zarathoustra). Mais au bout du compte, on s’y est habitué. Et la lune est devenue comme une lointaine banlieue des Etats-Unis.
C’est bizarre que, 36 ans après, personne n’y soit retourné !

lundi 12 mai 2008

Ligustrum

Autour de chaque jardin, une haie de ligustrum.

Jardin est un bien grand mot pour ces quelques mètres carrés de gravier. Ce ridicule parterre de fleurs aussi assoiffées que de mauvais goût. Tagettes, dahlias, chrysanthèmes même. C’était à qui exhiberait les plus hideuses floraisons.
Et pour bien marquer la limite de la propriété, une haie de troène.
Et si aujourd’hui lorsqu’une tondeuse à gazon démarre on dirait qu’elle réunit ses voisines comme les cerfs le font au brame, à l’époque le clic-clac des ciseaux à haie d’une seule maison suffisait à raviver les humeurs tranchantes de tous les mâles du quartier. Qu’un seul brin dépasse, c’eut été la honte. Que le profil de la limite végétale ne soit pas tiré au cordeau, le pire était à craindre : l’exil dans les colonies – voire plus loin -, le hara-kiri au taille haie, l’alcoolisme ou la démence…
Le taille haie électrique n’y a pas changé grand-chose. Semaines après semaines, chacun surveillait sa haie, épiait celle du voisin… y mettait au moins autant de soin qu’à sa propre coiffure, et bien plus d’attention qu’à la permanente de l’épouse.
Mais qui aujourd’hui a encore une haie de ligustrum ?

lundi 28 avril 2008

Longueur des jupes

Le temps qui passait se mesurait à la longueur des jupes des filles.

Pas qu’on les regardait particulièrement, mais dès lors qu’une moitié au moins de l’humanité (sans compter les Ecossais et les curés !) portait jupe ou robe, les variations saisonnières et annuelles pouvaient bien se remarquer.
Maxi, midi, mini, et maxi de nouveau, et midi encore… Passaient les années et les saisons. Midi à nouveau, et maxi.
Verrait-on donc des genoux, seulement des mollets ou rien que des chaussures dans la rue cette saison ? Même les minijupes les plus courtes d’alors n’en révélaient pas beaucoup plus, et pourraient faire à certaines filles d’aujourd’hui figure de bourka.
Le pantalon est passé par là. Et les journaux ne titrent plus sur la longueur des jupes des filles.

mercredi 2 avril 2008

Lait

Le camion de la laiterie passait chaque jour et vidait les bidons. Le lait prenait le camion pour faire cette centaine de mètres à vol d’oiseau jusqu’à la laiterie.

Au bord de la route, tous les matins, les fermiers – et les fermières – disposaient leurs bidons de lait.
Il y avait donc la ferme d’un côté, avec ses vaches, son fermier et sa fermière, la traite, manuelle encore dans pas mal d’endroits. De l’autre la laiterie. Machines, eau, chaleur et propreté. A peine peuplée d’hommes. Juste des machines et du lait. Entre les deux, ce trottoir de la route de Falize. Ces bidons de lait.
La modernité est passée par là évidemment. Plus de traite à la main. Plus de bidons sur le trottoir. Plus de bidons tout simplement.

vendredi 7 mars 2008

Lithinée

A Verviers, on buvait de la lithinée.

Chez mes cousins des Hougnes, on ne buvait pas l’eau du robinet comme ça. On y ajoutait de mystérieux sachets de lithinée.
Rituel bizarre pour nous qui étions habitués à une eau particulièrement pure, descendant tout droit du plateau des Hautes Fagnes.
D’autant plus que la leur aussi venait des Fagnes… mais, distribuée dans de vieilles tuyauteries en plomb elle était pratiquement imbuvable. Tant pour son goût détestable que par sa charge de métaux délétères.
Mais, poison ou pas, à l’époque, on buvait encore bien de l’eau du robinet. Elle n’était pas encore – comme aujourd’hui – tant saturée en chlore que l’on a l’impression de boire de l’eau de javel !

mercredi 20 février 2008

Fil à linge

Le lundi, le fil à linge s’habillait de frais.

Un seul jour pour la lessive ? Vous n’y pensez pas, des monceaux de linge s’accumuleraient ! Et dépendre de la météo pour le séchage ? Nous vivons en Belgique tout de même, soyez sérieux !
Le fil à linge a donc disparu de nos paysages du Nord. Il ne figure plus qu’au rang des curiosités touristiques de Naples et autres villes italiennes. Ou bien de charge anachronique pour ceux qui font du camping.
Et pourtant, le fil à linge, c’était tout un monde à explorer.
Un terrain de jeu. Pour se cacher, au risque bien réel de faire tomber le linge, et de devoir en assumer les terribles conséquences.
Un reflet indiscret de ce qui se passe dans la maison. Si « on lave son linge sale en famille », pour les sécher, le grand et le petit linge sont bien exposés aux regards de tous.
Le lieu de l’insolite parfois. Quand par exemple les draps de lit encore humides, pris par le grand gel, sont devenus comme des tôles étranges. En les pliant on pensait briser une immense ostie.
Sujet éternel de gags et de clins d’œil pour le cinéma et la bande dessinée enfin. Avec des histoires drôles et d’autres qui l’étaient bien moins tant elles étaient éculées.
Tout un univers disparu. Comme une forêt qui aurait existé dans chacun de nos jardins. Et que toutes, en une nuit, sans qu’on s’en aperçoive, aient disparu à jamais !

mardi 22 janvier 2008

Livret de caisse d'epargne

En classe, on déposait de l’argent sur notre livret de la caisse d’épargne.

La caisse d’épargne c’était, mais pas besoin de le préciser alors, la Caisse Générale d’Epargne et de Retraites, la CGER. Chacun, ou presque, y avait son livret. Un vrai carnet, avec des pages, du temps où la comptabilité s’écrivait dans le livret de l’épargnant. Avant la dématérialisation de l'épargne.
Nous y mettions des montants ridicules : 5 francs ? N’en retirions jamais rien. On apprenait ainsi, dès l’école, en bon petit citoyen belge, à épargner, franc par franc, à thésauriser sur le bon livret d’épargne.
Le livret ? Il a disparu un jour. Remplacé par la gestion centrale informatisée. Il a bien fallu s’y faire, non sans inquiétudes : avec notre carnet à la maison, il nous semblait détenir quelque chose, avoir quelque contrôle sur ces sommes.
La CGER ? Elle s’est modernisée, a quitté le giron de l’Etat pour se lancer toute seule dans la jungle de la finance. Avalée ensuite, diluée dans le grand jeu des fusions et acquisitions, inimaginable pour le banquier de mon époque.
Il me reste surtout, si vivace, le souvenir de ces tirelires de plastique orange que l’on nous avait distribué. Rien à voir avec le stupide cochon de plastique. La tirelire CGER, ça, c’était du design, de la modernité ! Je m'étonne de n'en avoir jamais recontré sur les brocantes.

lundi 14 janvier 2008

Livre

Livre rimait alors avec lecteur.

Avant toutes ces émissions littéraires et l’omniprésence des auteurs à succès, il y avait le livre. Peu m’importait que son auteur soit artiste ou artisan. Que sa vie fut passionante ou quelconque. Qu’il soit laid ou beau.
Il y avait le livre, le lecteur et le temps qu’ils se consacraient l’un à l’autre.
Pas d’auteurs obligatoires à la maison, pas plus que de livres interdits. Zola et la bible m’ont donné autant de plaisir l’un que l’autre.
J’en reste persuadé, les livres sont comme des enfants que leurs parents, les auteurs, devraient laisser vivre leur vie. Et ne pas tenter de justifier chacun de leurs actes et virgules.
Je n’aime pas les auteurs. Les livres me suffisent.

mercredi 9 janvier 2008

Draps de lit froids

Comme l’ane et le bœuf de la crèche exhalaient la chaleur, la maison de ma grand-mère exhalait le froid.

Quitter la touffeur du salon ou la bonne chaleur de la cuisine pour aller à la toilette ou à la buanderie, au-delà du couloir glacé, était déjà toute une épreuve. Mais ce n’était rien à côté de la simple perspective des draps glacés et humides qui nous attendaient à l’étage, non chauffé.
Eté comme hiver, le couloir semblait souffler une odeur de froid sur ses visiteurs. Et de poser le pied sur l’escalier craquant qui menait à l’étage vous en remplissait les narines. Semblait en imprégner à l’instant tous vos vêtements.
Et toutes les bouillottes n’y feraient rien ; vous ne retiendriez à jamais de ces rares nuits que la frayeur de cette plongée dans l’humidité froide de la vieille maison maternelle, prélude au contact insupportable, même à travers la toile du pyjama, des draps de lit glacés et humides.

jeudi 27 décembre 2007

Linotype

De la linotype tombent les lignes de plomb.

Au début des années 80, alors que la photocomposition, l’offset, et toutes les techniques modernes d’impression bousculaient toutes les veilles habitudes, à l’imprimerie Saint-Paul de Dakar, fonctionnaient encore, pour certaines productions, de bonnes vielles linotypes.
Une sorte d’immense machine à écrire, plus haute qu’un homme. Un clavier libérant un à un les moules à caractères, et quand la ligne était terminée le plomb était injecté, la forme coulée. Les lignes assemblées, les corrections faites, il fallait parfois refaire une ou deux lignes. Ranger les caractères à nouveau dans leurs casiers et produire, dans un cliquetis de filature, le nouveau texte.
On croyait voir un animal préhistorique. Moins un dinosaure qu’un ptérodactyle. De ceux qui, bien qu'affligés de la lourdeur de leur genre, démontrent qu’ils sont capables de se dépasser, et de prendre la voie des airs.
Dommage pour eux, leur envol ne les menait pas bien loin car notre imprimerie ne leur donnait pour pature que les annonces notariales.

mardi 27 novembre 2007

Luc Varenne

On regardait la TV et on écoutait la radio quand Luc Varenne commentait.

Je n'ai jamais été grand amateur des (retransmissions de) compétitions sportives et je ne comprends toujours rien aux règles les plus tordues du football.
Mais quand par hasard le même événement était retransmis à la fois par la TV et par la radio... et que, par hasard, Luc Varenne faisait le commentaire, il vallait la peine de prendre un peu de temps pour profiter du boniment.
Avec lui, le foot, qui m'ennuyait, en devenait passionnant; le cyclisme devenait un drame antique. Ou bien, le foot comme le cyclisme me restaient-ils indifférents? Ce qui était touchant c'était d'entendre un adulte déborder d'émotion, passer par toutes les couleurs des sentiments, du déséspoir à la joie folle, à la vue d'un simple ballon disputé par 22 idiots.
Dans ma mémoire, il doit faire partie des quatre ou cinq conteurs d'histoire les plus brillants que j'aie entendu.

vendredi 26 octobre 2007

Lecher

Les timbres, les enveloppes, les images à coller dans les albums se léchaient.

Si les lendemains de fêtes, comme de nos jours, le risque de gueule de bois était là... il fallait aussi compter, les lendemains de veille de fête, sur celui de la langue de bois.
Comment appeler autrement cette sensation désagréable, ce goût douteux sur la langue, quand, gamin, nous avions encollé trente enveloppes et autant de timbres pour les voeux. D'ailleurs, pour ne rien arranger, c'était aussi le moment de coller dans leur carnet les précieux petits timbres ristourne verts, à une époque où n'existaient pas les cartes de fidélité. Sans parler de leur version électronique, dont l'idée même n'avait pas germé dans l'esprit le plus fou.
Et, après l'épreuve des timbres venait encore parfois une autre occasion d'épancher sa salive: coller les images dans les albums Artis.
C'était évidemment avant les enveloppes et les timbres autocollants. Avant la crainte d'attraper la maladie de la vache folle, cachée dans la gélatine. Et chez ceux qui méprisaient la solution de facilité: quand on a des enfants, qui ont chacun une langue et un excès de salive, à quoi bon utiliser une éponge et gaspiller de l'eau du robinet!