dimanche 31 août 2008

Cirer les chaussures

Chaque jour, cirer ses chaussures, et en hiver les graisser : quelle corvée !

Un peu par élégance. Mais si peu. Surtout lorsque les chaussures n’étaient pas trop anciennes. Ou héritées d’un frère ou d’un cousin. Pas pour leur donner l’impossible apparence du neuf. Juste pour qu’on en reconnaisse encore la couleur : noires ? brunes ? beiges ? Il n’y avait, pour les garçons - et les hommes en général -, pas d’autre couleur. Ah si. Blanc. Pour les chaussures de gym en toile. Qui, elles aussi, une ou deux fois l’an – ou bien à la veille d’une compétition – recevaient leur couche de blanc.
Beaucoup par économie. C’est bien connu, le cuir qui n’est pas nourri sèche et casse. Et comme nos souliers avaient vocation de durer – sinon à nos pieds à ceux d’autres enfants -, il fallait donc nourrir les bêtes ! Chaque jour, c’est beaucoup dire, et nous croire bien plus soigneux que nous l’étions. Mais une fois la semaine sans doute. Une couche de cirage. Prendre son repas. Et ensuite faire briller. Par vraiment pour que ça brille… mais bien pour être sûr qu’on ne s’en mettra pas plein le bas du pantalon.
Mais aussi par confort. Surtout lorsqu’il s’agissait de graisser ses chaussures en hiver. Le cirage devenait accessoire. La graisse indispensable pour aller à l’école en pataugeant dans la neige et la gadoue. Ne pas oublier les coutures et la jointure entre le cuir et la semelle. Et bien procéder au tartinage la veille… pour que cela ait le temps d’imprégner le cuir et de sécher ensuite.

Ce qu’on faisait avec nos Nike, Reebok et autres Adidas ? Vous rêvez ? Vous imaginez peut-être qu’on portait des chaussures de sport en rue ? Tout le monde se serait moqué de nous. D’ailleurs, nous n’en avions pas ! Trop cher !

samedi 30 août 2008

Briquet a essence

Un briquet, c’était lourd. Fort. Et cela sentait l’essence.

Ne me parlez pas de Zippo. Connais pas ! Jamais vu. Jamais entendu. Les marques et nous, vous savez ! Un briquet, c’était un briquet. C’est tout. Mais un briquet à essence de toute façon.
Un briquet à essence, c’est lourd, si lourd. Et ça sent l’essence évidemment. Il en reste toujours un peu à l’extérieur. Et ensuite sur les mains quand on l’a manipulé. Dans la poche du fumeur. Il y a la pierre à briquet aussi, qu’il faut régulièrement changer. Attaquée par l’acier de la roulette, elle jette des étincelles en même temps qu’une odeur caractéristique d’orage. Vers une mèche, imbibée d’essence. La mèche aussi, il faut la remplacer régulièrement. Rien d’étonnant à ce que les fumeurs préfèrent les briquets jetables.
Mais un briquet d’alors, ça semblait puissant. Tout plein de force et de violence contenue. Comme celles d’un pistolet ou d’une moto.

vendredi 29 août 2008

Alouette

Une alouette, c’est un hélicoptère ! Un hélicoptère, c’est une alouette !

Bon, d’accord. L’alouette, c’est aussi un oiseau. Mais, franchement, dans notre haute Ardenne, elle n’était pas particulièrement fréquente. Ou bien on ne la voyait pas.
Et tous les hélicoptères étaient des alouettes ! Tous ? Enfin, juste ceux qu’on voyait. Ceux de la gendarmerie surtout. De l’armée parfois.
Les plus gros, ce n’était pas pour chez nous. Il y en avait bien à la mer, pour le sauvetage. Et puis, parfois on voyait aussi passer l’un ou l’autre OVNI, une banane volante de l’armée américaine par exemple.
Non. Je le maintiens. Un hélicoptère, c’était une alouette !
Fascinante cette bestiole. On avait l’impression qu’elle était toute vitrée. Que pilote et passagers flottaient ainsi dans l’air, retenus par presque rien, et spectateurs de tout. Des gnomes dans une bulle de savon.

jeudi 28 août 2008

Marchand de cliquottes

Marchand de cliquottes ! Marchand de cliquottes ! criions nous dans la rue, comme le ferrailleur s’annonçait marchand de vieux fers.

Les cliquottes, c’étaient des chiffons, même si on utilisait parfois le mot pour parler – en plaisantant – des vêtements : « range tes cliquottes ! » Et si le marchand de vieux fers n’a pas disparu, je dois avouer n’avoir jamais vu trace d’aucun marchand de cliquottes. Les achetait-il ? Ou les vendait-il ? Le marchand de vieux fers et le marchand de poubelles étaient bien là pour nous débarrasser de celles-ci comme de ceux là.
Raté encore. J’ai dû naître un poil trop tard !

mercredi 27 août 2008

Chicoree

La chicorée, c’est comme du café. Pas vraiment la même couleur, sans la bonne odeur et surtout, un goût affreux ! Mais il paraît que c’est meilleur pour la santé !

Habitude bizarre que celle qui consiste, en temps de paix, à continuer à consommer des produits de guerre, et en temps de richesse – même relative – ceux auxquelles nous contraignaient la pauvreté. Certains n’en avaient, au sujet de la guerre, qu’à propos de tous ces ersatz qui leurs étaient imposés : le café aux glands, le pain à la sciure et les rutabagas à n’en plus finir pour les plus chanceux.
Se pourrait-il qu’en buvant cette chicorée infecte, ils veuillent seulement ranimer leur machine à souvenirs ? Se plonger à nouveau pour un instant dans un temps révolu, en ayant recours au moindre de ses mauvais côtés. Pour en exhumer les quelques bons instants et trop de chers disparus.

mardi 26 août 2008

Beret

Avant d’enfourcher son vélo, mon père coiffait son béret.

Le Français : béret sur la tête, baguette sous le bras. L’image est connue. Mais des bérets j’en ai bien vu sur d’autres têtes que celles des Français. Et alors qu’aujourd’hui c’est surtout une coiffure pour dames, à l’époque, beaucoup d’hommes le portaient. Le préférant au chapeau – trop cher – peu pratique pour faire du vélo - risquant toujours de s’envoler -.

lundi 25 août 2008

Calicot

De gauche à droite, longeant la plage, l’avion traine son calicot.

Ces avions publicitaires que l’on voyait alors à la côte belge (« côte flamande ») me fascinaient. Avec les boules de Berlin (« boules de l’Yser »), les cuisse-tax et le sable qui nous collait aux pieds au moment de rentrer à notre lieu de résidence, ils constituent le squelette de mon expérience de gamin à la côte.
Leur arrivée, de loin, longeant parfaitement la plage. Leur passage, si lent, mais si bref à la fois. Permettant normalement à chacun de bien prendre la mesure du message qu’ils portaient. Puis leur disparition, si lente, vers le Nord ou le Sud, selon la direction du vent.
En réalité, même si j’ai lu chacun de leurs messages, je pense n’en avoir retenu aucun. Certain que, même si j’en déchiffrais sans peine le texte, seule importait la magie de cet avion lui-même. Comme dans un cerf-volant, on ne regarde pas tellement les couleurs, ou la figure - ou alors un instant seulement – tant on est pris par la qualité de leur vol, ou simplement par l’étonnement.
Cette année, en janvier, le miracle s’est renouvelé. A Miami Beach… un avion est passé. Trainant à son tour son calicot. Foncant vers le Nord. Et c’est sûr… si j’ai bien lu le texte qui y figurait… dix secondes après, je ne m’en souvenais plus. Bouche bée. Gamin fasciné à nouveau par l’avion publicitaire.

dimanche 24 août 2008

Plaque de velo

Chaque année, le vélo recevait sa nouvelle plaque, confirmation du payement de la taxe provinciale.

Regardez attentivement les plus anciens des vélos encore en circulation. Sur la fourche gauche il y avait un pas de vis, servant à y attacher la plaque. Et, si vous ouvrez les yeux mieux encore, vous verrez que certains, fiers de l’age de leur monture, exhibent une plaque parfois pas si vieille que ça. Le Brabant n’a abandonné la pratique qu’en 1998.

samedi 23 août 2008

Mur du son

Un avion qui passe le mur du son, c’était vraiment terrifiant !

Quarante ans et plus après ma dernière expérience, j’en reste encore à craindre la suivante. Et à me demander ce qu’il prenait aux militaires d’ainsi nous mépriser, pauvres civils, à jouer au dessus de nos têtes leurs jeux dangereux. Le hurlement des tuyères des jets qui déferlaient sur la vallée, se croyaient à la guerre, fonçaient, toujours plus vite et franchissaient sans prévenir le mur invisible dans une grande explosion.
Et quand j’apprends qu’il s’agit aujourd’hui d’une arme de guerre classique – destinée à terroriser les populations civiles – je ne peux pas m’en étonner. Nos militaires alliés l’ont testée sur nous !

vendredi 22 août 2008

Touche

L’ardoise, avec la touche qui permettait d’écrire dessus, faisait partie de nos jeux.

La touche, c’était un crayon bizarre – d’ardoise en fait -, qui permettait d’écrire sur l’ardoise. L’un et l’autre avaient fait partie de l’arsenal des enfants de la génération précédente. Pratiques pour apprendre les lettres et répéter à l’infini des exercices que l’on effaçait ensuite.
Je n’aimais pas l’ardoise. Comme d’autres détestent le grincement de la craie sur le tableau, mes doigts avaient eux aussi leurs détestations. Je préférais le papier !

jeudi 21 août 2008

Skis en bois

A l’époque, il fallait farter ses skis chaque jour, au moins. Parfois le matin et l’après-midi, parce que la neige changeait. Il semble bien que ce ne soit plus le cas !

D’ailleurs, les premiers skis que j’ai eus aux pieds étaient en bois. C’étaient ceux de mon père. De beaux skis de bois beige et brun. Un peu plus tard, nous avons eu une paire pour enfants. Bleus. En bois eux aussi. Nos premiers skis de fonds ? En bois aussi. Et le rite était toujours le même. Sélectionner la cire en fonction de la température de la neige… et puis, au travail.

mercredi 20 août 2008

Radio pirate

Radio pirate, radio libre, tout cela avait un furieux parfum de révolte, de conspiration et de clandestinité. Il n’aurait fallu que le brouillage pour se croire à nouveau en guerre.

De radios, il n’y en avait que d’officielles : la RTB (pas encore F), RTL… On allait en chercher plus loin d’abord dans les ondes longues, puis dans les ondes moyennes et enfin, pour les courageux, dans les ondes courtes. Mais ça ressemblait toujours au menu de la cantine : la viande ou le poisson, des patates ou des frites – et si on a de la chance aussi le choix des tagliatelles -, et une ou bien deux cuillères de légumes.
On a entendu parler alors des radios pirates. Eh oui, pirates, comme Barbe noire. D’autant plus pirates qu’ils émettaient à partir de bateaux installés dans les eaux internationales. Très romantique. Amusant à raconter. Mais bon, ce n’est pas ce qu’on écoutait. Ca ne nous intéressait pas vraiment.
Puis sont apparues subitement les radios libres. Libres et clandestines. Quelques heures par jour, elles émettaient à partir d’un kot de Bruxelles ou de Louvain-la-Neuve. De plus en plus. De mieux en mieux. Quelque chose était en train de bouger. Et, franchement, la qualité n’était pas mauvaise du tout. Si certains savaient… la plupart ignoraient d’où se faisaient les émissions.
Ce fut donc le branle bas de combat – tous à vos postes, la marine du roi en vue ! – qui fut crié sur les ondes de radio Louvain-la-Neuve un jour, à la fin des années 70. Les véhicules de détection… et la police qui suivait… étaient dans le quartier de la tour. Quelques minutes plus tard… et quelques centaines d’étudiants en plus… et l’autorité renonçait. La radio pirate pouvait enfin avoir pignon sur rue…
On sait ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. La publicité a fait son chemin… Les grands groupes on fabriqué leurs réseaux de radios dites libres… et l’esprit de la révolution des ondes s’en est allé. Alors, on réécoute la RTB (devenue F depuis), et on se console en allant sur le net !

mardi 19 août 2008

Chaleur charbon

Pas moyen de me souvenir de ce slogan publicitaire – de la réclame disait-on alors – qui terminait sur une incomparable « chaleur charbon ». Ne restent que les derniers vestiges d’un âge d’or : les quelques briquettes et boulets qui sont encore en vente dans certains magasins, sans oublier les terrils, comme un décor de théâtre pour le pays noir.

Pourtant, il y a cinquante ans, et quarante encore, presque tout le monde je crois se chauffait au charbon. Pas de chauffage central. Juste un poêle dans le living. Et parfois aussi – chez les plus modernes -, un chauffe eau dans la salle de bain. Pour le charger, le seau et la pelle à charbon – si caractéristiques l’un comme l’autre avec leurs figures carrées -. Indispensable aussi, le tisonnier, pour activer la combustion quand le feu baissait, qu’il fallait démêler la cendre de ce qui pouvait encore bruler. Et inévitable, la corvée de nettoyage : cendrée et mâchefer qui terminaient sur les sentiers des jardins. Au dessus de chaque maison montait la fumée caractéristique, jaunâtre, qui donnait à l’air en hiver son odeur caractéristique.
Evidemment, il fallait que le charbon vienne de quelque part. De la mine, du charbonnage, naturellement. Il y en avait encore en Wallonie… et puis il n’y en avait plus. Il en est resté quelques temps encore en Flandre. Et puis, ce fut fini là aussi. Mais il n’y avait presque plus personne pour s’en inquiéter. On ne se chauffe plus au charbon. Il n’y eut plus de mines et plus de mineurs.
Il fallait donc qu’il vienne de quelque part, qu’il soit livré. Imaginez-vous qu’il y avait en ville un magasin, ou presque, - le comptoir charbonnier malmédien (CCM) – dont la vitrine présentait les différents produits : charbon gras, mi gras, boulettes, briquettes. Au moins une dizaine de bacs qui me fascinaient. Presque comme la boutique d’un confiseur, où tout est sucré… mais avec tant de goûts différents. Un camion livrait donc les ménages. Les hommes déversaient par le soupirail le contenu des sacs dans la cave à charbon. Tout le monde avait une cave à charbon. Pas moyen de faire autrement. Difficile de partager le stockage du combustible en vrac avec celui de conserves, le séchage de vêtements ou la présence d’une lessiveuse.

Le charbon a disparu, doucement. Il est resté, et reste encore, présent ça et là. Certains vieillards ne voudront jamais rien d’autre.
Il parait que, pendant les trente ou quarante années qu’elle est restée inoccupée avant sa démolition, dans la caserne de Malmédy, chaque chambrée avait son poêle et son seau de charbon prêts. C'est en tout cas ce que nous racontait l'adjudant, de garde à la porte. Pour en cas. La consommation massive de charbon aurait ainsi été un des premiers signes d’une guerre imminente.
Il y a vingt ans encore, alors que le charbon n’était déjà pratiquement plus utilisé nulle part, il restait pourtant dans une administration à Bruxelles un bureau où deux ou trois fonctionnaires s’activaient – si l’on peut dire – à l’achat du précieux combustibles pour tous les ministères. Faut-il préciser que le lieu ne ressemblait à rien d’autre qu’au château de la belle au bois dormant ! Peut-être y sont-ils encore.

lundi 18 août 2008

Phosphorescent

Pour ma communion j’ai reçu une montre avec les chiffres phosphorescents ! On les voit même dans la nuit la plus noire.

C’était le genre de magie dont nous ne nous lassions pas. Eclairer notre montre à la lampe de poche. Puis, éteinte, dans le noir en voir briller les marques horaires. D’ailleurs, notre montre, peut-être était ce sa principale utilité, alors que le flux et reflux des habitants, d’un côté à l’autre de la ville, suffisait bien à nous dire l’heure. Presque à la minute près.
La mode des montres à quartz, sans cadran alors, a tourné une page. Seuls de vieux réveils nous permettaient encore de répéter ce tour. L’obscurité n’était définitivement plus le lieu d’aucun miracle.
Sans doute l’un ou l’autre nostalgique en a-t-il eu assez, pour inventer ces étoiles phosphorescentes à coller au plafond. Né bien des années plus tard, c’est sûr, j’en aurais été fou ! Moi aussi j’aurais voulu faire entrer la voie lactée dans ma chambre à coucher.

dimanche 17 août 2008

Stavelot

Juste au dessus du Flamand – ou à côté peut-être –, tout juste humain selon nos traditions, il y avait le Stavelotain !

Les haines villageoises d’alors étaient tenaces. Héréditaires en même temps que contagieuses. Même si elles étaient bien bénignes, ne portant de coups que de langue.
Le Stavelotain était bête, sale, méchant, stupide, tout ce que vous voulez. C'était avéré. Presque scientifique. Ou si la science n'avait pas réussi à le démontrer, c'est qu'elle était donc faillible. Qu'elle était peut-être même manipulée par les Stavelotains !
Rien de bon ne venait de Stavelot. La preuve, même les nuages de pluie en venaient.
Savez-vous d’ailleurs qu’il était question de raser Stavelot ? Pour faire un parking pour le GB de Malmédy, ajoutait-on en s’esclaffant.
Le carnaval de Malmédy ? Incontestablement plus authentique, ancien, amusant que cette Laetare des Stavelotains. Même pas capables de faire leur carnaval au carnaval, il fallait qu’ils le fassent à la mi-carême. Aussi, ils manquent d’imagination : ils n’ont qu’un seul masque traditionnel ; Malmédy en a quinze. Leur Blanc moussi n’est qu’une pâle imitation certainement de notre Djoup’sène et de nos Longs nez.
Aller à l’école à Stavelot ? Hors de question. Ou alors, il fallait se faire discret. C’était bien le seul collège catholique à proximité. Mais était-ce une bonne excuse.
Une fille de Malmédy fréquenter un gars de Stavelot ? ou l’inverse. Vous n’y pensez-pas. Quelle famille tolérerait-elle semblable mésalliance. Roméo et Juliette, eux au moins, avaient un peu de bon sens, ils n'ont jamais envisagé d'aimer de Stavelotain !
Faire des achats à Stavelot ? Plutôt courir à Verviers, trois fois plus loin, que de s’abaisser à cela.
En faire une visite touristique ? Comme tant d’autres belges ? Aucun intérêt. Le Malmédien devenait aveugle dès le moment qu’il s’agissait de voir que la ville voisine aurait pu être jolie. Pittoresque même. Que, contrairement à Malmédy, elle avait vraiment quelque chose à montrer.
Même un match de football Malmédy-Stavelot éveillait bien peu d’intérêt. Parlez-moi de Malmédy-Xhoffraix : c’était la grande foule garantie. Mais franchement, que voulez-vous attendre d’une petite équipe comme ça.
L'histoire et la géographie ? Falsifiées. Les bouquins parlaient-ils de la principauté de Stavelot-Malmédy ? Il fallait bien entendu lire Malmédy-Stavelot. Et nos maîtres ne manquaient pas de le corriger à la lecture. Une coquille sans doute. A moins qu'il ne s'agisse de la manipulation vicieuse de la vérité par un correcteur stavelotain infiltré chez l'éditeur.

La mauvaise foi règnait en maître. Pour regarder Stavelot, et tout ce qui en venait, le Malmédien chaussait nécessairement - ne fut ce que par jeu - ses lunettes déformantes.
Règnait ? Venait ? Chaussait ? Le Malmédien se serait-il donc trouvé un nouvel ennemi héréditaire ? ou bien le Stavelotain reste-t-il inégalé tout autant qu’irremplaçable ?

samedi 16 août 2008

Tour de la Baraque Michel

En face de la Baraque Michel, il y avait une tour. On ne voyait qu’elle.

La Baraque Michel, pour nous, c’était la tour. Il y a une vingtaine d’année, elle était encore là. Son étrange silhouette se découpant sur le ciel du plateau des hautes fagnes. Quant à l’escalader, il n’en était plus question depuis longtemps. Si longtemps que je ne me souviens pas vraiment de l’avoir jamais fait !

vendredi 15 août 2008

Machine à écrire

Rythmée la frappe de la machine à écrire. Tac, tac, tac
Ting faisait elle en bout de course
Trrt on la ramenait à sa place et en même temps le rouleau faisait avancer le papier d’une ligne
Puis la frappe reprenait
C’était tellement une chanson qu’un compositeur s’en est emparé

Ecoutez donc « Typewriter » de Leroy Anderson, et vous saurez un peu ce que représentait la machine à écrire dans notre univers sonore. Ce n’était évidemment pas aussi musical. Pas aussi rythmé, ni aussi construit. Mais tout y est. Nous avions alors des machines qui semblaient chanter. Ecoutez aussi « Pacific 231 » de Honegger. Nous étions les enfants de la musique urbaniste des années 20. Ecoutions des machines, les entendions élaborer leur mélodie. Le moteur de la Panhard. Le murmure du moteur de la machine à coudre Singer, ou le cliquetis et les chuintements du pédalier sur les modèles plus anciens.
Si les musiques d’aujourd’hui battent – égoïstement et violemment – au rythme de notre cœur, celles d’alors tenaient le leur de ce qui les entourait.
Mais la machine à écrire c’était aussi le ruban bicolore… c’était le papier carbone… Et une odeur de métal bien propre.
Et tant pis pour ceux qui n’ont connu que l’ordinateur !

jeudi 14 août 2008

Lapin de Pâques

Les œufs de Pâques sont apportés par le lapin de Pâques !

Cloches ou lapin ? Les informations que nous recevions des adultes étaient contradictoires.
Les cloches étaient bien parties pour Rome. Il était facile de s’en rendre compte puisqu’elles ne sonnaient plus ni les heures, ni l’appel à la messe. Mais, techniquement, ni le transport – la cloche est, par définition, ouverte vers le bas, et peut difficilement servir, à moins d’être tenue à l’envers, à transporter quoi que ce soit – ni la distribution – les œufs paraissant en relativement bon état au moment où nous les ramassions, il était peu crédible qu’ils aient été largués du ciel – ne penchaient en faveur de cette hypothèse.

Par contre, la façon dont certains œufs étaient cachés, et le fait que cela se passe dans le jardin, pouvaient faire pencher vers l’hypothèse de l’action du lapin. Restait là aussi la difficile question du transport. Un lapin ne se tient pas sur deux pattes. Ne porte pas de hotte. Et aucune de ces représentations ne suffisait à nous faire imaginer l’acte technique d'un lapin livrant de telles quantités d'oeufs, véritables ou en chocolat.
Comment dans ces conditions aurions nous pu croire très longtemps à ces fables ?

mercredi 13 août 2008

Soirées diapositives

Si votre beau frère – celui là qui rit si bêtement et dont vous ne comprendrez jamais comment il a fait pour épouser votre sœur - insiste pour vous montrer ses vidéos de vacances, dites-vous que l’époque a changé, et que vous n’avez échappé - de dix années au moins - aux soirées diapositives que pour tomber dans pire encore !

Les soirées diapositives, c’était comme les maladies d’enfance. Pénible, douloureux parfois, mais il suffisait d’attendre que ça passe.

La forme la plus courante : les diapos de vacances.
Ca, c’est notre départ. La famille devant la voiture. Avec tout le chargement. Ca, c’est le premier parking où on s’est arrêtés. Martine était malade. Elle ne supporte pas la voiture. Trois images, et trois parkings plus loin, c’était enfin l’entrée du camping. Et l’impression qu’on allait devoir revivre – image par image et en temps réel – l’ensemble des vacances stupides et banales au camping de Blankenberge de la famille Dupneu. En plus, pas question de pause publicitaire, pour chercher asile à la toilette – non, les toilettes, c’est pour les Français -. Faites mine d’avoir un besoin pressant et le projectionniste compatissant patientera le temps qu’il faut pour que vous ne ratiez pas une image de l’expédition. Et encore, s’il y avait des chips en quantité. Que nos papilles et notre tube digestif puissent au moins nous communiquer des signaux, des informations positifs au lieu de ces platitudes, de ces alignements de lieux communs et ces visions de paysages et personnages sans charmes qui défilent à l’écran.

Déjà, on pense stratégie. Vaudra-t-il mieux y aller aussi l’an prochain – pour pouvoir dire qu’on connaît - ? Ou bien proclamer son amour exclusif de la montagne, son allergie à la mer – même sur pellicule, qui, sait-on, pourrait aussi être porteuse d’un excès d’iode - ? La cause, il fallait se l’avouer, était toujours désespérée. Mieux valait rêver à des issues plus réalistes : le divorce – et couper tous les ponts évidemment avec le beau-frère -, le veuvage – apparemment élégant et définitif, mais ma sœur pourrait se remarier avec pire ! -, le vol du matériel – mais le beau frère est bien assuré -,… Et enfin, à rechercher une issue, notre esprit était libre. Les diapositives pouvaient continuer de défiler. Il nous suffisait de dodeliner de la tête. D’émettre quelque grognement au gré de pensées qui n’avaient rien à voir avec les images. Le plus grave était passé.

Plus raffiné : le montage audio-visuel.
Et c’est bien de raffinement qui s’agit ici. De celui qui permet que l’épreuve en devienne presque un plaisir - rarement -. De belles images, de manière rythmée, sur une musique appropriée. Et pas trop longtemps. Ajoutez-y un commentaire intelligent. Et vous sortiez d’un tel montage avec l’impression d’avoir reçu, sinon appris, quelque chose. Apaisé, détendu.

Mais ne vous faites aucune illusion. Ces expériences étaient aussi rares que précieuses. Car le raffinement pouvait être celui de la torture. Vous assommant de musiques toujours les mêmes (Popcorn et Oxygène neuf fois sur dix). Multipliant les images banales, ratées et répétitives; et montrant en cinquante photos ce que deux vous avaient déjà fait comprendre: il n'y avait rien à comprendre ni à espérer ! Vous vous agitiez sur votre chaise. Cherchant un peu de ce confort qui ne venait pas de la projection. Soupiriez. Tentiez d’étendre vos jambes. Ressentiez l’étouffement déjà – cette salle manque d’air, il y fait trop chaud – ou l’engourdissement par le froid. Comme une chape de béton qui descendait sur le public.
Votre seul espoir : que le projecteur tombe. Que l’ampoule éclate. Une panne de courant. Un incendie s’il vous plait. Non, surtout pas. Seigneur, que votre volonté soit faite. Laisser ces moments de douleur s’achever. Que leur auteur ne se doute de rien et n’ait aucun prétexte – surtout – à prononcer la sentence fatidique : "Puisque tout le monde semble avoir apprécié, il nous reste le temps de repasser le montage une fois encore !"

mardi 12 août 2008

Jonquilles

La jonquille c’est le printemps !

Le muguet, c’est bien beau. Ca sent bon. Le seul problème – et de taille – c’est que le client l’attend pour le 1er mai. Et que, sous nos latitudes, et encore plus à l’altitude où je vivais alors, le 1er mai, il n’y avait pas vraiment trace de muguet. S’enrichir de sa cueillette était donc exclu.
Des jonquilles, par contre, il y en avait. Et, finalement, peu importait la date. Quand elles apparaissaient, nous allions en cueillir. Juste un bouquet pour notre mère. Pour la maison. Le plus gros possible. Les tiges et les feuilles bien serrées. Qui ne fassent pas sentir qu’une heure après déjà, elles n’étaient plus aussi belles, plus aussi vivantes qu’elles ne l’étaient dans le sous bois. Mais au moins, faisaient-elles entrer un peu de printemps dans les maisons.
Et, puisqu’elles étaient si simples à cueillir. Nous en ferions donc le commerce. Il y en avait pour des centaines de bouquets. Que les milliers d’acheteurs de la ville se battraient pour acquérir. La fortune était à portée de main.

Partis donc pour une belle carrière commerciale. Prudents tout de même. Avant de nous lancer à grande échelle, nous faisions notre étude de marché. Quatre ou cinq bouquets chacun seraient suffisants comme échantillons. Et les voisins représentatifs de notre cible. Il ne fallait évidemment pas exagérer sur les prix. Vingt francs – nous comptions alors en francs belges – serait-ce trop ? Quinze ne seraient-ils pas mieux ? Les premiers clients – bien que souriants – plutôt que de participer à un commerce promis au plus bel avenir, semblaient nous faire l’aumône. Et dix maisons plus loin, nous bradions déjà ce qu’il nous restait de marchandise. Deux bouquets pour le prix d’un. Puis trois pour la même somme. Pourvu que la chose finisse.
Evanouies les illusions de fortune facile. Abandonnées toutes les ambitions d’une brillante carrière dans les affaires, de succursales à Bruxelles, Liège et Verviers. Mais au moins, nous avions passé une excellente journée dans les bois puis dans les rues.
Que pourrions-nous bien inventer pour le lendemain ?

lundi 11 août 2008

Coucou

Quand avez-vous donc, pour la dernière fois, entendu le coucou chanter ?
Pour ma part - hasard - c’était il y a quelques semaines seulement, du côté de Brugge… et la fois d’avant, il y a dix ans au moins, quinze peut-être, dans mon jardin !

Je ne parle pas de l’horloge suisse ou de la forêt noire. Savez-vous que dans le temps, il y avait un oiseau qui s’appelait comme ça ? Quand le coucou chantait, on ne manquait pas – et je le fais encore – de vérifier qu’on avait bien de l’argent dans les poches: des pièces si possible - la tradition ne s'est pas encore vraiment habituée aux billets de banque -. Il parait qu’à cette condition seulement il portait chance et fortune !

Le chant du coucou était aussi synonyme de beau temps. En mai ou en juin. Par grand soleil. Les deux notes résonnaient. Se répétaient. Mais rares sont ceux qui pouvaient affirmer l’avoir vu. Le coucou ne se montrait pas. Dans son discret costume gris, malgré sa taille respectable, il préférait se cacher des hommes. Etonnant pour cet oiseau que tout le monde connaissait. Le seul dont, à coup sur, les plus incompétents en matière de nature - et n'importe quel citadin - pouvaient imiter le chant. Une vedette des magazines et de la télévision aussi, dont les reportages nous montraient les habitudes bizarres, cruelles et parasites de reproduction.

Hirondelle, moineau, coucou… à eux trois ils étaient les plus forts symboles de la vie ailée d’alors.

dimanche 10 août 2008

Hirondelle

D’un coup de balais rageur, la voisine faisait éclater les nids d’hirondelle – excédée du manège des volatiles qui conchiaient, prétendait-elle, sa façade -.

En dehors du centre-ville, chaque bloc d’habitation abritait quelques nids d’hirondelles de fenêtre. Frêle ouvrage de maçonnerie. Qu’on aurait pu croire fait de ces boulettes de papier mâché dont nous maculions les plafonds des classes et réfectoires. Ballet incessant des parents exhibant l’éclat de leur cul blanc comme un jockey sa casaque d’or. Stridulation incessante.
Les hirondelles de cheminées, elles, plus discrètes et plus dignes - un rien prétentieuse avec leur costume de gala -, se réservaient les étables des fermes.

L’hirondelle des champs – queue de pie et masque de sang, comme pour un bal de la haute – semblait ainsi mépriser l’hirondelle des villes – ouvrière endimanchée -.

Elles nous disaient la saison, comme l’horloge dit l’heure. Leur apparition, au printemps – l’hirondelle de cheminée précédant de plusieurs semaines celle de fenêtre – était synonyme de beaux jours et de floraisons. Et leur danse nous faisait souvent ne pas remarquer l’arrivée tardive du martinet, leur cousin.

Bien trop tôt aussi, les congrégations sur les fils électriques d’oiseaux semblant s’entrainer au chant choral nous faisaient sentir qu’il était grand temps de profiter des beaux jours avant l'automne. Qu’il serait bientôt trop tard pour courir les rues en manches courtes. Que les soirées se feraient de moins en moins longues, et de plus en plus noires.

samedi 9 août 2008

Gendarme

Disparue la gendarmerie. Oubliez donc l'expression ! Effacez la de votre mémoire. Il ne sert plus à rien en Belgique désormais de parler de « la peur du gendarme ». Et la peur du policier fédéral ne sonne pas avec la même force - d'ailleurs, mieux vaut ne pas trop prononcer le mot fédéral dans ces temps politiques agités -. Il faudra donc choisir: inventer une nouvelle expression ou définitivement craindre que chacun méprise sans vergogne lois et règlements.

Mais il faudra encore quelques années sans doute - toute une génération peut-être - pour qu’on ne parle plus de gendarme et de gendarmerie. Les rôles étaient si bien définis qu’on retrouve encore, sous leurs nouveaux déguisements, les anciens pandores.
Le gendarme, grosse différence, était un militaire. Il vivait dans une caserne. Mieux équipé. Il vivait dans un autre monde. Plus large que notre petite ville. La caserne d’ailleurs n’était pas vraiment dans la ville. Légèrement sur les hauteurs, c’était comme si elle voulait un peu s’en éloigner. Et puis mieux la surveiller aussi, et la regarder de haut.

Le policier, c’était un voisin. Un enfant de la ville. Ou s’il n’en était pas, on s’attendait à ce qu'il le devienne, et qu’il y prenne racine. C’était aussi quelqu’un à qui l’on pouvait parler – le gendarme, lui, avait la rigueur et la froideur du planton de garde au palais royal – et que l’on pouvait même plaisanter. La venue d’un policier dans l’école ne signifiait pas – encore – un contrôle antidrogue ou l’expulsion du territoire d’un candidat réfugié. Il serait tout juste question de sécurité routière. De recommandations pour l’éclairage de nos vélos ou de rappels à la vigilance lorsque nous traversions la route. Tout juste de conseils paternels ou amicaux. Jamais de menace.

Et puis il y avait aussi le « champette » - le garde champêtre -. Le policier chargé des matières rurales. Pour nous, les gosses, c’était assez flou. On ne pouvait qu’imaginer. Qu’il nous poursuive sur son vélo alors que nous revenions de maraude. Courir derrière nous, à grand bruit de godillots, dans les prés parce que nous aurions arraché les barbelés de telle clôture, qui gênait nos jeux. Apparaître à la porte de la maison pour signifier à nos parents qu’il n’était plus question de mettre le feu au talus de chemin de fer, sous peine d’application des peines prévues par l’arrêté royale du… Rien que des idées de gosses finalement. On ne l'a jamais croisé !

Plus tard seulement – dans les manifestations – nous ferions connaissance enfin avec les moustachus de la BSR. Chargés d’observer – avec leur discrétion de Dupont et Dupond – les extrémistes de tout poil !

vendredi 8 août 2008

Femmes à gauche

L’église pratiquait la séparation des sexes. A la messe, les femmes se tenaient à gauche, les hommes à droite.

Nous, les enfants, suivions nos mères – évidemment -. Mais la ségrégation était la règle. Le troupeau se divisait en deux.
Ainsi, pendant la cérémonie, les regards de chacun des deux sexes ne serait-il pas troublé par la vue de l’autre. Les pensées resteraient pures. Seule la religion habiterait les esprits.

jeudi 7 août 2008

Estrade

Le maître sur l’estrade, les élèves un étage plus bas, dans la classe.

D’un côté – et en bas - la classe, l’ignorance, la rébellion possible, la jeunesse. De l’autre – en face et en haut d’une marche – l’estrade, le tableau noir et la craie blanche de la connaissance. Et à droite, le coin de la honte – le pilori où étaient exposés les punis -. Plus haut encore – d’une marche au moins – dans le demi contrejour de la fenêtre qui l'auréolait de lumière -, le siège et la table du maître : maître de la connaissance, de l’ordre et de l’autorité !

L’estrade était un mirador d’où un maître chasseur ou geôlier menaçait son gibier de potence.
Une chaire de vérité, d’où devaient s’écouler le miel de la connaissance et la lumière de la compréhension des choses.
L'autel chrétien des sacrements pour le bon élève en même temps que celui, païen, du sacrifice humain pour le mauvais.
Un banc des accusés, où montait la victime pour des interrogations qui pouvaient tourner à l’interrogatoire.
Le pilori du seigneur des lieux, y exhibant le dos de l’ignorant, du malchanceux ou du bouc émissaire à la populace. Cruelle pour la victime ou craignant pour son propre sort, la classe saurait bien en retenir quelque leçon.

Il y avait bien une révolution à faire dans l’école !

mercredi 6 août 2008

Derniere guerre

Ils nous parlaient d’une autre époque. Ils disaient que c’était juste avant, pendant, ou juste après la dernière guerre !

Ils parlaient tous de la dernière guerre ! Mais de laquelle ? De celles d’Irak ou d’Afghanistan ? De laquelle de toutes les guerres israélo-arabes ? Ou bien des guerres de libération ? Et que faisaient-ils encore de celles de Corée, du Vietnam, du Cambodge ? De toutes celles qui ont fait éclater la Yougoslavie ? Pour eux, sans aucun doute : la dernière guerre, c’était celle de 40-45.
Mais ils avaient de qui tenir. La génération qui les précédait n’en avait, dans ses bouches depuis longtemps édentées, que pour la « der des der ». Celle de 14-18, la grande guerre comme ils disaient aussi, devait arrêter le cycle de la violence. Tant de boucherie aurait suffi enfin à combler tous les appétits de sang et de chair à canon. On sait ce qu’il en est advenu.
Pensée magique ? Certains ont repris le flambeau de la myopie. Cherchez sur internet : « dernière intifada », « dernière guerre du golfe »… et vous en trouverez qui n’ont pas appris vraiment. Qui croient peut-être arrêter les chars et les bombardiers avec les seules lettres d’un adjectif. Eponger les rivières de sang avec les pages des dictionnaires.
Je crains qu’ils oublient un peu vite que dernier ne se conjugue vraiment bien qu'avec cigarette et verre... et pour autant encore qu'il s'agisse de ceux d’un condamné !

mardi 5 août 2008

Cartes magiques en relief

Vous les aurez sans doute déjà vues, ces cartes magiques, en relief ou animées. Aujourd’hui, elles semblent kitsch. Alors, elles avaient un véritable air de modernité.

Pour le relief, nous n’avions pas vraiment le choix.
La stéréoscopie, presque aussi vieille que la photographie, restait bien vivante, grâce au Viewmaster et à Walt Disney… Mais elle exigeait de s’appliquer sur les yeux le dispositif adéquat.
L’hologramme n’était pas encore inventé. Et il faudrait longtemps encore pour qu’il se généralise, puis se banalise.
Nous restait donc la carte magique. Soit qu’elle tente de donner l’illusion du mouvement (en la tournant, l’animal ou le personnage changeait de position) ou du relief (les différentes vues présentaient le même objet sous différents angles). Les sujets étaient les plus stupides : une fille qui clignait de l’œil… une plage dont les palmiers se balançaient… une perruche sur son perchoir… Rien d’étonnant à ce qu’ils le soient devenus plus encore : la vierge Marie dans la grotte de Lourdes et autres sujets religieux semblent avoir aujourd’hui pris l’exclusivité sur cette technique !

lundi 4 août 2008

Bouchon de porcelaine

Comme le Weck, le bouchon de porcelaine avait son anneau de caoutchouc orange ou rouge. Mais il avait ce petit plus, ce petit bruit que faisait la ferraille en s’ouvrant ou se fermant.

Les bouteilles de vin étaient bouchonnées. Rien d’étonnant.
Celles de lait étaient capsulées. Mais il est vrai qu’aujourd’hui on n’achète plus le lait en bouteille. Certaines bouteilles de bière – les petits modèles seulement - aussi.
Mais la plupart portaient ces bouchons de porcelaine qu’on ne trouve plus que dans les boutiques design et sur quelques marques de bières étrangères. Les amateurs les recherchent en brocante et bientôt ils seront sans doute dans les vitrines des musées !
Le bouchon de plastique était inconnu.

dimanche 3 août 2008

Artis

Avec les albums Artis, ce n’était pas seulement de la lecture qu’on s’offrait.

D’abord, il y avait les joies de la collection de timbres. Parcourir les emballages des produits à la recherche du précieux point qui pourrait nous manquer. Veiller peut être à se faire aider par des amis, des voisins, de la famille. Les rassembler ensuite – c’est fou comme ce genre de petites choses a tendance à se trouver n’importe où, dans le vide poches du salon, le tiroir de la cuisine, l’armoire de la salle à manger, parce qu’on n’a jamais vraiment décidé de l’endroit où il faudrait les ranger ou, qu’au moment de les récolter, on n’a ni le temps ni l’envie de faire l’effort d’un déplacement -. Les trier et les compter ensuite. Jusqu’à avoir le nombre de points requis.
Ensuite le plaisir du voyage. Jusqu’au centre Artis, à Verviers je crois. Le bus d'abord. Puis un long trajet à pied. Pour y échanger la précieuse récolte contre les albums et leurs images. Précieusement enrobées de papier cristal. A pied à nouveau jusqu'à la gare. Puis le bus encore.
Pour suivre, celui du bricolage. Que ma mère se réservait. Consciente que, si elle nous laissait agir, le résultat final risquait - au mieux - d’être médiocre. Et tout l’effort de la collection et l'argent perdus. Enduire le bord de la photo de colle blanche. L’appliquer précautionneusement à sa place réservée. Et passer à la suivante.
Associé à celui de l’odorat. Car ma mère utilisait de cette colle blanche semi-solide, délicieusement parfumée. Qui fleurait la vanille, ou quelque chose de similaire.
L’extase de la découverte enfin. Celle des images surtout. Que les livres illustrés d’aujourd’hui n’égalent pas nécessairement. Le texte d’un côté. L’image de l’autre. De ce texte aussi. Auxiliaire précieux pour les élocutions à venir. Un seul album Artis nous donnait toujours matière à au moins un exposé pour l'école. Suffisait pour toutes les explications... débordait de trop d'illustrations.
Croyez-moi. Je les ai tellement relus que je n’étais pas loin de penser que j’avais vraiment voyagé au Siam, au Népal et dans tant d’autres régions du monde.

samedi 2 août 2008

Zeros

« Liberté, liberté, tes zéros sont arrivés » - Les poppys.

Les enfants n’entendent peut-être pas bien les paroles des chansons, mais ils semblent avoir de l’humour.
C’est mon petit frère à qui l’on demandait ce qui lui ferait plaisir – il devait avoir commis un acte exceptionnel, à moins qu’il n’ait été particulièrement malade ou que ce ne soit son anniversaire – qui a demandé le 45 tours des zéros.
Avis donc aux héros et candidats au martyre : avant de vous lancer dans la carrière, prenez un instant et voyez la manière dont les gosses vous tiennent en considération ! Peut-être changerez-vous subitement d'avis.

vendredi 1 août 2008

Bleu de méthylene

L’infirmière du collège avait un truc infaillible pour distinguer les faux malades des vrais : le bleu de méthylène !

Collège catholique oblige, elle n’avait rien d’une pin-up, rien qui risque d’échauffer les sangs des élèves. Sans parler de celui des quelques curés qui y vivaient encore - quand leur goût ne leur faisait pas préférer les jeunes garçons -. Chargée de la bonne santé de la population, mais surtout de veiller à chasser les resquilleurs. Il est vrai que les maladies se déclaraient souvent le matin d’une interrogation, ou celui d’une activité physique redoutée : un cross dans la neige, un travail de bucheronnage avec les ainés de l’école, un devoir pas fait ou une leçon pas apprise.
Simuler la fièvre n’était pas vraiment dans nos cordes. Trop aléatoire. La vieille fille ne nous aurait laissé aucune chance à ce petit jeu. Et sans nul doute aurait-elle été capable d’inventer quelque remède cent fois pire que la corvée que nous voulions éviter. Nous étions souvent téméraires, fous jamais !
Alors, quel que soit le mal, il fallait ouvrir grand la bouche, laisser voir notre gorge – il est vrai, admettait-elle – un peu rouge. Garder la bouche ouverte, juste par sécurité… Et elle de saisir une longue pince d’acier, avec la pince un bout d’ouate, de l’imbiber de bleu de méthylène, et de nous en badigeonner le fond de la gorge.
Le plus souvent, la maladie s’en arrêtait là. Si le traitement était déjà aussi cruel pour un mal qui n’existait que dans ses propres yeux rougis par la vieillesse et la solitude, qu’allait-elle imaginer pour les vrais maux ? Nous retournions à notre interrogation ou aux autres corvées. Soupirant, tentant de nous faire plaindre du professeur et de nos copains, mais certains en tout cas d'avoir de justesse échappé au pire. Sincèrement plaints même par certains enseignants qui savaient ce que nous venions d'endurer. N'aurions-nous pas été souffrants avant cette visite funeste, nous l'étions à coup sûr après !
Pendant une longue année, toute la semaine durant, j’ai donc soigneusement évité d’être malade. Et je dois reconnaître que, le jour où mes copains m’ont amené à elle les yeux gonflés par un jet de formol, le sens de l'urgence - et peut-être l'impression de vivre enfin un instant d'exception - lui a heureusement dicté d'éviter de suivre son protocole habituel. Me soignant pour ce que j’avais réellement plutôt que de veiller à entretenir une réputation déjà bien établie par plusieurs générations d'élèves.
L’année suivante, atteinte par la limite d’âge, elle n’était plus là.