samedi 1 décembre 2007

Rasoir

Le rasoir d'alors laissait les joues rèches.

Le rasoir était un petit bijou de mécanique. Dévissez le manche et il s'ouvrait en papillon. La lame - une Gilette sans doute, mais à l'époque, on ne s'intéressait pas aux marques, on les utilisait, les nommait seulement - se logeait au centre et l'on refermait les ailes du papillon en tournant le manche dans l'autre sens.
Simple lame évidemment. Un tranchant de chaque côté. Modèle universel. Pas question de manche Gilette G2 qui n'accepte pas les têtes de Mach 3 ou de Wilkinson, encore moins de G5 ou de Turbo machin. Tout était alors compatible. Le fabriquant de lame de rasoirs pouvait avoir la même fierté que le fabriquant de vis de 8mm par 35, et inversément. Pas question de plastique non plus. Tout était recyclable, même s'il n'était pas recyclé.
"Les enfants... ne pas toucher!", nous le savions. C'est que les lames de rasoir, ça coupait... et pas de bidule plastique pour les tenir.
Mais je touchais quand même. Prudemment. Pas fou. Pour le poids du métal, lourd dans la main - comme pourrait l'être un pistolet ou un marteau, une charrue peut-être -. Pour le fini du métal, granuleux, presqu'à l'image d'une barbe d'un jour, rèche. Mais de cette rudesse qui attire: comme le baiser de mon père mal rasé. Pour la température enfin, si chargé de froid alors que les salles de bain n'étaient chauffées qu'à l'heure d'y entrer.

Aucun commentaire: