mercredi 24 septembre 2008

Acier froid

Le quai de la gare de Verviers sentait l’huile et l’acier froids. L’acier froid surtout !

Si certaines gares disent le passage, d’autres ont vocation de terminus. Celle de Verviers était de ces dernières. Et bien qu’un tunnel la traversait de part en part – qui devait bien mener quelque part, vers un plus loin et un autre ailleurs – on avait l’impression que le monde s’y arrêtait, tant il y faisait sombre, et qu’il semblait impossible d’imaginer plus sombre encore !
Le hall proclamait un glorieux passé qui ne vivait plus que dans l’esprit embrumé des plus vieux de ses habitants. Glorieuse architecture vantant les mérites des artisans lainiers de jadis. Mais la ville était morte. Les usines fermées. Les artisans depuis longtemps partis, retraités ou morts. Seul le buffet dégageait encore un peu de chaleur et invitait à rester un instant encore. Juste le temps de sauter dans le prochain train… ou de s’en aller avec le prochain bus.
Et puis sur le quai cette odeur typique, de roues raclant les rails, de freins arrêtant les trains, de caténaires perclus d’humidité, d’ombre et d’âge. L’on respirait à courtes inspirations des morceaux entiers de locomotives, des mètres de rails. Et ce n’était pas vraiment désagréable. Un peu comme ces tabacs de pipe, parfumés au miel ou aux épices, dont on traverse la fumée en se retenant : d’inspirer trop fort, au risque de capturer avec le miel, toute l’amertume… et d’expirer trop vite, pour garder un instant encore les notes magiques. Ou comme ces parfums qui surgissent au passage d’une dame… et qu’il ne sert à rien de tenter de respirer encore: juste d’en garder, un instant encore, le peu qu’on a pu en capturer.

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