lundi 11 août 2008

Coucou

Quand avez-vous donc, pour la dernière fois, entendu le coucou chanter ?
Pour ma part - hasard - c’était il y a quelques semaines seulement, du côté de Brugge… et la fois d’avant, il y a dix ans au moins, quinze peut-être, dans mon jardin !

Je ne parle pas de l’horloge suisse ou de la forêt noire. Savez-vous que dans le temps, il y avait un oiseau qui s’appelait comme ça ? Quand le coucou chantait, on ne manquait pas – et je le fais encore – de vérifier qu’on avait bien de l’argent dans les poches: des pièces si possible - la tradition ne s'est pas encore vraiment habituée aux billets de banque -. Il parait qu’à cette condition seulement il portait chance et fortune !

Le chant du coucou était aussi synonyme de beau temps. En mai ou en juin. Par grand soleil. Les deux notes résonnaient. Se répétaient. Mais rares sont ceux qui pouvaient affirmer l’avoir vu. Le coucou ne se montrait pas. Dans son discret costume gris, malgré sa taille respectable, il préférait se cacher des hommes. Etonnant pour cet oiseau que tout le monde connaissait. Le seul dont, à coup sur, les plus incompétents en matière de nature - et n'importe quel citadin - pouvaient imiter le chant. Une vedette des magazines et de la télévision aussi, dont les reportages nous montraient les habitudes bizarres, cruelles et parasites de reproduction.

Hirondelle, moineau, coucou… à eux trois ils étaient les plus forts symboles de la vie ailée d’alors.

dimanche 10 août 2008

Hirondelle

D’un coup de balais rageur, la voisine faisait éclater les nids d’hirondelle – excédée du manège des volatiles qui conchiaient, prétendait-elle, sa façade -.

En dehors du centre-ville, chaque bloc d’habitation abritait quelques nids d’hirondelles de fenêtre. Frêle ouvrage de maçonnerie. Qu’on aurait pu croire fait de ces boulettes de papier mâché dont nous maculions les plafonds des classes et réfectoires. Ballet incessant des parents exhibant l’éclat de leur cul blanc comme un jockey sa casaque d’or. Stridulation incessante.
Les hirondelles de cheminées, elles, plus discrètes et plus dignes - un rien prétentieuse avec leur costume de gala -, se réservaient les étables des fermes.

L’hirondelle des champs – queue de pie et masque de sang, comme pour un bal de la haute – semblait ainsi mépriser l’hirondelle des villes – ouvrière endimanchée -.

Elles nous disaient la saison, comme l’horloge dit l’heure. Leur apparition, au printemps – l’hirondelle de cheminée précédant de plusieurs semaines celle de fenêtre – était synonyme de beaux jours et de floraisons. Et leur danse nous faisait souvent ne pas remarquer l’arrivée tardive du martinet, leur cousin.

Bien trop tôt aussi, les congrégations sur les fils électriques d’oiseaux semblant s’entrainer au chant choral nous faisaient sentir qu’il était grand temps de profiter des beaux jours avant l'automne. Qu’il serait bientôt trop tard pour courir les rues en manches courtes. Que les soirées se feraient de moins en moins longues, et de plus en plus noires.

samedi 9 août 2008

Gendarme

Disparue la gendarmerie. Oubliez donc l'expression ! Effacez la de votre mémoire. Il ne sert plus à rien en Belgique désormais de parler de « la peur du gendarme ». Et la peur du policier fédéral ne sonne pas avec la même force - d'ailleurs, mieux vaut ne pas trop prononcer le mot fédéral dans ces temps politiques agités -. Il faudra donc choisir: inventer une nouvelle expression ou définitivement craindre que chacun méprise sans vergogne lois et règlements.

Mais il faudra encore quelques années sans doute - toute une génération peut-être - pour qu’on ne parle plus de gendarme et de gendarmerie. Les rôles étaient si bien définis qu’on retrouve encore, sous leurs nouveaux déguisements, les anciens pandores.
Le gendarme, grosse différence, était un militaire. Il vivait dans une caserne. Mieux équipé. Il vivait dans un autre monde. Plus large que notre petite ville. La caserne d’ailleurs n’était pas vraiment dans la ville. Légèrement sur les hauteurs, c’était comme si elle voulait un peu s’en éloigner. Et puis mieux la surveiller aussi, et la regarder de haut.

Le policier, c’était un voisin. Un enfant de la ville. Ou s’il n’en était pas, on s’attendait à ce qu'il le devienne, et qu’il y prenne racine. C’était aussi quelqu’un à qui l’on pouvait parler – le gendarme, lui, avait la rigueur et la froideur du planton de garde au palais royal – et que l’on pouvait même plaisanter. La venue d’un policier dans l’école ne signifiait pas – encore – un contrôle antidrogue ou l’expulsion du territoire d’un candidat réfugié. Il serait tout juste question de sécurité routière. De recommandations pour l’éclairage de nos vélos ou de rappels à la vigilance lorsque nous traversions la route. Tout juste de conseils paternels ou amicaux. Jamais de menace.

Et puis il y avait aussi le « champette » - le garde champêtre -. Le policier chargé des matières rurales. Pour nous, les gosses, c’était assez flou. On ne pouvait qu’imaginer. Qu’il nous poursuive sur son vélo alors que nous revenions de maraude. Courir derrière nous, à grand bruit de godillots, dans les prés parce que nous aurions arraché les barbelés de telle clôture, qui gênait nos jeux. Apparaître à la porte de la maison pour signifier à nos parents qu’il n’était plus question de mettre le feu au talus de chemin de fer, sous peine d’application des peines prévues par l’arrêté royale du… Rien que des idées de gosses finalement. On ne l'a jamais croisé !

Plus tard seulement – dans les manifestations – nous ferions connaissance enfin avec les moustachus de la BSR. Chargés d’observer – avec leur discrétion de Dupont et Dupond – les extrémistes de tout poil !

vendredi 8 août 2008

Femmes à gauche

L’église pratiquait la séparation des sexes. A la messe, les femmes se tenaient à gauche, les hommes à droite.

Nous, les enfants, suivions nos mères – évidemment -. Mais la ségrégation était la règle. Le troupeau se divisait en deux.
Ainsi, pendant la cérémonie, les regards de chacun des deux sexes ne serait-il pas troublé par la vue de l’autre. Les pensées resteraient pures. Seule la religion habiterait les esprits.

jeudi 7 août 2008

Estrade

Le maître sur l’estrade, les élèves un étage plus bas, dans la classe.

D’un côté – et en bas - la classe, l’ignorance, la rébellion possible, la jeunesse. De l’autre – en face et en haut d’une marche – l’estrade, le tableau noir et la craie blanche de la connaissance. Et à droite, le coin de la honte – le pilori où étaient exposés les punis -. Plus haut encore – d’une marche au moins – dans le demi contrejour de la fenêtre qui l'auréolait de lumière -, le siège et la table du maître : maître de la connaissance, de l’ordre et de l’autorité !

L’estrade était un mirador d’où un maître chasseur ou geôlier menaçait son gibier de potence.
Une chaire de vérité, d’où devaient s’écouler le miel de la connaissance et la lumière de la compréhension des choses.
L'autel chrétien des sacrements pour le bon élève en même temps que celui, païen, du sacrifice humain pour le mauvais.
Un banc des accusés, où montait la victime pour des interrogations qui pouvaient tourner à l’interrogatoire.
Le pilori du seigneur des lieux, y exhibant le dos de l’ignorant, du malchanceux ou du bouc émissaire à la populace. Cruelle pour la victime ou craignant pour son propre sort, la classe saurait bien en retenir quelque leçon.

Il y avait bien une révolution à faire dans l’école !

mercredi 6 août 2008

Derniere guerre

Ils nous parlaient d’une autre époque. Ils disaient que c’était juste avant, pendant, ou juste après la dernière guerre !

Ils parlaient tous de la dernière guerre ! Mais de laquelle ? De celles d’Irak ou d’Afghanistan ? De laquelle de toutes les guerres israélo-arabes ? Ou bien des guerres de libération ? Et que faisaient-ils encore de celles de Corée, du Vietnam, du Cambodge ? De toutes celles qui ont fait éclater la Yougoslavie ? Pour eux, sans aucun doute : la dernière guerre, c’était celle de 40-45.
Mais ils avaient de qui tenir. La génération qui les précédait n’en avait, dans ses bouches depuis longtemps édentées, que pour la « der des der ». Celle de 14-18, la grande guerre comme ils disaient aussi, devait arrêter le cycle de la violence. Tant de boucherie aurait suffi enfin à combler tous les appétits de sang et de chair à canon. On sait ce qu’il en est advenu.
Pensée magique ? Certains ont repris le flambeau de la myopie. Cherchez sur internet : « dernière intifada », « dernière guerre du golfe »… et vous en trouverez qui n’ont pas appris vraiment. Qui croient peut-être arrêter les chars et les bombardiers avec les seules lettres d’un adjectif. Eponger les rivières de sang avec les pages des dictionnaires.
Je crains qu’ils oublient un peu vite que dernier ne se conjugue vraiment bien qu'avec cigarette et verre... et pour autant encore qu'il s'agisse de ceux d’un condamné !

mardi 5 août 2008

Cartes magiques en relief

Vous les aurez sans doute déjà vues, ces cartes magiques, en relief ou animées. Aujourd’hui, elles semblent kitsch. Alors, elles avaient un véritable air de modernité.

Pour le relief, nous n’avions pas vraiment le choix.
La stéréoscopie, presque aussi vieille que la photographie, restait bien vivante, grâce au Viewmaster et à Walt Disney… Mais elle exigeait de s’appliquer sur les yeux le dispositif adéquat.
L’hologramme n’était pas encore inventé. Et il faudrait longtemps encore pour qu’il se généralise, puis se banalise.
Nous restait donc la carte magique. Soit qu’elle tente de donner l’illusion du mouvement (en la tournant, l’animal ou le personnage changeait de position) ou du relief (les différentes vues présentaient le même objet sous différents angles). Les sujets étaient les plus stupides : une fille qui clignait de l’œil… une plage dont les palmiers se balançaient… une perruche sur son perchoir… Rien d’étonnant à ce qu’ils le soient devenus plus encore : la vierge Marie dans la grotte de Lourdes et autres sujets religieux semblent avoir aujourd’hui pris l’exclusivité sur cette technique !