Pour ma communion j’ai reçu une montre avec les chiffres phosphorescents ! On les voit même dans la nuit la plus noire.
C’était le genre de magie dont nous ne nous lassions pas. Eclairer notre montre à la lampe de poche. Puis, éteinte, dans le noir en voir briller les marques horaires. D’ailleurs, notre montre, peut-être était ce sa principale utilité, alors que le flux et reflux des habitants, d’un côté à l’autre de la ville, suffisait bien à nous dire l’heure. Presque à la minute près.
La mode des montres à quartz, sans cadran alors, a tourné une page. Seuls de vieux réveils nous permettaient encore de répéter ce tour. L’obscurité n’était définitivement plus le lieu d’aucun miracle.
Sans doute l’un ou l’autre nostalgique en a-t-il eu assez, pour inventer ces étoiles phosphorescentes à coller au plafond. Né bien des années plus tard, c’est sûr, j’en aurais été fou ! Moi aussi j’aurais voulu faire entrer la voie lactée dans ma chambre à coucher.
lundi 18 août 2008
dimanche 17 août 2008
Stavelot
Juste au dessus du Flamand – ou à côté peut-être –, tout juste humain selon nos traditions, il y avait le Stavelotain !
Les haines villageoises d’alors étaient tenaces. Héréditaires en même temps que contagieuses. Même si elles étaient bien bénignes, ne portant de coups que de langue.
Le Stavelotain était bête, sale, méchant, stupide, tout ce que vous voulez. C'était avéré. Presque scientifique. Ou si la science n'avait pas réussi à le démontrer, c'est qu'elle était donc faillible. Qu'elle était peut-être même manipulée par les Stavelotains !
Rien de bon ne venait de Stavelot. La preuve, même les nuages de pluie en venaient.
Savez-vous d’ailleurs qu’il était question de raser Stavelot ? Pour faire un parking pour le GB de Malmédy, ajoutait-on en s’esclaffant.
Le carnaval de Malmédy ? Incontestablement plus authentique, ancien, amusant que cette Laetare des Stavelotains. Même pas capables de faire leur carnaval au carnaval, il fallait qu’ils le fassent à la mi-carême. Aussi, ils manquent d’imagination : ils n’ont qu’un seul masque traditionnel ; Malmédy en a quinze. Leur Blanc moussi n’est qu’une pâle imitation certainement de notre Djoup’sène et de nos Longs nez.
Aller à l’école à Stavelot ? Hors de question. Ou alors, il fallait se faire discret. C’était bien le seul collège catholique à proximité. Mais était-ce une bonne excuse.
Une fille de Malmédy fréquenter un gars de Stavelot ? ou l’inverse. Vous n’y pensez-pas. Quelle famille tolérerait-elle semblable mésalliance. Roméo et Juliette, eux au moins, avaient un peu de bon sens, ils n'ont jamais envisagé d'aimer de Stavelotain !
Faire des achats à Stavelot ? Plutôt courir à Verviers, trois fois plus loin, que de s’abaisser à cela.
En faire une visite touristique ? Comme tant d’autres belges ? Aucun intérêt. Le Malmédien devenait aveugle dès le moment qu’il s’agissait de voir que la ville voisine aurait pu être jolie. Pittoresque même. Que, contrairement à Malmédy, elle avait vraiment quelque chose à montrer.
Même un match de football Malmédy-Stavelot éveillait bien peu d’intérêt. Parlez-moi de Malmédy-Xhoffraix : c’était la grande foule garantie. Mais franchement, que voulez-vous attendre d’une petite équipe comme ça.
L'histoire et la géographie ? Falsifiées. Les bouquins parlaient-ils de la principauté de Stavelot-Malmédy ? Il fallait bien entendu lire Malmédy-Stavelot. Et nos maîtres ne manquaient pas de le corriger à la lecture. Une coquille sans doute. A moins qu'il ne s'agisse de la manipulation vicieuse de la vérité par un correcteur stavelotain infiltré chez l'éditeur.
La mauvaise foi règnait en maître. Pour regarder Stavelot, et tout ce qui en venait, le Malmédien chaussait nécessairement - ne fut ce que par jeu - ses lunettes déformantes.
Règnait ? Venait ? Chaussait ? Le Malmédien se serait-il donc trouvé un nouvel ennemi héréditaire ? ou bien le Stavelotain reste-t-il inégalé tout autant qu’irremplaçable ?
Les haines villageoises d’alors étaient tenaces. Héréditaires en même temps que contagieuses. Même si elles étaient bien bénignes, ne portant de coups que de langue.
Le Stavelotain était bête, sale, méchant, stupide, tout ce que vous voulez. C'était avéré. Presque scientifique. Ou si la science n'avait pas réussi à le démontrer, c'est qu'elle était donc faillible. Qu'elle était peut-être même manipulée par les Stavelotains !
Rien de bon ne venait de Stavelot. La preuve, même les nuages de pluie en venaient.
Savez-vous d’ailleurs qu’il était question de raser Stavelot ? Pour faire un parking pour le GB de Malmédy, ajoutait-on en s’esclaffant.
Le carnaval de Malmédy ? Incontestablement plus authentique, ancien, amusant que cette Laetare des Stavelotains. Même pas capables de faire leur carnaval au carnaval, il fallait qu’ils le fassent à la mi-carême. Aussi, ils manquent d’imagination : ils n’ont qu’un seul masque traditionnel ; Malmédy en a quinze. Leur Blanc moussi n’est qu’une pâle imitation certainement de notre Djoup’sène et de nos Longs nez.
Aller à l’école à Stavelot ? Hors de question. Ou alors, il fallait se faire discret. C’était bien le seul collège catholique à proximité. Mais était-ce une bonne excuse.
Une fille de Malmédy fréquenter un gars de Stavelot ? ou l’inverse. Vous n’y pensez-pas. Quelle famille tolérerait-elle semblable mésalliance. Roméo et Juliette, eux au moins, avaient un peu de bon sens, ils n'ont jamais envisagé d'aimer de Stavelotain !
Faire des achats à Stavelot ? Plutôt courir à Verviers, trois fois plus loin, que de s’abaisser à cela.
En faire une visite touristique ? Comme tant d’autres belges ? Aucun intérêt. Le Malmédien devenait aveugle dès le moment qu’il s’agissait de voir que la ville voisine aurait pu être jolie. Pittoresque même. Que, contrairement à Malmédy, elle avait vraiment quelque chose à montrer.
Même un match de football Malmédy-Stavelot éveillait bien peu d’intérêt. Parlez-moi de Malmédy-Xhoffraix : c’était la grande foule garantie. Mais franchement, que voulez-vous attendre d’une petite équipe comme ça.
L'histoire et la géographie ? Falsifiées. Les bouquins parlaient-ils de la principauté de Stavelot-Malmédy ? Il fallait bien entendu lire Malmédy-Stavelot. Et nos maîtres ne manquaient pas de le corriger à la lecture. Une coquille sans doute. A moins qu'il ne s'agisse de la manipulation vicieuse de la vérité par un correcteur stavelotain infiltré chez l'éditeur.
La mauvaise foi règnait en maître. Pour regarder Stavelot, et tout ce qui en venait, le Malmédien chaussait nécessairement - ne fut ce que par jeu - ses lunettes déformantes.
Règnait ? Venait ? Chaussait ? Le Malmédien se serait-il donc trouvé un nouvel ennemi héréditaire ? ou bien le Stavelotain reste-t-il inégalé tout autant qu’irremplaçable ?
Libellés :
S
samedi 16 août 2008
Tour de la Baraque Michel
En face de la Baraque Michel, il y avait une tour. On ne voyait qu’elle.
La Baraque Michel, pour nous, c’était la tour. Il y a une vingtaine d’année, elle était encore là. Son étrange silhouette se découpant sur le ciel du plateau des hautes fagnes. Quant à l’escalader, il n’en était plus question depuis longtemps. Si longtemps que je ne me souviens pas vraiment de l’avoir jamais fait !
La Baraque Michel, pour nous, c’était la tour. Il y a une vingtaine d’année, elle était encore là. Son étrange silhouette se découpant sur le ciel du plateau des hautes fagnes. Quant à l’escalader, il n’en était plus question depuis longtemps. Si longtemps que je ne me souviens pas vraiment de l’avoir jamais fait !
vendredi 15 août 2008
Machine à écrire
Rythmée la frappe de la machine à écrire. Tac, tac, tac
Ting faisait elle en bout de course
Trrt on la ramenait à sa place et en même temps le rouleau faisait avancer le papier d’une ligne
Puis la frappe reprenait
C’était tellement une chanson qu’un compositeur s’en est emparé
Ecoutez donc « Typewriter » de Leroy Anderson, et vous saurez un peu ce que représentait la machine à écrire dans notre univers sonore. Ce n’était évidemment pas aussi musical. Pas aussi rythmé, ni aussi construit. Mais tout y est. Nous avions alors des machines qui semblaient chanter. Ecoutez aussi « Pacific 231 » de Honegger. Nous étions les enfants de la musique urbaniste des années 20. Ecoutions des machines, les entendions élaborer leur mélodie. Le moteur de la Panhard. Le murmure du moteur de la machine à coudre Singer, ou le cliquetis et les chuintements du pédalier sur les modèles plus anciens.
Si les musiques d’aujourd’hui battent – égoïstement et violemment – au rythme de notre cœur, celles d’alors tenaient le leur de ce qui les entourait.
Mais la machine à écrire c’était aussi le ruban bicolore… c’était le papier carbone… Et une odeur de métal bien propre.
Et tant pis pour ceux qui n’ont connu que l’ordinateur !
Ting faisait elle en bout de course
Trrt on la ramenait à sa place et en même temps le rouleau faisait avancer le papier d’une ligne
Puis la frappe reprenait
C’était tellement une chanson qu’un compositeur s’en est emparé
Ecoutez donc « Typewriter » de Leroy Anderson, et vous saurez un peu ce que représentait la machine à écrire dans notre univers sonore. Ce n’était évidemment pas aussi musical. Pas aussi rythmé, ni aussi construit. Mais tout y est. Nous avions alors des machines qui semblaient chanter. Ecoutez aussi « Pacific 231 » de Honegger. Nous étions les enfants de la musique urbaniste des années 20. Ecoutions des machines, les entendions élaborer leur mélodie. Le moteur de la Panhard. Le murmure du moteur de la machine à coudre Singer, ou le cliquetis et les chuintements du pédalier sur les modèles plus anciens.
Si les musiques d’aujourd’hui battent – égoïstement et violemment – au rythme de notre cœur, celles d’alors tenaient le leur de ce qui les entourait.
Mais la machine à écrire c’était aussi le ruban bicolore… c’était le papier carbone… Et une odeur de métal bien propre.
Et tant pis pour ceux qui n’ont connu que l’ordinateur !
jeudi 14 août 2008
Lapin de Pâques
Les œufs de Pâques sont apportés par le lapin de Pâques !
Cloches ou lapin ? Les informations que nous recevions des adultes étaient contradictoires.
Les cloches étaient bien parties pour Rome. Il était facile de s’en rendre compte puisqu’elles ne sonnaient plus ni les heures, ni l’appel à la messe. Mais, techniquement, ni le transport – la cloche est, par définition, ouverte vers le bas, et peut difficilement servir, à moins d’être tenue à l’envers, à transporter quoi que ce soit – ni la distribution – les œufs paraissant en relativement bon état au moment où nous les ramassions, il était peu crédible qu’ils aient été largués du ciel – ne penchaient en faveur de cette hypothèse.
Par contre, la façon dont certains œufs étaient cachés, et le fait que cela se passe dans le jardin, pouvaient faire pencher vers l’hypothèse de l’action du lapin. Restait là aussi la difficile question du transport. Un lapin ne se tient pas sur deux pattes. Ne porte pas de hotte. Et aucune de ces représentations ne suffisait à nous faire imaginer l’acte technique d'un lapin livrant de telles quantités d'oeufs, véritables ou en chocolat.
Comment dans ces conditions aurions nous pu croire très longtemps à ces fables ?
Cloches ou lapin ? Les informations que nous recevions des adultes étaient contradictoires.
Les cloches étaient bien parties pour Rome. Il était facile de s’en rendre compte puisqu’elles ne sonnaient plus ni les heures, ni l’appel à la messe. Mais, techniquement, ni le transport – la cloche est, par définition, ouverte vers le bas, et peut difficilement servir, à moins d’être tenue à l’envers, à transporter quoi que ce soit – ni la distribution – les œufs paraissant en relativement bon état au moment où nous les ramassions, il était peu crédible qu’ils aient été largués du ciel – ne penchaient en faveur de cette hypothèse.
Par contre, la façon dont certains œufs étaient cachés, et le fait que cela se passe dans le jardin, pouvaient faire pencher vers l’hypothèse de l’action du lapin. Restait là aussi la difficile question du transport. Un lapin ne se tient pas sur deux pattes. Ne porte pas de hotte. Et aucune de ces représentations ne suffisait à nous faire imaginer l’acte technique d'un lapin livrant de telles quantités d'oeufs, véritables ou en chocolat.
Comment dans ces conditions aurions nous pu croire très longtemps à ces fables ?
mercredi 13 août 2008
Soirées diapositives
Si votre beau frère – celui là qui rit si bêtement et dont vous ne comprendrez jamais comment il a fait pour épouser votre sœur - insiste pour vous montrer ses vidéos de vacances, dites-vous que l’époque a changé, et que vous n’avez échappé - de dix années au moins - aux soirées diapositives que pour tomber dans pire encore !
Les soirées diapositives, c’était comme les maladies d’enfance. Pénible, douloureux parfois, mais il suffisait d’attendre que ça passe.
La forme la plus courante : les diapos de vacances.
Ca, c’est notre départ. La famille devant la voiture. Avec tout le chargement. Ca, c’est le premier parking où on s’est arrêtés. Martine était malade. Elle ne supporte pas la voiture. Trois images, et trois parkings plus loin, c’était enfin l’entrée du camping. Et l’impression qu’on allait devoir revivre – image par image et en temps réel – l’ensemble des vacances stupides et banales au camping de Blankenberge de la famille Dupneu. En plus, pas question de pause publicitaire, pour chercher asile à la toilette – non, les toilettes, c’est pour les Français -. Faites mine d’avoir un besoin pressant et le projectionniste compatissant patientera le temps qu’il faut pour que vous ne ratiez pas une image de l’expédition. Et encore, s’il y avait des chips en quantité. Que nos papilles et notre tube digestif puissent au moins nous communiquer des signaux, des informations positifs au lieu de ces platitudes, de ces alignements de lieux communs et ces visions de paysages et personnages sans charmes qui défilent à l’écran.
Déjà, on pense stratégie. Vaudra-t-il mieux y aller aussi l’an prochain – pour pouvoir dire qu’on connaît - ? Ou bien proclamer son amour exclusif de la montagne, son allergie à la mer – même sur pellicule, qui, sait-on, pourrait aussi être porteuse d’un excès d’iode - ? La cause, il fallait se l’avouer, était toujours désespérée. Mieux valait rêver à des issues plus réalistes : le divorce – et couper tous les ponts évidemment avec le beau-frère -, le veuvage – apparemment élégant et définitif, mais ma sœur pourrait se remarier avec pire ! -, le vol du matériel – mais le beau frère est bien assuré -,… Et enfin, à rechercher une issue, notre esprit était libre. Les diapositives pouvaient continuer de défiler. Il nous suffisait de dodeliner de la tête. D’émettre quelque grognement au gré de pensées qui n’avaient rien à voir avec les images. Le plus grave était passé.
Plus raffiné : le montage audio-visuel.
Et c’est bien de raffinement qui s’agit ici. De celui qui permet que l’épreuve en devienne presque un plaisir - rarement -. De belles images, de manière rythmée, sur une musique appropriée. Et pas trop longtemps. Ajoutez-y un commentaire intelligent. Et vous sortiez d’un tel montage avec l’impression d’avoir reçu, sinon appris, quelque chose. Apaisé, détendu.
Mais ne vous faites aucune illusion. Ces expériences étaient aussi rares que précieuses. Car le raffinement pouvait être celui de la torture. Vous assommant de musiques toujours les mêmes (Popcorn et Oxygène neuf fois sur dix). Multipliant les images banales, ratées et répétitives; et montrant en cinquante photos ce que deux vous avaient déjà fait comprendre: il n'y avait rien à comprendre ni à espérer ! Vous vous agitiez sur votre chaise. Cherchant un peu de ce confort qui ne venait pas de la projection. Soupiriez. Tentiez d’étendre vos jambes. Ressentiez l’étouffement déjà – cette salle manque d’air, il y fait trop chaud – ou l’engourdissement par le froid. Comme une chape de béton qui descendait sur le public.
Votre seul espoir : que le projecteur tombe. Que l’ampoule éclate. Une panne de courant. Un incendie s’il vous plait. Non, surtout pas. Seigneur, que votre volonté soit faite. Laisser ces moments de douleur s’achever. Que leur auteur ne se doute de rien et n’ait aucun prétexte – surtout – à prononcer la sentence fatidique : "Puisque tout le monde semble avoir apprécié, il nous reste le temps de repasser le montage une fois encore !"
Les soirées diapositives, c’était comme les maladies d’enfance. Pénible, douloureux parfois, mais il suffisait d’attendre que ça passe.
La forme la plus courante : les diapos de vacances.
Ca, c’est notre départ. La famille devant la voiture. Avec tout le chargement. Ca, c’est le premier parking où on s’est arrêtés. Martine était malade. Elle ne supporte pas la voiture. Trois images, et trois parkings plus loin, c’était enfin l’entrée du camping. Et l’impression qu’on allait devoir revivre – image par image et en temps réel – l’ensemble des vacances stupides et banales au camping de Blankenberge de la famille Dupneu. En plus, pas question de pause publicitaire, pour chercher asile à la toilette – non, les toilettes, c’est pour les Français -. Faites mine d’avoir un besoin pressant et le projectionniste compatissant patientera le temps qu’il faut pour que vous ne ratiez pas une image de l’expédition. Et encore, s’il y avait des chips en quantité. Que nos papilles et notre tube digestif puissent au moins nous communiquer des signaux, des informations positifs au lieu de ces platitudes, de ces alignements de lieux communs et ces visions de paysages et personnages sans charmes qui défilent à l’écran.
Déjà, on pense stratégie. Vaudra-t-il mieux y aller aussi l’an prochain – pour pouvoir dire qu’on connaît - ? Ou bien proclamer son amour exclusif de la montagne, son allergie à la mer – même sur pellicule, qui, sait-on, pourrait aussi être porteuse d’un excès d’iode - ? La cause, il fallait se l’avouer, était toujours désespérée. Mieux valait rêver à des issues plus réalistes : le divorce – et couper tous les ponts évidemment avec le beau-frère -, le veuvage – apparemment élégant et définitif, mais ma sœur pourrait se remarier avec pire ! -, le vol du matériel – mais le beau frère est bien assuré -,… Et enfin, à rechercher une issue, notre esprit était libre. Les diapositives pouvaient continuer de défiler. Il nous suffisait de dodeliner de la tête. D’émettre quelque grognement au gré de pensées qui n’avaient rien à voir avec les images. Le plus grave était passé.
Plus raffiné : le montage audio-visuel.
Et c’est bien de raffinement qui s’agit ici. De celui qui permet que l’épreuve en devienne presque un plaisir - rarement -. De belles images, de manière rythmée, sur une musique appropriée. Et pas trop longtemps. Ajoutez-y un commentaire intelligent. Et vous sortiez d’un tel montage avec l’impression d’avoir reçu, sinon appris, quelque chose. Apaisé, détendu.
Mais ne vous faites aucune illusion. Ces expériences étaient aussi rares que précieuses. Car le raffinement pouvait être celui de la torture. Vous assommant de musiques toujours les mêmes (Popcorn et Oxygène neuf fois sur dix). Multipliant les images banales, ratées et répétitives; et montrant en cinquante photos ce que deux vous avaient déjà fait comprendre: il n'y avait rien à comprendre ni à espérer ! Vous vous agitiez sur votre chaise. Cherchant un peu de ce confort qui ne venait pas de la projection. Soupiriez. Tentiez d’étendre vos jambes. Ressentiez l’étouffement déjà – cette salle manque d’air, il y fait trop chaud – ou l’engourdissement par le froid. Comme une chape de béton qui descendait sur le public.
Votre seul espoir : que le projecteur tombe. Que l’ampoule éclate. Une panne de courant. Un incendie s’il vous plait. Non, surtout pas. Seigneur, que votre volonté soit faite. Laisser ces moments de douleur s’achever. Que leur auteur ne se doute de rien et n’ait aucun prétexte – surtout – à prononcer la sentence fatidique : "Puisque tout le monde semble avoir apprécié, il nous reste le temps de repasser le montage une fois encore !"
mardi 12 août 2008
Jonquilles
La jonquille c’est le printemps !
Le muguet, c’est bien beau. Ca sent bon. Le seul problème – et de taille – c’est que le client l’attend pour le 1er mai. Et que, sous nos latitudes, et encore plus à l’altitude où je vivais alors, le 1er mai, il n’y avait pas vraiment trace de muguet. S’enrichir de sa cueillette était donc exclu.
Des jonquilles, par contre, il y en avait. Et, finalement, peu importait la date. Quand elles apparaissaient, nous allions en cueillir. Juste un bouquet pour notre mère. Pour la maison. Le plus gros possible. Les tiges et les feuilles bien serrées. Qui ne fassent pas sentir qu’une heure après déjà, elles n’étaient plus aussi belles, plus aussi vivantes qu’elles ne l’étaient dans le sous bois. Mais au moins, faisaient-elles entrer un peu de printemps dans les maisons.
Et, puisqu’elles étaient si simples à cueillir. Nous en ferions donc le commerce. Il y en avait pour des centaines de bouquets. Que les milliers d’acheteurs de la ville se battraient pour acquérir. La fortune était à portée de main.
Partis donc pour une belle carrière commerciale. Prudents tout de même. Avant de nous lancer à grande échelle, nous faisions notre étude de marché. Quatre ou cinq bouquets chacun seraient suffisants comme échantillons. Et les voisins représentatifs de notre cible. Il ne fallait évidemment pas exagérer sur les prix. Vingt francs – nous comptions alors en francs belges – serait-ce trop ? Quinze ne seraient-ils pas mieux ? Les premiers clients – bien que souriants – plutôt que de participer à un commerce promis au plus bel avenir, semblaient nous faire l’aumône. Et dix maisons plus loin, nous bradions déjà ce qu’il nous restait de marchandise. Deux bouquets pour le prix d’un. Puis trois pour la même somme. Pourvu que la chose finisse.
Evanouies les illusions de fortune facile. Abandonnées toutes les ambitions d’une brillante carrière dans les affaires, de succursales à Bruxelles, Liège et Verviers. Mais au moins, nous avions passé une excellente journée dans les bois puis dans les rues.
Que pourrions-nous bien inventer pour le lendemain ?
Le muguet, c’est bien beau. Ca sent bon. Le seul problème – et de taille – c’est que le client l’attend pour le 1er mai. Et que, sous nos latitudes, et encore plus à l’altitude où je vivais alors, le 1er mai, il n’y avait pas vraiment trace de muguet. S’enrichir de sa cueillette était donc exclu.
Des jonquilles, par contre, il y en avait. Et, finalement, peu importait la date. Quand elles apparaissaient, nous allions en cueillir. Juste un bouquet pour notre mère. Pour la maison. Le plus gros possible. Les tiges et les feuilles bien serrées. Qui ne fassent pas sentir qu’une heure après déjà, elles n’étaient plus aussi belles, plus aussi vivantes qu’elles ne l’étaient dans le sous bois. Mais au moins, faisaient-elles entrer un peu de printemps dans les maisons.
Et, puisqu’elles étaient si simples à cueillir. Nous en ferions donc le commerce. Il y en avait pour des centaines de bouquets. Que les milliers d’acheteurs de la ville se battraient pour acquérir. La fortune était à portée de main.
Partis donc pour une belle carrière commerciale. Prudents tout de même. Avant de nous lancer à grande échelle, nous faisions notre étude de marché. Quatre ou cinq bouquets chacun seraient suffisants comme échantillons. Et les voisins représentatifs de notre cible. Il ne fallait évidemment pas exagérer sur les prix. Vingt francs – nous comptions alors en francs belges – serait-ce trop ? Quinze ne seraient-ils pas mieux ? Les premiers clients – bien que souriants – plutôt que de participer à un commerce promis au plus bel avenir, semblaient nous faire l’aumône. Et dix maisons plus loin, nous bradions déjà ce qu’il nous restait de marchandise. Deux bouquets pour le prix d’un. Puis trois pour la même somme. Pourvu que la chose finisse.
Evanouies les illusions de fortune facile. Abandonnées toutes les ambitions d’une brillante carrière dans les affaires, de succursales à Bruxelles, Liège et Verviers. Mais au moins, nous avions passé une excellente journée dans les bois puis dans les rues.
Que pourrions-nous bien inventer pour le lendemain ?
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