Par temps d’orage, il n’était pas rare, dans les veilles maisons, que les plombs sautent. Il suffisait alors de les ponter. Et la lumière revenait.
Inconcevable aujourd’hui : ponter un fusible ! Sécurité, sécurité et encore sécurité ! Tout doit être garanti, sans danger. Et tout ce qui n'est pas garanti ni sécurisé est illégal !
Il faut dire que les tableaux électriques d’alors étaient de beaux foutoirs. Et les câblages des maisons des sources d’étincelles.
Alors, les fusibles n’étaient qu’un détail et faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire : fondre ! Il suffisait alors de passer une boucle de fil de cuivre entre les broches ; de remettre le fusible en place, et le tour était joué. Rien de bien grave, et la plupart des maisons belges n’en brulaient pas.
Sauf…
Sauf quand l’électricien improvisé avait la main lourde. Et après avoir ponté dix fois de suite, garantissait son ouvrage de deux, trois ou quatre boucles de cuivre au lieu d’une. Et le fusible chauffait… mais ne fondait pas…
lundi 29 septembre 2008
dimanche 28 septembre 2008
Estenne
Regardez moi cet estenné !
Estenné (étonné, innocent ou qui joue l’innocent), èwaré (égaré, fou, inconscient), tiestu (têtu), macté (contrariant, rétif), marticot (singe)… Alors que nous ne parlions que le français à la maison, c’est en wallon que nos bêtises trouvaient souvent leur écho dans la bouche de ma mère ! L’énervement lui rendait sa langue maternelle.
Mais, étrange, aucun de ces qualificatifs – bien que moqueurs - ne nous semblait agressif. Comme si le wallon ne pratiquait pas l’injure : seulement un diagnostic raffiné de toutes nos faiblesses d’humains !
Estenné (étonné, innocent ou qui joue l’innocent), èwaré (égaré, fou, inconscient), tiestu (têtu), macté (contrariant, rétif), marticot (singe)… Alors que nous ne parlions que le français à la maison, c’est en wallon que nos bêtises trouvaient souvent leur écho dans la bouche de ma mère ! L’énervement lui rendait sa langue maternelle.
Mais, étrange, aucun de ces qualificatifs – bien que moqueurs - ne nous semblait agressif. Comme si le wallon ne pratiquait pas l’injure : seulement un diagnostic raffiné de toutes nos faiblesses d’humains !
Libellés :
E
samedi 27 septembre 2008
Droguiste
Avec le quincailler, le droguiste fait partie des espèces en voie de disparition !
Les visites chez le droguiste étaient toujours mémorables.
Pour les produits courants, il suffisait de traverser la rue, vers l’épicerie du quartier : du savon à lessive, du savon vert, des teintures pour les œufs de Pâques. L’indispensable et le commun s’y trouvaient.
Mais sortait-on de ces produits habituels, la visite chez le droguiste était indispensable.
Une bouteille de white spirit ? Chez le droguiste. De la térébenthine ou un quelconque produit pour décaper les meubles ? Chez le droguiste aussi, rien d’étonnant.
Et puis, il y avait tout le reste. Qui faisait de la droguerie une sorte d’échoppe d’alchimiste.
Par exemple le bleu pour blanchir le linge ! Un produit qu’utilisaient nos mères et qui par je ne sais quelle sorcellerie, dont seules les femmes auront jamais le secret, faisait paraître le linge plus blanc. Je vois encore la boite : cubique, ça s’appelait le lion bleu je crois. En tout cas, il y avait un lion sur la boite, couché, majestueux.
Ou bien les capsules de teinture. Quand un vêtement avait cessé de plaire, ou que ses couleurs étaient passées. Souvenir bien plus récent sans doute, car elles étaient faites d’aluminium. Un peu à l’image des rations de lait que les restaurateurs servent avec le café. Je me souviens d’une dose d’orange - éclatant comme celui des clavaires ou de certains lys – mais nullement de ce qu’on en avait fait.
Et aussi l’imperméabilisant, à une époque de tissus bien moins perfectionnés qu’aujourd’hui. De temps en temps, il fallait traiter l’une ou l’autre veste, certains équipements de camping aussi. Et ne croyez pas qu’il s’appliquait à la bombe. C’était une poudre, à diluer dans l’eau. Et pour imperméabiliser, il fallait donc tremper. Là aussi, l’emballage nous était connu : une boite de carton portant le dessin d’un canard, le parapluie sous le bras. Je n’ai jamais cru utile d’en retenir le nom… l’illustration suffisait à le reconnaître et aucun droguiste ne se serait risqué à nous en fournir un autre.
Les visites chez le droguiste étaient toujours mémorables.
Pour les produits courants, il suffisait de traverser la rue, vers l’épicerie du quartier : du savon à lessive, du savon vert, des teintures pour les œufs de Pâques. L’indispensable et le commun s’y trouvaient.
Mais sortait-on de ces produits habituels, la visite chez le droguiste était indispensable.
Une bouteille de white spirit ? Chez le droguiste. De la térébenthine ou un quelconque produit pour décaper les meubles ? Chez le droguiste aussi, rien d’étonnant.
Et puis, il y avait tout le reste. Qui faisait de la droguerie une sorte d’échoppe d’alchimiste.
Par exemple le bleu pour blanchir le linge ! Un produit qu’utilisaient nos mères et qui par je ne sais quelle sorcellerie, dont seules les femmes auront jamais le secret, faisait paraître le linge plus blanc. Je vois encore la boite : cubique, ça s’appelait le lion bleu je crois. En tout cas, il y avait un lion sur la boite, couché, majestueux.
Ou bien les capsules de teinture. Quand un vêtement avait cessé de plaire, ou que ses couleurs étaient passées. Souvenir bien plus récent sans doute, car elles étaient faites d’aluminium. Un peu à l’image des rations de lait que les restaurateurs servent avec le café. Je me souviens d’une dose d’orange - éclatant comme celui des clavaires ou de certains lys – mais nullement de ce qu’on en avait fait.
Et aussi l’imperméabilisant, à une époque de tissus bien moins perfectionnés qu’aujourd’hui. De temps en temps, il fallait traiter l’une ou l’autre veste, certains équipements de camping aussi. Et ne croyez pas qu’il s’appliquait à la bombe. C’était une poudre, à diluer dans l’eau. Et pour imperméabiliser, il fallait donc tremper. Là aussi, l’emballage nous était connu : une boite de carton portant le dessin d’un canard, le parapluie sous le bras. Je n’ai jamais cru utile d’en retenir le nom… l’illustration suffisait à le reconnaître et aucun droguiste ne se serait risqué à nous en fournir un autre.
Libellés :
D
vendredi 26 septembre 2008
Cloches
Quand nous faisions nos plus horribles et spectaculaires grimaces, ou que nous nous égarions à en faire de très anodines face à l’un ou l’autre mauvais caractère, il se trouvait toujours quelqu’un pour prétendre que : si les cloches de l’église sonnent, tu resteras comme ça toute ta vie !
Cela n’aurait été que risible si certains n’y avaient cru ! Car pour certains parents, la bonne conduite de leurs enfants passait par l’enseignement de superstitions stupides. Incapables qu’ils étaient d’imaginer d’abord que certains jeux d’enfants – bien que pas très intelligents – n’en étaient pas moins tout à fait anodins et ne choquaient qu’eux-mêmes. Obtus aussi au point de ne pas prévoir qu’un jour leurs rejetons réaliseraient peut-être que la tromperie avait été établie comme système d’éducation.
Mais sans doute n’avaient-ils d’autre ambition – avec la complicité d’une certaine frange de l’Eglise - que de produire des enfants aussi crétins qu’eux-mêmes ! Le pire étant que certains y ont sans doute réussi.
Cela n’aurait été que risible si certains n’y avaient cru ! Car pour certains parents, la bonne conduite de leurs enfants passait par l’enseignement de superstitions stupides. Incapables qu’ils étaient d’imaginer d’abord que certains jeux d’enfants – bien que pas très intelligents – n’en étaient pas moins tout à fait anodins et ne choquaient qu’eux-mêmes. Obtus aussi au point de ne pas prévoir qu’un jour leurs rejetons réaliseraient peut-être que la tromperie avait été établie comme système d’éducation.
Mais sans doute n’avaient-ils d’autre ambition – avec la complicité d’une certaine frange de l’Eglise - que de produire des enfants aussi crétins qu’eux-mêmes ! Le pire étant que certains y ont sans doute réussi.
Libellés :
C
jeudi 25 septembre 2008
Bouillon
Autant boisson que nourriture, le bouillon était le bienvenu en hiver.
Boit on encore du bouillon ? Qui demande encore un OXO ou un Viandox au sortir de la piscine ou au coin du marché ? Et qui se contenterait à quatre heure d’un cube Maggi dans une tasse d’eau chaude, seulement accompagnée d’une biscotte ? Mais n’est-ce pas la soupe elle-même, et le sens même du souper avec elle, qui ont perdu nos faveurs ?
Ne laissons évidemment pas croire que le bouillon serait un sommet de gastronomie dont nous aurions tort de nous priver. C’est tout juste l’occasion de quelques plaisirs qui me manquent parfois.
Par exemple. Celui de décider de boire tout le liquide d’abord, pour manger à la fin, pommes de terres, légumes, voire le morceau de viande que contenait le bouillon. Ou bien l’inverse… patiemment pêcher un an un tous les éléments solides pour ensuite – bruyamment si possible – vider son bol de bouillon encore chaud comme on le ferait d’une boisson quelconque. Sans oublier la variante du bouillon clair... que l'on épuise biscotte par biscotte. Ne laissant à lapper finalement qu'un ridicule fond parsemé d'écailles brunes.
Et puis aussi, aller à la découverte de trésors que seul le bouillon a jamais contenus : des vermicelles – assez banal -, de minuscules lettres en pâte – comme s’il s’agissait d’un liquide magique dans lequel aurait trempé un journal ou un dictionnaire, quelle histoire veut-il donc nous raconter, ou une formule magique, comme le font les marabouts africains -, et, miracle entre tous, y trouver des billes de tapioca – comme de minuscules œufs de grenouilles, quoiqu’en bien plus appétissant ! -.
Confort enfin, quand le corps n’en peut plus de froid et d’humidité, de se réconforter avec autre chose que du caféiné ou du sucré. La légère amertume du bouillon brisée par la biscotte que l’on y trempe. Le salé et le chaud qui s’écoulent dans notre gorge et nous ramènent à la vie. On n’en a pas moins faim après, mais au moins se sent-on prêt à passer à la suite. Même s’il s’agit de retourner vers le froid d’une marche hivernale, de jeux dans la neige ou d’un bucheronnage pluvieux !
Boit on encore du bouillon ? Qui demande encore un OXO ou un Viandox au sortir de la piscine ou au coin du marché ? Et qui se contenterait à quatre heure d’un cube Maggi dans une tasse d’eau chaude, seulement accompagnée d’une biscotte ? Mais n’est-ce pas la soupe elle-même, et le sens même du souper avec elle, qui ont perdu nos faveurs ?
Ne laissons évidemment pas croire que le bouillon serait un sommet de gastronomie dont nous aurions tort de nous priver. C’est tout juste l’occasion de quelques plaisirs qui me manquent parfois.
Par exemple. Celui de décider de boire tout le liquide d’abord, pour manger à la fin, pommes de terres, légumes, voire le morceau de viande que contenait le bouillon. Ou bien l’inverse… patiemment pêcher un an un tous les éléments solides pour ensuite – bruyamment si possible – vider son bol de bouillon encore chaud comme on le ferait d’une boisson quelconque. Sans oublier la variante du bouillon clair... que l'on épuise biscotte par biscotte. Ne laissant à lapper finalement qu'un ridicule fond parsemé d'écailles brunes.
Et puis aussi, aller à la découverte de trésors que seul le bouillon a jamais contenus : des vermicelles – assez banal -, de minuscules lettres en pâte – comme s’il s’agissait d’un liquide magique dans lequel aurait trempé un journal ou un dictionnaire, quelle histoire veut-il donc nous raconter, ou une formule magique, comme le font les marabouts africains -, et, miracle entre tous, y trouver des billes de tapioca – comme de minuscules œufs de grenouilles, quoiqu’en bien plus appétissant ! -.
Confort enfin, quand le corps n’en peut plus de froid et d’humidité, de se réconforter avec autre chose que du caféiné ou du sucré. La légère amertume du bouillon brisée par la biscotte que l’on y trempe. Le salé et le chaud qui s’écoulent dans notre gorge et nous ramènent à la vie. On n’en a pas moins faim après, mais au moins se sent-on prêt à passer à la suite. Même s’il s’agit de retourner vers le froid d’une marche hivernale, de jeux dans la neige ou d’un bucheronnage pluvieux !
Libellés :
B
mercredi 24 septembre 2008
Acier froid
Le quai de la gare de Verviers sentait l’huile et l’acier froids. L’acier froid surtout !
Si certaines gares disent le passage, d’autres ont vocation de terminus. Celle de Verviers était de ces dernières. Et bien qu’un tunnel la traversait de part en part – qui devait bien mener quelque part, vers un plus loin et un autre ailleurs – on avait l’impression que le monde s’y arrêtait, tant il y faisait sombre, et qu’il semblait impossible d’imaginer plus sombre encore !
Le hall proclamait un glorieux passé qui ne vivait plus que dans l’esprit embrumé des plus vieux de ses habitants. Glorieuse architecture vantant les mérites des artisans lainiers de jadis. Mais la ville était morte. Les usines fermées. Les artisans depuis longtemps partis, retraités ou morts. Seul le buffet dégageait encore un peu de chaleur et invitait à rester un instant encore. Juste le temps de sauter dans le prochain train… ou de s’en aller avec le prochain bus.
Et puis sur le quai cette odeur typique, de roues raclant les rails, de freins arrêtant les trains, de caténaires perclus d’humidité, d’ombre et d’âge. L’on respirait à courtes inspirations des morceaux entiers de locomotives, des mètres de rails. Et ce n’était pas vraiment désagréable. Un peu comme ces tabacs de pipe, parfumés au miel ou aux épices, dont on traverse la fumée en se retenant : d’inspirer trop fort, au risque de capturer avec le miel, toute l’amertume… et d’expirer trop vite, pour garder un instant encore les notes magiques. Ou comme ces parfums qui surgissent au passage d’une dame… et qu’il ne sert à rien de tenter de respirer encore: juste d’en garder, un instant encore, le peu qu’on a pu en capturer.
Si certaines gares disent le passage, d’autres ont vocation de terminus. Celle de Verviers était de ces dernières. Et bien qu’un tunnel la traversait de part en part – qui devait bien mener quelque part, vers un plus loin et un autre ailleurs – on avait l’impression que le monde s’y arrêtait, tant il y faisait sombre, et qu’il semblait impossible d’imaginer plus sombre encore !
Le hall proclamait un glorieux passé qui ne vivait plus que dans l’esprit embrumé des plus vieux de ses habitants. Glorieuse architecture vantant les mérites des artisans lainiers de jadis. Mais la ville était morte. Les usines fermées. Les artisans depuis longtemps partis, retraités ou morts. Seul le buffet dégageait encore un peu de chaleur et invitait à rester un instant encore. Juste le temps de sauter dans le prochain train… ou de s’en aller avec le prochain bus.
Et puis sur le quai cette odeur typique, de roues raclant les rails, de freins arrêtant les trains, de caténaires perclus d’humidité, d’ombre et d’âge. L’on respirait à courtes inspirations des morceaux entiers de locomotives, des mètres de rails. Et ce n’était pas vraiment désagréable. Un peu comme ces tabacs de pipe, parfumés au miel ou aux épices, dont on traverse la fumée en se retenant : d’inspirer trop fort, au risque de capturer avec le miel, toute l’amertume… et d’expirer trop vite, pour garder un instant encore les notes magiques. Ou comme ces parfums qui surgissent au passage d’une dame… et qu’il ne sert à rien de tenter de respirer encore: juste d’en garder, un instant encore, le peu qu’on a pu en capturer.
mardi 23 septembre 2008
Visiter les morts
La mort nous était somme toute familière : quand quelqu’un décédait, il était de coutume de lui rendre une dernière visite, et de le revoir une dernière fois avant qu’il ne disparaisse.
Mourir n’était pas moins triste, ni moins dur qu’aujourd’hui. Mais nous ne craignions pas alors que la vue d’un mort nous ferait le moindre mal !
S’il arrivait que le défunt soit exposé dans sa chambre à coucher, c’était souvent la première – et la dernière – occasion d’entrer aussi loin dans son intimité. Et même dans le salon, les quelques personnes qui l’entouraient avaient l’air de composer une famille : de plus jeunes et de plus vieux, des hommes et des femmes, liés intimement – au point de pouvoir cohabiter avec son cadavre – à celui qui n’était déjà plus là.
C’était pour nous, les gosses, l’occasion de détailler enfin un visage qui n’était déjà plus familier ! D’y voir alors certains éléments dont nous doutions parfois qu’ils aient été présents du vivant de leur porteur. D’oser regarder enfin sans crainte quelqu’un qui nous faisait peur de son vivant.
Dans la pénombre, seulement éclairée par quelques bougies – qui parfumaient doucement l’atmosphère de leur blanche odeur de cire – et par l’une ou l’autre lampe masquée de voiles, il nous venait des bâillements, et une envie irrésistible de nous asseoir. Ces veillées duraient toujours trop longtemps à notre goût. Nous aurait-on proposé de nous coucher dans un coin ou de nous assoupir dans un fauteuil, nous n’aurions pas résisté bien fort !
Même plus âgé, j’ai goûté à sa juste valeur de ce dernier instant passé avec des êtres plus ou moins chers. Et si j’ai appris à les redouter aussi, je ne peux que regretter que la coutume s’en soit perdue. Après un tel ultime face à face, je me suis toujours trouvé apaisé. Comme s’il était plus facile de consciemment laisser partir quelqu’un dont on voit le visage… que d’abandonner à de sombres projets de pourrissement ou d’incinération une caisse fermée dont on ne connaît pas le contenu avec certitude !
Mourir n’était pas moins triste, ni moins dur qu’aujourd’hui. Mais nous ne craignions pas alors que la vue d’un mort nous ferait le moindre mal !
S’il arrivait que le défunt soit exposé dans sa chambre à coucher, c’était souvent la première – et la dernière – occasion d’entrer aussi loin dans son intimité. Et même dans le salon, les quelques personnes qui l’entouraient avaient l’air de composer une famille : de plus jeunes et de plus vieux, des hommes et des femmes, liés intimement – au point de pouvoir cohabiter avec son cadavre – à celui qui n’était déjà plus là.
C’était pour nous, les gosses, l’occasion de détailler enfin un visage qui n’était déjà plus familier ! D’y voir alors certains éléments dont nous doutions parfois qu’ils aient été présents du vivant de leur porteur. D’oser regarder enfin sans crainte quelqu’un qui nous faisait peur de son vivant.
Dans la pénombre, seulement éclairée par quelques bougies – qui parfumaient doucement l’atmosphère de leur blanche odeur de cire – et par l’une ou l’autre lampe masquée de voiles, il nous venait des bâillements, et une envie irrésistible de nous asseoir. Ces veillées duraient toujours trop longtemps à notre goût. Nous aurait-on proposé de nous coucher dans un coin ou de nous assoupir dans un fauteuil, nous n’aurions pas résisté bien fort !
Même plus âgé, j’ai goûté à sa juste valeur de ce dernier instant passé avec des êtres plus ou moins chers. Et si j’ai appris à les redouter aussi, je ne peux que regretter que la coutume s’en soit perdue. Après un tel ultime face à face, je me suis toujours trouvé apaisé. Comme s’il était plus facile de consciemment laisser partir quelqu’un dont on voit le visage… que d’abandonner à de sombres projets de pourrissement ou d’incinération une caisse fermée dont on ne connaît pas le contenu avec certitude !
Inscription à :
Articles (Atom)