dimanche 5 octobre 2008

Matoufet

Le matoufet : je l’ai longtemps préféré sucré, avant de reconnaître qu’il était incomparable avec du lard.

Le matoufet ? Aussi appelé « mate faim » dans certaines régions de France, même si les Wallons prétendront en avoir l’exclusivité. Entre la crêpe et l’omelette. Œufs, farine, lait. Ca c’est pour la base. Sur laquelle tout le monde s’entendra.
Quant aux proportions, il y a autant d’écoles que de cuisiniers. Mais tout le monde le prétend : « ma mère – mon père dans certaines versions – faisait le meilleur matoufet de ce côté-ci de la galaxie ! »
Question de finition enfin : certains l’aimaient sucré, évoquant furieusement la crèpe ; et d’autres le préféraient au lard, beaucoup plus proche dans ce cas de l’omelette.
Et très étrangement, cette cuisine particulièrement simple et économique prenait des airs de fête : peut-être parce qu’elle survenait ces soirs d’hiver où nous nous étions tellement dépensés dans nos jeux à l'extérieur.

samedi 4 octobre 2008

Livres d'ecole

Prenez votre livre de lecture à la page 154.

L’enseignement ne se concevait pas sans les livres d’école. Et le petit frère apprenait le français dans le même livre de français que son ainé, les mathématiques dans le même livre de mathématique que sa grande sœur, et l’on retrouvait parfois avec plaisir dans l’étude d’un cadet quelques échos de moments déjà bien lointains.
S’il ne fallait en retenir que trois, mon tiercé gagnant dans cette lecture imposée n’est pas bien difficile à établir.

D’abord mon premier livre de lecture, et sa première phrase : « Maintenant je vais à l’école. Je sais lire et écrire. J’ai de beaux livres d’école, et de beaux cahiers. » Ces quelques phrases, lues en septembre 1964, je ne peux pas les oublier.

Ensuite l’un ou l’autre vieux livre d’histoire, à la couverture toilée, et aux gravures d’un autre âge, qui trainait encore dans certaines classes de primaires. Clovis y fracassait le vase de Soisson avec sa francisque : nous attendions qu’un deuxième coup fracasse le crane du guerrier pris en faute. Gabrielle Petit faisait courageusement face au peloton d’exécution qui allait la mettre à mort. Les Ménapiens – vous ai-je dit que pour certains de nos professeurs, c’était le surnom qu’ils donnaient aux Flamands ? – pêchaient paisiblement sans quitter leur habitation sur pilotis. Le roi Albert, accompagné de la reine Elisabeth, visitait le front de l’Yser.
Ils sentaient la poussière. Ils avaient un peu trop vécu dans les mains de trop d’élèves. Mais ils ne nous en étaient que plus chers.

Enfin, en secondaire, de très brillants manuels de français, qui nous ouvraient au plaisir de la littérature. Combien d’heures d’étude n’avons-nous pas passées à faire des lectures qui ne seraient jamais au programme. Juste pour le plaisir de la découverte. Et à cause de la magie de la langue.
Ainsi, je n’oublierai jamais le jour où j’y ai découvert ce texte, retrouvé depuis sur Internet.

Fourbissez votre ferraille
Aiguisez vos grands couteaux
Fourbissez votre ferraille
Quotinaille, quetinailles,
Quoquardaille, friandeaux,
Garsonaille, ribaudaille,
Laronnaille, brigandaille,
Crapaudaille, leisardeaux,
Cavestrailie, goulardeaux,
Viilenaille, bonhommaille,
Fallourdaille, paillardeaux,
Truandaille et Lopinaille
Aiguisez vos grands couteaux.

Fatras de Jean Molinet (1435-1507)

vendredi 3 octobre 2008

Jaquette

Mets ta jaquette, tu vas avoir froid !

Une jaquette, c’était un gilet. Et un gilet, c’était en laine. Encore un de ces mots que j’ai laissés au bord de la frontière en quittant la maison familiale. Jaquette : personne ne dit ça ici. Ou je ne l’ai plus entendu. Gilet ? Par ici, les gens ne penseront-ils pas tout de suite au costume trois pièces ? Et d’ailleurs, en ces temps de sweater, jogging, leggings, polar, porte-t-on encore de ces gilets de laine ? Les mots disparaissent en même temps que les réalités qu’ils représentent.

jeudi 2 octobre 2008

Coupe-frites

Les frites d’alors étaient faites avec des pommes de terre… qu’il fallait éplucher… et qu’il fallait couper… avec un coupe-frites dans le meilleur des cas !

Chacun faisait alors – en Belgique au moins – ses frites à la manière des professionnels.
Eplucher ses pommes de terre d’abord. Les familles nombreuses avaient parfois une machine à éplucher. Une sorte d’essoreuse dont le tambour était couvert d’aspérités. Bien pratique pour les grandes quantités. Et un bon entrainement pour celui qui, comme moi, un jour se retrouvait à l’épluchage des patates dans un hôtel restaurant.
Les couper ensuite. Au couteau, si l’on voulait. Cela faisait des frites bien irrégulières. Artisanales dirait-on aujourd’hui pour les vendre plus cher. Ou au coupe-frites. On abaissait une manette, qui poussait la patate – épluchée au préalable – à travers une grille plus ou moins fine.
Les frire enfin, en deux fois, ce qui faisait toute la différence entre la Belgique et le reste du monde. Une première fois pour les cuire… la deuxième pour leur donner leur croquant final. Les Belges d’aujourd’hui mangent les mêmes frites surgelées que les Français, mais ils prétendront longtemps encore que les leurs sont incomparables : à cause de la double cuisson évidemment !

mercredi 1 octobre 2008

H

Aveugles ou miraculeusement préservés ? Dans notre monde on ne rencontrait ni H, ni héroïne – sauf celles des aventures que nous imaginions -. A peine un peu de racket, et pas plus d’alcoolisme. Et le monde d’aujourd’hui nous parait particulièrement violent et pervers.

Et, puisqu’il m’est définitivement impossible de faire le voyage dans l’autre sens, le doute restera.

mardi 30 septembre 2008

Gants

Nous parlions de gants, mais nous n’avions pour la plupart que des moufles de laine.

Les gants, c’était utile pour le ski. Pour le traineau, les moufles nous convenaient mieux.
Notre mère nous les tricotait. Comme nos pulls et bonnets, avec des laines de différentes couleurs mêlées. Aucun risque de les confondre avec ceux des autres, désespérément de couleur unie. D’ailleurs… le froid piquant nous aurait rappelé à l’ordre avant que nous nous en soyons éloigné de quelques pas.
Lorsqu’il faisait bien froid, il suffisait de frapper les mains l’une contre l’autre pour en secouer la neige… Mais lorsque le dégel était proche, il s’accumulait dessus des paquets d’une glace trempée qui nous annonçait déjà la fin de nos jeux.
Rentrés à la maison, nos gants étaient mis à sécher sur le convecteur à gaz. Il s’en dégageait une odeur chaude. Comme un soupçon de sueur enfantine. Une odeur de sortie de bain chaud dans une maison froide. Et quand la laine provenait des moutons de mon oncle, la senteur insistante du suint. Pas du tout désagréable non plus. Evocatrice de la sensation de chaleur que nous offraient nos moufles alors que l’air du dehors, la neige et la glace, étaient si froids !

lundi 29 septembre 2008

Fusibles

Par temps d’orage, il n’était pas rare, dans les veilles maisons, que les plombs sautent. Il suffisait alors de les ponter. Et la lumière revenait.

Inconcevable aujourd’hui : ponter un fusible ! Sécurité, sécurité et encore sécurité ! Tout doit être garanti, sans danger. Et tout ce qui n'est pas garanti ni sécurisé est illégal !
Il faut dire que les tableaux électriques d’alors étaient de beaux foutoirs. Et les câblages des maisons des sources d’étincelles.
Alors, les fusibles n’étaient qu’un détail et faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire : fondre ! Il suffisait alors de passer une boucle de fil de cuivre entre les broches ; de remettre le fusible en place, et le tour était joué. Rien de bien grave, et la plupart des maisons belges n’en brulaient pas.
Sauf…
Sauf quand l’électricien improvisé avait la main lourde. Et après avoir ponté dix fois de suite, garantissait son ouvrage de deux, trois ou quatre boucles de cuivre au lieu d’une. Et le fusible chauffait… mais ne fondait pas…