lundi 14 juillet 2008

Garde barrière

Je suis arrivé trop tard. La barrière était encore là. La maison du garde barrière aussi. Mais lui avait été remplacé par un système automatique.

Là où la route rencontrait la voie ferrée, il avait la croix de Saint André. Ses feux rouges qui clignotaient pour annoncer la fermeture de la barrière. Rouge et blanc. La sonnerie du signal aussi.
La voiture s’arrêtait dans la campagne. Le regard se tournait alors, au bord de la route, vers la clôture blanche, la maison, blanche aussi. Petite, comme une sorte de maison de poupée. Les bacs de fleur aux fenêtres. Le pignon surplombant les rails.
J’aurais voulu en voir sortir la garde-barrière. Par tous les temps, à heure fixe, descendre à grands tours de manivelle, la barrière. Puis, le train passé, la remonter. La saluer de la main. Je l’ai peut être fait !

dimanche 13 juillet 2008

Foins

Les foins : on était plus nombreux à les faire plutôt que d’en avoir le rhume !

Le petit fermier d’en face d’abord. Que je vois encore sur son petit tracteur. Ou son fils. A la barre faucheuse longtemps. Plus tard à la faucheuse à disque. Tondre leurs minuscules prairies et y ériger quelques meules quand le foin y serait à peu près sec.
Plus tard, alors que nous habitions sur les hauteurs de la ville, ces visites impromptues du fermier voisin. A la recherche de bras lorsque la pluie menaçait. Il faut dire qu’il ne suffisait pas à l’époque d’un tracteur ou deux de plus, pour charger d’immenses balles ou des rouleaux – quand on ne les laisse pas simplement sur la prairie, enrobés de plastique – à la force hydraulique. C’est bien d’huile de bras qu’il fallait alors. Pour parcourir la prairie d’un pas rapide. Planter sa fourche dans un ballot. Le lever pour le passer à ceux qui chargeaient le char à foin. Lever de plus en plus haut. A bout de bras enfin, le souffle court, les jambes tremblantes, des ballots des plus en plus lourds.
Mais la fin du travail arrivait toujours. Alors que la poussière du foin était comme du papier de verre sur nos fronts et nos bras. Nos mouchoirs – de tissus évidemment – s’emplissaient d’une morve presque aussi noire que celle d’un mineur. Le repas du soir se prenait à la ferme. D’énormes tranches de pain couvertes de charcuteries et de fromages. De grandes goulées de sirop de sureau et de bière. D’eau aussi. Pour tenter de rendre à notre corps tous ces litres qu’il avait sués sous le soleil brulant. Dans la touffeur d’avant l’orage. Qui viendrait ou qui ne viendrait pas ! Mais peu importe, puisque les foins étaient rentrés.

samedi 12 juillet 2008

Expo 67

Evidemment, l’expo 58 a été importante. Mais je ne me souviens que ce celle de 67, à Montréal !

Les deux ont marqué ma vie. La première par ma naissance. La seconde, par l’arrivée de la télévision.
Je me souviens seulement vaguement des images de l’époque. De ces batiments futuristes. De ces travellings interminables dans un monde plus étrange encore que les rares films de science fiction de l’époque.
Mais franchement, ce n’était pas notre premier souci !
Nous regardions plutôt la télévision elle-même. Ce mastodonte de bois et de verre. Sur une table à roulettes hyper moderne, aux pattes d’insecte. Tellement haute et tellement moderne qu’au bout d’une semaine – mais peut-être sont-ce six mois – la table, et la télévision avec elle, s’est cassé la figure.
En fait, j’ai longtemps cru qu’on avait acheté la télévision pour l’expo 67 !

vendredi 11 juillet 2008

Dos

Le curé tournait le dos au public. Distant. Presque méprisant pour l’assemblée. Le rite le voulait !

A la messe, il y avait d’abord le latin. Ne me demandez pas comment – moi qui n’arrive pas à retenir un numéro de téléphone -, mais j’ai encore dans la tête des phrases complètes que j’ai entendues alors… Du temps de la messe en latin. Il y a donc très, très longtemps. Sans doute avec bien des fautes. Celles que fait un gamin qui entend quelque chose à laquelle il ne comprend rien. Mais des relents phrases entières, avec l’intonation qui les accompagne. J’aimais en particulier la musicalité du « est tibi Deo Patri omnipotenti, in unitate Spiritus Sancti, omnis honor et gloria… »
La soutane ? Ce n’était pas différent. Pour les acolytes et autres adjoints sans doute. On les voit le plus souvent en civil maintenant, ce qui n’était pas le cas.
Le sexe des assistants ? Evidemment, à l’époque, les femmes étaient juste bonnes à prier et à nettoyer. Quant à servir la communion ou assister le prêtre dans la cérémonie, il n’en était pas question. Il a fallu sans doute que les églises se vident pour qu’on les en juge enfin dignes !
Il y avait la barrière aussi… On s’agenouillait devant, pour recevoir la communion. Elle marquait aussi clairement la distance qu’il y avait entre le prêtre – et ses acolytes – et le peuple. Les uns dans un monde sacré, les autres dans le monde terrestre.
Mais franchement, comme si la barrière ne suffisait pas, fallait-il vraiment que l’autel se trouve encore bien loin, tout au fond du cœur. Et que, non content de ne pas participer à la communauté, le prêtre lui tourne aussi le dos. Rétrospectivement, il me fait l’effet d’un officiant Aztèque, sur sa pyramide sanglante, et l’or du calice celui d’un couteau sacrificiel.

jeudi 10 juillet 2008

Caniche

Un caniche, c’est un chien qui serait coiffé comme une femme !

Un certain type de femme évidemment. Et d’une certaine époque.
Le milieu du corps rasé… les pattes aussi, mais pas les pieds. Des tas de poils autour de la tête… et comme des bottes de fourrure.
On regardait toujours la propriétaire ensuite – jamais un propriétaire, ou alors c’était juste monsieur qui sortait le chien de madame -. Une vieille souvent. Pas bien comique. Mais quand c’était une plus jeune, ça ne ratait jamais : la propriétaire ressemblait à son chien. Une boule de cheveux bouclés, de grandes lunettes, et les vêtements qui vont avec.
Bizarre. On ne rase plus les caniches !

mercredi 9 juillet 2008

Belgavox

Les actualités Belgavox, c’était notre Radio Londres à nous !

Difficile à faire comprendre à l’amateur de cinéma d’aujourd’hui qu’on allait voir le cinéma dans une salle. Toujours ! Pas de vidéo, pas de DVD. La télévision, c’était surtout pour les vieux films. Les westerns par exemple.
Un peu plus difficile encore de faire comprendre qu’on avait plusieurs films. Et pas de publicité ! Un court métrage. Ou bien les actualités Belgavox. Une sorte de journal filmé. Avec un commentaire lénifiant. Rien que d’y penser, j’ai l’impression de venir d’une autre planète ! Je me pincerais presque pour être certain de ne pas avoir rêvé ce souvenir !

mardi 8 juillet 2008

Aniline

Ignorant le danger, avec un peu de salive, le facteur humectait son crayon à l’aniline.

Indélébile, c’était l’instrument du facteur. Pour les documents importants. Les recommandés. Les colis… Toxique surtout. Le facteur savait qu’il ne fallait pas le mettre en bouche. Mais le faisait quand même. Finalement, on l’a interdit.
Moins spectaculaires quand même que la cire à cacheter. Elle aussi a disparu. Même pour les paquets de bulletins de vote, après le dépouillement des élections, on ne l’utilise plus depuis récemment.