vendredi 3 octobre 2008

Jaquette

Mets ta jaquette, tu vas avoir froid !

Une jaquette, c’était un gilet. Et un gilet, c’était en laine. Encore un de ces mots que j’ai laissés au bord de la frontière en quittant la maison familiale. Jaquette : personne ne dit ça ici. Ou je ne l’ai plus entendu. Gilet ? Par ici, les gens ne penseront-ils pas tout de suite au costume trois pièces ? Et d’ailleurs, en ces temps de sweater, jogging, leggings, polar, porte-t-on encore de ces gilets de laine ? Les mots disparaissent en même temps que les réalités qu’ils représentent.

jeudi 2 octobre 2008

Coupe-frites

Les frites d’alors étaient faites avec des pommes de terre… qu’il fallait éplucher… et qu’il fallait couper… avec un coupe-frites dans le meilleur des cas !

Chacun faisait alors – en Belgique au moins – ses frites à la manière des professionnels.
Eplucher ses pommes de terre d’abord. Les familles nombreuses avaient parfois une machine à éplucher. Une sorte d’essoreuse dont le tambour était couvert d’aspérités. Bien pratique pour les grandes quantités. Et un bon entrainement pour celui qui, comme moi, un jour se retrouvait à l’épluchage des patates dans un hôtel restaurant.
Les couper ensuite. Au couteau, si l’on voulait. Cela faisait des frites bien irrégulières. Artisanales dirait-on aujourd’hui pour les vendre plus cher. Ou au coupe-frites. On abaissait une manette, qui poussait la patate – épluchée au préalable – à travers une grille plus ou moins fine.
Les frire enfin, en deux fois, ce qui faisait toute la différence entre la Belgique et le reste du monde. Une première fois pour les cuire… la deuxième pour leur donner leur croquant final. Les Belges d’aujourd’hui mangent les mêmes frites surgelées que les Français, mais ils prétendront longtemps encore que les leurs sont incomparables : à cause de la double cuisson évidemment !

mercredi 1 octobre 2008

H

Aveugles ou miraculeusement préservés ? Dans notre monde on ne rencontrait ni H, ni héroïne – sauf celles des aventures que nous imaginions -. A peine un peu de racket, et pas plus d’alcoolisme. Et le monde d’aujourd’hui nous parait particulièrement violent et pervers.

Et, puisqu’il m’est définitivement impossible de faire le voyage dans l’autre sens, le doute restera.

mardi 30 septembre 2008

Gants

Nous parlions de gants, mais nous n’avions pour la plupart que des moufles de laine.

Les gants, c’était utile pour le ski. Pour le traineau, les moufles nous convenaient mieux.
Notre mère nous les tricotait. Comme nos pulls et bonnets, avec des laines de différentes couleurs mêlées. Aucun risque de les confondre avec ceux des autres, désespérément de couleur unie. D’ailleurs… le froid piquant nous aurait rappelé à l’ordre avant que nous nous en soyons éloigné de quelques pas.
Lorsqu’il faisait bien froid, il suffisait de frapper les mains l’une contre l’autre pour en secouer la neige… Mais lorsque le dégel était proche, il s’accumulait dessus des paquets d’une glace trempée qui nous annonçait déjà la fin de nos jeux.
Rentrés à la maison, nos gants étaient mis à sécher sur le convecteur à gaz. Il s’en dégageait une odeur chaude. Comme un soupçon de sueur enfantine. Une odeur de sortie de bain chaud dans une maison froide. Et quand la laine provenait des moutons de mon oncle, la senteur insistante du suint. Pas du tout désagréable non plus. Evocatrice de la sensation de chaleur que nous offraient nos moufles alors que l’air du dehors, la neige et la glace, étaient si froids !

lundi 29 septembre 2008

Fusibles

Par temps d’orage, il n’était pas rare, dans les veilles maisons, que les plombs sautent. Il suffisait alors de les ponter. Et la lumière revenait.

Inconcevable aujourd’hui : ponter un fusible ! Sécurité, sécurité et encore sécurité ! Tout doit être garanti, sans danger. Et tout ce qui n'est pas garanti ni sécurisé est illégal !
Il faut dire que les tableaux électriques d’alors étaient de beaux foutoirs. Et les câblages des maisons des sources d’étincelles.
Alors, les fusibles n’étaient qu’un détail et faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire : fondre ! Il suffisait alors de passer une boucle de fil de cuivre entre les broches ; de remettre le fusible en place, et le tour était joué. Rien de bien grave, et la plupart des maisons belges n’en brulaient pas.
Sauf…
Sauf quand l’électricien improvisé avait la main lourde. Et après avoir ponté dix fois de suite, garantissait son ouvrage de deux, trois ou quatre boucles de cuivre au lieu d’une. Et le fusible chauffait… mais ne fondait pas…

dimanche 28 septembre 2008

Estenne

Regardez moi cet estenné !

Estenné (étonné, innocent ou qui joue l’innocent), èwaré (égaré, fou, inconscient), tiestu (têtu), macté (contrariant, rétif), marticot (singe)… Alors que nous ne parlions que le français à la maison, c’est en wallon que nos bêtises trouvaient souvent leur écho dans la bouche de ma mère ! L’énervement lui rendait sa langue maternelle.
Mais, étrange, aucun de ces qualificatifs – bien que moqueurs - ne nous semblait agressif. Comme si le wallon ne pratiquait pas l’injure : seulement un diagnostic raffiné de toutes nos faiblesses d’humains !

samedi 27 septembre 2008

Droguiste

Avec le quincailler, le droguiste fait partie des espèces en voie de disparition !

Les visites chez le droguiste étaient toujours mémorables.
Pour les produits courants, il suffisait de traverser la rue, vers l’épicerie du quartier : du savon à lessive, du savon vert, des teintures pour les œufs de Pâques. L’indispensable et le commun s’y trouvaient.
Mais sortait-on de ces produits habituels, la visite chez le droguiste était indispensable.
Une bouteille de white spirit ? Chez le droguiste. De la térébenthine ou un quelconque produit pour décaper les meubles ? Chez le droguiste aussi, rien d’étonnant.
Et puis, il y avait tout le reste. Qui faisait de la droguerie une sorte d’échoppe d’alchimiste.
Par exemple le bleu pour blanchir le linge ! Un produit qu’utilisaient nos mères et qui par je ne sais quelle sorcellerie, dont seules les femmes auront jamais le secret, faisait paraître le linge plus blanc. Je vois encore la boite : cubique, ça s’appelait le lion bleu je crois. En tout cas, il y avait un lion sur la boite, couché, majestueux.
Ou bien les capsules de teinture. Quand un vêtement avait cessé de plaire, ou que ses couleurs étaient passées. Souvenir bien plus récent sans doute, car elles étaient faites d’aluminium. Un peu à l’image des rations de lait que les restaurateurs servent avec le café. Je me souviens d’une dose d’orange - éclatant comme celui des clavaires ou de certains lys – mais nullement de ce qu’on en avait fait.
Et aussi l’imperméabilisant, à une époque de tissus bien moins perfectionnés qu’aujourd’hui. De temps en temps, il fallait traiter l’une ou l’autre veste, certains équipements de camping aussi. Et ne croyez pas qu’il s’appliquait à la bombe. C’était une poudre, à diluer dans l’eau. Et pour imperméabiliser, il fallait donc tremper. Là aussi, l’emballage nous était connu : une boite de carton portant le dessin d’un canard, le parapluie sous le bras. Je n’ai jamais cru utile d’en retenir le nom… l’illustration suffisait à le reconnaître et aucun droguiste ne se serait risqué à nous en fournir un autre.