« Liberté, liberté, tes zéros sont arrivés » - Les poppys.
Les enfants n’entendent peut-être pas bien les paroles des chansons, mais ils semblent avoir de l’humour.
C’est mon petit frère à qui l’on demandait ce qui lui ferait plaisir – il devait avoir commis un acte exceptionnel, à moins qu’il n’ait été particulièrement malade ou que ce ne soit son anniversaire – qui a demandé le 45 tours des zéros.
Avis donc aux héros et candidats au martyre : avant de vous lancer dans la carrière, prenez un instant et voyez la manière dont les gosses vous tiennent en considération ! Peut-être changerez-vous subitement d'avis.
samedi 2 août 2008
vendredi 1 août 2008
Bleu de méthylene
L’infirmière du collège avait un truc infaillible pour distinguer les faux malades des vrais : le bleu de méthylène !
Collège catholique oblige, elle n’avait rien d’une pin-up, rien qui risque d’échauffer les sangs des élèves. Sans parler de celui des quelques curés qui y vivaient encore - quand leur goût ne leur faisait pas préférer les jeunes garçons -. Chargée de la bonne santé de la population, mais surtout de veiller à chasser les resquilleurs. Il est vrai que les maladies se déclaraient souvent le matin d’une interrogation, ou celui d’une activité physique redoutée : un cross dans la neige, un travail de bucheronnage avec les ainés de l’école, un devoir pas fait ou une leçon pas apprise.
Simuler la fièvre n’était pas vraiment dans nos cordes. Trop aléatoire. La vieille fille ne nous aurait laissé aucune chance à ce petit jeu. Et sans nul doute aurait-elle été capable d’inventer quelque remède cent fois pire que la corvée que nous voulions éviter. Nous étions souvent téméraires, fous jamais !
Alors, quel que soit le mal, il fallait ouvrir grand la bouche, laisser voir notre gorge – il est vrai, admettait-elle – un peu rouge. Garder la bouche ouverte, juste par sécurité… Et elle de saisir une longue pince d’acier, avec la pince un bout d’ouate, de l’imbiber de bleu de méthylène, et de nous en badigeonner le fond de la gorge.
Le plus souvent, la maladie s’en arrêtait là. Si le traitement était déjà aussi cruel pour un mal qui n’existait que dans ses propres yeux rougis par la vieillesse et la solitude, qu’allait-elle imaginer pour les vrais maux ? Nous retournions à notre interrogation ou aux autres corvées. Soupirant, tentant de nous faire plaindre du professeur et de nos copains, mais certains en tout cas d'avoir de justesse échappé au pire. Sincèrement plaints même par certains enseignants qui savaient ce que nous venions d'endurer. N'aurions-nous pas été souffrants avant cette visite funeste, nous l'étions à coup sûr après !
Pendant une longue année, toute la semaine durant, j’ai donc soigneusement évité d’être malade. Et je dois reconnaître que, le jour où mes copains m’ont amené à elle les yeux gonflés par un jet de formol, le sens de l'urgence - et peut-être l'impression de vivre enfin un instant d'exception - lui a heureusement dicté d'éviter de suivre son protocole habituel. Me soignant pour ce que j’avais réellement plutôt que de veiller à entretenir une réputation déjà bien établie par plusieurs générations d'élèves.
L’année suivante, atteinte par la limite d’âge, elle n’était plus là.
Collège catholique oblige, elle n’avait rien d’une pin-up, rien qui risque d’échauffer les sangs des élèves. Sans parler de celui des quelques curés qui y vivaient encore - quand leur goût ne leur faisait pas préférer les jeunes garçons -. Chargée de la bonne santé de la population, mais surtout de veiller à chasser les resquilleurs. Il est vrai que les maladies se déclaraient souvent le matin d’une interrogation, ou celui d’une activité physique redoutée : un cross dans la neige, un travail de bucheronnage avec les ainés de l’école, un devoir pas fait ou une leçon pas apprise.
Simuler la fièvre n’était pas vraiment dans nos cordes. Trop aléatoire. La vieille fille ne nous aurait laissé aucune chance à ce petit jeu. Et sans nul doute aurait-elle été capable d’inventer quelque remède cent fois pire que la corvée que nous voulions éviter. Nous étions souvent téméraires, fous jamais !
Alors, quel que soit le mal, il fallait ouvrir grand la bouche, laisser voir notre gorge – il est vrai, admettait-elle – un peu rouge. Garder la bouche ouverte, juste par sécurité… Et elle de saisir une longue pince d’acier, avec la pince un bout d’ouate, de l’imbiber de bleu de méthylène, et de nous en badigeonner le fond de la gorge.
Le plus souvent, la maladie s’en arrêtait là. Si le traitement était déjà aussi cruel pour un mal qui n’existait que dans ses propres yeux rougis par la vieillesse et la solitude, qu’allait-elle imaginer pour les vrais maux ? Nous retournions à notre interrogation ou aux autres corvées. Soupirant, tentant de nous faire plaindre du professeur et de nos copains, mais certains en tout cas d'avoir de justesse échappé au pire. Sincèrement plaints même par certains enseignants qui savaient ce que nous venions d'endurer. N'aurions-nous pas été souffrants avant cette visite funeste, nous l'étions à coup sûr après !
Pendant une longue année, toute la semaine durant, j’ai donc soigneusement évité d’être malade. Et je dois reconnaître que, le jour où mes copains m’ont amené à elle les yeux gonflés par un jet de formol, le sens de l'urgence - et peut-être l'impression de vivre enfin un instant d'exception - lui a heureusement dicté d'éviter de suivre son protocole habituel. Me soignant pour ce que j’avais réellement plutôt que de veiller à entretenir une réputation déjà bien établie par plusieurs générations d'élèves.
L’année suivante, atteinte par la limite d’âge, elle n’était plus là.
jeudi 31 juillet 2008
Via secura
C’était du temps où la sécurité routière était nationale, et s’appelait Via Secura.
Un temps où les voitures étaient faites de tôle légère. Où les 4x4 étaient l’exception plutôt que de devenir la règle. Où les voitures étaient bien moins nombreuses, et la vitesse bien moindre. Où les enfants allaient encore tous à l’école à vélo ou à pied - et si la route prenait parfois son tribut, c'était encore assez exceptionnel pour que cela serve de leçon aux autres -. Où la rue, pourtant bien droite sur quelques centaines de mètres, nous servait de terrain de football.
Le plus étrange, rétrospectivement ?
La ceinture de sécurité. D’abord il n’y en avait tout simplement pas. Avant qu’elle ne soit installée sur les voitures. Mais personne ne l’utilisait. Puis qu’elle devienne obligatoire à l’avant. Mais la police ne contrôlait pas. Puis seulement à l’arrière. Combien de centaines de morts aura-t-il fallu avant qu’on ne prenne cette décision toute simple ? Et combien en faudra-t-il encore avant que les bus, les trams et les trains en soient aussi équipés.
Le casque moto ensuite. Imaginez-vous donc que, lui non plus, n’était pas obligatoire. Que beaucoup de motards roulaient sans. Et que la plus grande fantaisie régna ensuite sur les différents types de casques que l’on rencontra. Le bol avec sa garniture de cuir sur les oreilles est bien loin de la sécurité des casques intégraux actuels.
Sans parler du casque vélo. Et n’allez pas y voir les choses modernes et fluorescentes que portent nos cyclistes aujourd’hui. Que non. Un casque vélo, c’étaient simplement une série de boudins de cuir, remplis de je ne sais quoi. Par contre, comme sa version actuelle, alors que les cyclistes en reconnaissaient l’utilité – toute relative -, ils ne voulaient pas le porter. Trop chaud. Gênant. Et peu leur importait déjà la perspective de répandre leur cervelle sur le bitume.
Un temps où les voitures étaient faites de tôle légère. Où les 4x4 étaient l’exception plutôt que de devenir la règle. Où les voitures étaient bien moins nombreuses, et la vitesse bien moindre. Où les enfants allaient encore tous à l’école à vélo ou à pied - et si la route prenait parfois son tribut, c'était encore assez exceptionnel pour que cela serve de leçon aux autres -. Où la rue, pourtant bien droite sur quelques centaines de mètres, nous servait de terrain de football.
Le plus étrange, rétrospectivement ?
La ceinture de sécurité. D’abord il n’y en avait tout simplement pas. Avant qu’elle ne soit installée sur les voitures. Mais personne ne l’utilisait. Puis qu’elle devienne obligatoire à l’avant. Mais la police ne contrôlait pas. Puis seulement à l’arrière. Combien de centaines de morts aura-t-il fallu avant qu’on ne prenne cette décision toute simple ? Et combien en faudra-t-il encore avant que les bus, les trams et les trains en soient aussi équipés.
Le casque moto ensuite. Imaginez-vous donc que, lui non plus, n’était pas obligatoire. Que beaucoup de motards roulaient sans. Et que la plus grande fantaisie régna ensuite sur les différents types de casques que l’on rencontra. Le bol avec sa garniture de cuir sur les oreilles est bien loin de la sécurité des casques intégraux actuels.
Sans parler du casque vélo. Et n’allez pas y voir les choses modernes et fluorescentes que portent nos cyclistes aujourd’hui. Que non. Un casque vélo, c’étaient simplement une série de boudins de cuir, remplis de je ne sais quoi. Par contre, comme sa version actuelle, alors que les cyclistes en reconnaissaient l’utilité – toute relative -, ils ne voulaient pas le porter. Trop chaud. Gênant. Et peu leur importait déjà la perspective de répandre leur cervelle sur le bitume.
mercredi 30 juillet 2008
Les portes du penitencier
C’était du temps de Ceausescu.
Nous avions, je crois, débarqué du côté de Chilia Veche – sur le Nord du delta du Danube -, et on reprendrait le bateau à Sulina – sur les rives de la mer Noire -. C’était en Roumanie, du temps de Ceausescu, il y a 30 ans au moins.
Avec une bande de copain, nous nous étions enfoncés dans le delta. Dans la benne d’un tracteur, qui faisait transport public. Jusqu’à un village plus loin. A proximité des marais. Et des oiseaux sauvages. Nous campions au cœur du village, sur un espace ouvert, qui devait servir à tout. De place du village parfois, de terrain de foot, de salle de bal même.
La nuit tombée, les musiciens sont arrivés, et les danseurs. Un joueur de grosse caisse, l’autre d’accordéon. Je ne sais lequel a commencé. Ce devait être la grosse caisse : boum-boum, boum-boum, boum-boum. Comme un cœur qui bat. Boum-boum, boum-boum, encore et toujours. Puis l’accordéon de démarrer sur « The House of the Rising Sun » (Les portes du pénitencier pour ceux qui préfèrent Johnny Halliday), et de continuer sur le même air, sans fin. Les portes du pénitencier et le boum-boum du tambour dans la nuit du delta… Enfin, les danseurs qui s’y mettent. Quelques femmes, et bien trop d'hommes, chaloupant deux à deux – mais ils ne devaient pas être bien nombreux – dans leurs pauvres vêtements de paysans communistes. Piétinant doucement le sable de la piste de danse improvisée.
La nuit était totale. Et le village n’avait aucun éclairage. Ce bal improvisé non plus. Dans ma tente, la valse de l’accordéon - jouant et rejouant sans fin le même morceau -, le grondement de la grosse caisse, le frôlement des danseurs que l’on devine, ont servi de berceuse à un sommeil lourd, si lourd.
Leur danse était aussi sincère et pathétique que celle de l'ours enchainé et muselé par le Rom. Marchant tristement sur les routes de l'Est derrière la carriole à deux roues des nomades.
Nous avions, je crois, débarqué du côté de Chilia Veche – sur le Nord du delta du Danube -, et on reprendrait le bateau à Sulina – sur les rives de la mer Noire -. C’était en Roumanie, du temps de Ceausescu, il y a 30 ans au moins.
Avec une bande de copain, nous nous étions enfoncés dans le delta. Dans la benne d’un tracteur, qui faisait transport public. Jusqu’à un village plus loin. A proximité des marais. Et des oiseaux sauvages. Nous campions au cœur du village, sur un espace ouvert, qui devait servir à tout. De place du village parfois, de terrain de foot, de salle de bal même.
La nuit tombée, les musiciens sont arrivés, et les danseurs. Un joueur de grosse caisse, l’autre d’accordéon. Je ne sais lequel a commencé. Ce devait être la grosse caisse : boum-boum, boum-boum, boum-boum. Comme un cœur qui bat. Boum-boum, boum-boum, encore et toujours. Puis l’accordéon de démarrer sur « The House of the Rising Sun » (Les portes du pénitencier pour ceux qui préfèrent Johnny Halliday), et de continuer sur le même air, sans fin. Les portes du pénitencier et le boum-boum du tambour dans la nuit du delta… Enfin, les danseurs qui s’y mettent. Quelques femmes, et bien trop d'hommes, chaloupant deux à deux – mais ils ne devaient pas être bien nombreux – dans leurs pauvres vêtements de paysans communistes. Piétinant doucement le sable de la piste de danse improvisée.
La nuit était totale. Et le village n’avait aucun éclairage. Ce bal improvisé non plus. Dans ma tente, la valse de l’accordéon - jouant et rejouant sans fin le même morceau -, le grondement de la grosse caisse, le frôlement des danseurs que l’on devine, ont servi de berceuse à un sommeil lourd, si lourd.
Leur danse était aussi sincère et pathétique que celle de l'ours enchainé et muselé par le Rom. Marchant tristement sur les routes de l'Est derrière la carriole à deux roues des nomades.
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mardi 29 juillet 2008
Visa pour le monde
Tous les dimanche après-midi, la Belgique regardait « Visa pour le monde » !
Chaque semaine on voyageait avec les candidats du jeu concours. On tremblait avec eux. On rêvait comme eux de ce prix incroyable : un tour du monde. Un vrai. Comme celui de Jules Verne, ou de Magellan. Un de ces cadeaux énormes, formidables et – somme toute - totalement inutiles. Qui en faisaient donc encore plus rêver !
Quand le candidat ne connaissait pas la réponse, il pouvait faire appel au téléphone. Demander pour ce faire une valise. « Maryse, une valise ! » entendrai-je encore résonner dans un coin de ma tête, chaque fois que je penserai à « Visa pour le Monde ».
Chaque semaine on voyageait avec les candidats du jeu concours. On tremblait avec eux. On rêvait comme eux de ce prix incroyable : un tour du monde. Un vrai. Comme celui de Jules Verne, ou de Magellan. Un de ces cadeaux énormes, formidables et – somme toute - totalement inutiles. Qui en faisaient donc encore plus rêver !
Quand le candidat ne connaissait pas la réponse, il pouvait faire appel au téléphone. Demander pour ce faire une valise. « Maryse, une valise ! » entendrai-je encore résonner dans un coin de ma tête, chaque fois que je penserai à « Visa pour le Monde ».
lundi 28 juillet 2008
Univers (Tout l')
« Tout l’Univers » était à l’Encyclopedia Universalis et au dictionnaire Larousse ce que « la tour de garde » est à la Bible: rien qu'une divagation pitoyable sur le même thème.
Pas plus que des rumeurs, l’Internet n’a été la première à enfanter d'approximations douteuses. Elles étaient là bien avant. Pour notre plus grand malheur, certains de nos instituteurs avaient de bien piètres lectures. Et dans le monde agité par la tornade du modernisme des années 50 et 60, où la télévision ne prenait pas grand place encore, les lectures, et leur choix, faisaient évidemment l’homme.
Il y avait ceux qui ne se rendaient pas compte que le monde changeait. Qui, du fond d’un grenier, d’un coin de remise dans l’école communale, extrayaient un bout de livre qui, croyaient-ils, expliquait tout. Le monde. La vie. Les choses. Pour peu que le livre soit de qualité, ce n’était pas bien grave. Ils se rendaient vite compte, avec nous, que Malmedy n’était plus en Prusse depuis longtemps et que leurs manuels ne nous livreraient aucune explication sur le fonctionnement de la locomotive diesel. Et s’ils parlaient d’un monde un peu couvert de poussière, encore celui-ci était-il solide et véridique. Un peu trop peuplé d'exemples anciens, d'objets et de personnages qui voguaient vers l'oubli. Mais, reconnaissons-le, les baignoires qui fuient et les robinets qui coulent ainsi que les trains qui roulent l'un vers l'autre n'ont pas, du jour au lendemain, changé les lois de la mathématique sous l'effet de l'apparition du vinyl, du diesel ou de la généralisation de l'eau chaude dans les salles de bain.
Il y avait ensuite ceux qui ne juraient – déjà – que par la vulgarisation. Parce que, le plus souvent, c’était la seule qu’ils comprenaient. Ils étaient faciles à reconnaître eux aussi, s'enthousiasmant, au fil des parutions de Science et Vie ou d’un article dans la presse, pour tel ou tel nouveau sujet. Tête baissée, ils fonçaient vers le futur. Déliraient tout éveillés, avec les auteurs d’alors, sur cet an 2000 qui nous semblait si éloigné. Mais finalement, ils n’y comprenaient pas grand-chose. Tout juste attachés aux épiphénomènes – le poids du téléphone bracelet, la taille de la fusée qui nous emmènerait sur la lune et le nombre exact des passagers, la vitesse du train -, ils en oubliaient de nous enseigner l’essentiel : quelle technique ou quelle loi de la physique permettrait ces futurs et si prochains miracles. Semblaient tenir pour négligeable que nous serions de ces temps, qu'ils décrivaient dans leur folie anticipationiste, pour leur donner un jour tort ou raison. Au moins leur passion valait-elle la peine d'être transmise à la génération montante.
Les derniers enfin – il y a prescription, mais permettez-moi de ne pas citer de nom -, imbus de leur ignorance, le mégot fumant au coin de la bouche, la baguette à la main – qui claquait sur le tableau, sur une table, sur une main parfois -, pitoyables missionnaires de l’approximation, répétaient – mal – ce qu’ils avaient lu dans des publications douteuses. Et, si par hasard le doute émergeait malgré tout d’une tête ainsi quotidiennement lobotomisée, l’argument d’autorité était toujours le même : c’était écrit dans « Tout l’Univers ». C'était donc vrai ! De même qu'avant eux, et aujourd'hui encore, de stupides censeurs de toutes les religions ont toujours prétendu dicter les formes du monde au gré du grand livre de leurs propres ignorances !
Pas plus que des rumeurs, l’Internet n’a été la première à enfanter d'approximations douteuses. Elles étaient là bien avant. Pour notre plus grand malheur, certains de nos instituteurs avaient de bien piètres lectures. Et dans le monde agité par la tornade du modernisme des années 50 et 60, où la télévision ne prenait pas grand place encore, les lectures, et leur choix, faisaient évidemment l’homme.
Il y avait ceux qui ne se rendaient pas compte que le monde changeait. Qui, du fond d’un grenier, d’un coin de remise dans l’école communale, extrayaient un bout de livre qui, croyaient-ils, expliquait tout. Le monde. La vie. Les choses. Pour peu que le livre soit de qualité, ce n’était pas bien grave. Ils se rendaient vite compte, avec nous, que Malmedy n’était plus en Prusse depuis longtemps et que leurs manuels ne nous livreraient aucune explication sur le fonctionnement de la locomotive diesel. Et s’ils parlaient d’un monde un peu couvert de poussière, encore celui-ci était-il solide et véridique. Un peu trop peuplé d'exemples anciens, d'objets et de personnages qui voguaient vers l'oubli. Mais, reconnaissons-le, les baignoires qui fuient et les robinets qui coulent ainsi que les trains qui roulent l'un vers l'autre n'ont pas, du jour au lendemain, changé les lois de la mathématique sous l'effet de l'apparition du vinyl, du diesel ou de la généralisation de l'eau chaude dans les salles de bain.
Il y avait ensuite ceux qui ne juraient – déjà – que par la vulgarisation. Parce que, le plus souvent, c’était la seule qu’ils comprenaient. Ils étaient faciles à reconnaître eux aussi, s'enthousiasmant, au fil des parutions de Science et Vie ou d’un article dans la presse, pour tel ou tel nouveau sujet. Tête baissée, ils fonçaient vers le futur. Déliraient tout éveillés, avec les auteurs d’alors, sur cet an 2000 qui nous semblait si éloigné. Mais finalement, ils n’y comprenaient pas grand-chose. Tout juste attachés aux épiphénomènes – le poids du téléphone bracelet, la taille de la fusée qui nous emmènerait sur la lune et le nombre exact des passagers, la vitesse du train -, ils en oubliaient de nous enseigner l’essentiel : quelle technique ou quelle loi de la physique permettrait ces futurs et si prochains miracles. Semblaient tenir pour négligeable que nous serions de ces temps, qu'ils décrivaient dans leur folie anticipationiste, pour leur donner un jour tort ou raison. Au moins leur passion valait-elle la peine d'être transmise à la génération montante.
Les derniers enfin – il y a prescription, mais permettez-moi de ne pas citer de nom -, imbus de leur ignorance, le mégot fumant au coin de la bouche, la baguette à la main – qui claquait sur le tableau, sur une table, sur une main parfois -, pitoyables missionnaires de l’approximation, répétaient – mal – ce qu’ils avaient lu dans des publications douteuses. Et, si par hasard le doute émergeait malgré tout d’une tête ainsi quotidiennement lobotomisée, l’argument d’autorité était toujours le même : c’était écrit dans « Tout l’Univers ». C'était donc vrai ! De même qu'avant eux, et aujourd'hui encore, de stupides censeurs de toutes les religions ont toujours prétendu dicter les formes du monde au gré du grand livre de leurs propres ignorances !
dimanche 27 juillet 2008
Telegramme
Télégramme et telex on rejoint le musée où le fax les rejoindra bientôt !
Le telex, c’était pour les entreprises, pour les banques. Pour des communications super importantes. Pas pour le peuple.
Le télégramme, c’était aussi important. Le messager des grands moments : une naissance, un décès. Celui des urgences aussi. Il atteignait même ceux qui n’avaient pas le téléphone.
Un statut d’autant plus particulier qu’il figurait dans tous les types de récits : dans la bande dessinée, dans les romans, dans les sketches et dans les chansons…
Tout le monde connaissait le télégramme. Mais combien en ont effectivement reçu ? Pour ma part, j’en ai seulement une fois tenu un en main… Qui ne m’était même pas destiné et que je n’ai donc jamais lu. Mais, plus étrange encore, il me semble me souvenir d'en avoir un jour envoyé un. Raté encore... celui là non plus, je ne l'ai ni reçu, ni lu !
Le telex, c’était pour les entreprises, pour les banques. Pour des communications super importantes. Pas pour le peuple.
Le télégramme, c’était aussi important. Le messager des grands moments : une naissance, un décès. Celui des urgences aussi. Il atteignait même ceux qui n’avaient pas le téléphone.
Un statut d’autant plus particulier qu’il figurait dans tous les types de récits : dans la bande dessinée, dans les romans, dans les sketches et dans les chansons…
Tout le monde connaissait le télégramme. Mais combien en ont effectivement reçu ? Pour ma part, j’en ai seulement une fois tenu un en main… Qui ne m’était même pas destiné et que je n’ai donc jamais lu. Mais, plus étrange encore, il me semble me souvenir d'en avoir un jour envoyé un. Raté encore... celui là non plus, je ne l'ai ni reçu, ni lu !
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