samedi 16 août 2008

Tour de la Baraque Michel

En face de la Baraque Michel, il y avait une tour. On ne voyait qu’elle.

La Baraque Michel, pour nous, c’était la tour. Il y a une vingtaine d’année, elle était encore là. Son étrange silhouette se découpant sur le ciel du plateau des hautes fagnes. Quant à l’escalader, il n’en était plus question depuis longtemps. Si longtemps que je ne me souviens pas vraiment de l’avoir jamais fait !

vendredi 15 août 2008

Machine à écrire

Rythmée la frappe de la machine à écrire. Tac, tac, tac
Ting faisait elle en bout de course
Trrt on la ramenait à sa place et en même temps le rouleau faisait avancer le papier d’une ligne
Puis la frappe reprenait
C’était tellement une chanson qu’un compositeur s’en est emparé

Ecoutez donc « Typewriter » de Leroy Anderson, et vous saurez un peu ce que représentait la machine à écrire dans notre univers sonore. Ce n’était évidemment pas aussi musical. Pas aussi rythmé, ni aussi construit. Mais tout y est. Nous avions alors des machines qui semblaient chanter. Ecoutez aussi « Pacific 231 » de Honegger. Nous étions les enfants de la musique urbaniste des années 20. Ecoutions des machines, les entendions élaborer leur mélodie. Le moteur de la Panhard. Le murmure du moteur de la machine à coudre Singer, ou le cliquetis et les chuintements du pédalier sur les modèles plus anciens.
Si les musiques d’aujourd’hui battent – égoïstement et violemment – au rythme de notre cœur, celles d’alors tenaient le leur de ce qui les entourait.
Mais la machine à écrire c’était aussi le ruban bicolore… c’était le papier carbone… Et une odeur de métal bien propre.
Et tant pis pour ceux qui n’ont connu que l’ordinateur !

jeudi 14 août 2008

Lapin de Pâques

Les œufs de Pâques sont apportés par le lapin de Pâques !

Cloches ou lapin ? Les informations que nous recevions des adultes étaient contradictoires.
Les cloches étaient bien parties pour Rome. Il était facile de s’en rendre compte puisqu’elles ne sonnaient plus ni les heures, ni l’appel à la messe. Mais, techniquement, ni le transport – la cloche est, par définition, ouverte vers le bas, et peut difficilement servir, à moins d’être tenue à l’envers, à transporter quoi que ce soit – ni la distribution – les œufs paraissant en relativement bon état au moment où nous les ramassions, il était peu crédible qu’ils aient été largués du ciel – ne penchaient en faveur de cette hypothèse.

Par contre, la façon dont certains œufs étaient cachés, et le fait que cela se passe dans le jardin, pouvaient faire pencher vers l’hypothèse de l’action du lapin. Restait là aussi la difficile question du transport. Un lapin ne se tient pas sur deux pattes. Ne porte pas de hotte. Et aucune de ces représentations ne suffisait à nous faire imaginer l’acte technique d'un lapin livrant de telles quantités d'oeufs, véritables ou en chocolat.
Comment dans ces conditions aurions nous pu croire très longtemps à ces fables ?

mercredi 13 août 2008

Soirées diapositives

Si votre beau frère – celui là qui rit si bêtement et dont vous ne comprendrez jamais comment il a fait pour épouser votre sœur - insiste pour vous montrer ses vidéos de vacances, dites-vous que l’époque a changé, et que vous n’avez échappé - de dix années au moins - aux soirées diapositives que pour tomber dans pire encore !

Les soirées diapositives, c’était comme les maladies d’enfance. Pénible, douloureux parfois, mais il suffisait d’attendre que ça passe.

La forme la plus courante : les diapos de vacances.
Ca, c’est notre départ. La famille devant la voiture. Avec tout le chargement. Ca, c’est le premier parking où on s’est arrêtés. Martine était malade. Elle ne supporte pas la voiture. Trois images, et trois parkings plus loin, c’était enfin l’entrée du camping. Et l’impression qu’on allait devoir revivre – image par image et en temps réel – l’ensemble des vacances stupides et banales au camping de Blankenberge de la famille Dupneu. En plus, pas question de pause publicitaire, pour chercher asile à la toilette – non, les toilettes, c’est pour les Français -. Faites mine d’avoir un besoin pressant et le projectionniste compatissant patientera le temps qu’il faut pour que vous ne ratiez pas une image de l’expédition. Et encore, s’il y avait des chips en quantité. Que nos papilles et notre tube digestif puissent au moins nous communiquer des signaux, des informations positifs au lieu de ces platitudes, de ces alignements de lieux communs et ces visions de paysages et personnages sans charmes qui défilent à l’écran.

Déjà, on pense stratégie. Vaudra-t-il mieux y aller aussi l’an prochain – pour pouvoir dire qu’on connaît - ? Ou bien proclamer son amour exclusif de la montagne, son allergie à la mer – même sur pellicule, qui, sait-on, pourrait aussi être porteuse d’un excès d’iode - ? La cause, il fallait se l’avouer, était toujours désespérée. Mieux valait rêver à des issues plus réalistes : le divorce – et couper tous les ponts évidemment avec le beau-frère -, le veuvage – apparemment élégant et définitif, mais ma sœur pourrait se remarier avec pire ! -, le vol du matériel – mais le beau frère est bien assuré -,… Et enfin, à rechercher une issue, notre esprit était libre. Les diapositives pouvaient continuer de défiler. Il nous suffisait de dodeliner de la tête. D’émettre quelque grognement au gré de pensées qui n’avaient rien à voir avec les images. Le plus grave était passé.

Plus raffiné : le montage audio-visuel.
Et c’est bien de raffinement qui s’agit ici. De celui qui permet que l’épreuve en devienne presque un plaisir - rarement -. De belles images, de manière rythmée, sur une musique appropriée. Et pas trop longtemps. Ajoutez-y un commentaire intelligent. Et vous sortiez d’un tel montage avec l’impression d’avoir reçu, sinon appris, quelque chose. Apaisé, détendu.

Mais ne vous faites aucune illusion. Ces expériences étaient aussi rares que précieuses. Car le raffinement pouvait être celui de la torture. Vous assommant de musiques toujours les mêmes (Popcorn et Oxygène neuf fois sur dix). Multipliant les images banales, ratées et répétitives; et montrant en cinquante photos ce que deux vous avaient déjà fait comprendre: il n'y avait rien à comprendre ni à espérer ! Vous vous agitiez sur votre chaise. Cherchant un peu de ce confort qui ne venait pas de la projection. Soupiriez. Tentiez d’étendre vos jambes. Ressentiez l’étouffement déjà – cette salle manque d’air, il y fait trop chaud – ou l’engourdissement par le froid. Comme une chape de béton qui descendait sur le public.
Votre seul espoir : que le projecteur tombe. Que l’ampoule éclate. Une panne de courant. Un incendie s’il vous plait. Non, surtout pas. Seigneur, que votre volonté soit faite. Laisser ces moments de douleur s’achever. Que leur auteur ne se doute de rien et n’ait aucun prétexte – surtout – à prononcer la sentence fatidique : "Puisque tout le monde semble avoir apprécié, il nous reste le temps de repasser le montage une fois encore !"

mardi 12 août 2008

Jonquilles

La jonquille c’est le printemps !

Le muguet, c’est bien beau. Ca sent bon. Le seul problème – et de taille – c’est que le client l’attend pour le 1er mai. Et que, sous nos latitudes, et encore plus à l’altitude où je vivais alors, le 1er mai, il n’y avait pas vraiment trace de muguet. S’enrichir de sa cueillette était donc exclu.
Des jonquilles, par contre, il y en avait. Et, finalement, peu importait la date. Quand elles apparaissaient, nous allions en cueillir. Juste un bouquet pour notre mère. Pour la maison. Le plus gros possible. Les tiges et les feuilles bien serrées. Qui ne fassent pas sentir qu’une heure après déjà, elles n’étaient plus aussi belles, plus aussi vivantes qu’elles ne l’étaient dans le sous bois. Mais au moins, faisaient-elles entrer un peu de printemps dans les maisons.
Et, puisqu’elles étaient si simples à cueillir. Nous en ferions donc le commerce. Il y en avait pour des centaines de bouquets. Que les milliers d’acheteurs de la ville se battraient pour acquérir. La fortune était à portée de main.

Partis donc pour une belle carrière commerciale. Prudents tout de même. Avant de nous lancer à grande échelle, nous faisions notre étude de marché. Quatre ou cinq bouquets chacun seraient suffisants comme échantillons. Et les voisins représentatifs de notre cible. Il ne fallait évidemment pas exagérer sur les prix. Vingt francs – nous comptions alors en francs belges – serait-ce trop ? Quinze ne seraient-ils pas mieux ? Les premiers clients – bien que souriants – plutôt que de participer à un commerce promis au plus bel avenir, semblaient nous faire l’aumône. Et dix maisons plus loin, nous bradions déjà ce qu’il nous restait de marchandise. Deux bouquets pour le prix d’un. Puis trois pour la même somme. Pourvu que la chose finisse.
Evanouies les illusions de fortune facile. Abandonnées toutes les ambitions d’une brillante carrière dans les affaires, de succursales à Bruxelles, Liège et Verviers. Mais au moins, nous avions passé une excellente journée dans les bois puis dans les rues.
Que pourrions-nous bien inventer pour le lendemain ?

lundi 11 août 2008

Coucou

Quand avez-vous donc, pour la dernière fois, entendu le coucou chanter ?
Pour ma part - hasard - c’était il y a quelques semaines seulement, du côté de Brugge… et la fois d’avant, il y a dix ans au moins, quinze peut-être, dans mon jardin !

Je ne parle pas de l’horloge suisse ou de la forêt noire. Savez-vous que dans le temps, il y avait un oiseau qui s’appelait comme ça ? Quand le coucou chantait, on ne manquait pas – et je le fais encore – de vérifier qu’on avait bien de l’argent dans les poches: des pièces si possible - la tradition ne s'est pas encore vraiment habituée aux billets de banque -. Il parait qu’à cette condition seulement il portait chance et fortune !

Le chant du coucou était aussi synonyme de beau temps. En mai ou en juin. Par grand soleil. Les deux notes résonnaient. Se répétaient. Mais rares sont ceux qui pouvaient affirmer l’avoir vu. Le coucou ne se montrait pas. Dans son discret costume gris, malgré sa taille respectable, il préférait se cacher des hommes. Etonnant pour cet oiseau que tout le monde connaissait. Le seul dont, à coup sur, les plus incompétents en matière de nature - et n'importe quel citadin - pouvaient imiter le chant. Une vedette des magazines et de la télévision aussi, dont les reportages nous montraient les habitudes bizarres, cruelles et parasites de reproduction.

Hirondelle, moineau, coucou… à eux trois ils étaient les plus forts symboles de la vie ailée d’alors.

dimanche 10 août 2008

Hirondelle

D’un coup de balais rageur, la voisine faisait éclater les nids d’hirondelle – excédée du manège des volatiles qui conchiaient, prétendait-elle, sa façade -.

En dehors du centre-ville, chaque bloc d’habitation abritait quelques nids d’hirondelles de fenêtre. Frêle ouvrage de maçonnerie. Qu’on aurait pu croire fait de ces boulettes de papier mâché dont nous maculions les plafonds des classes et réfectoires. Ballet incessant des parents exhibant l’éclat de leur cul blanc comme un jockey sa casaque d’or. Stridulation incessante.
Les hirondelles de cheminées, elles, plus discrètes et plus dignes - un rien prétentieuse avec leur costume de gala -, se réservaient les étables des fermes.

L’hirondelle des champs – queue de pie et masque de sang, comme pour un bal de la haute – semblait ainsi mépriser l’hirondelle des villes – ouvrière endimanchée -.

Elles nous disaient la saison, comme l’horloge dit l’heure. Leur apparition, au printemps – l’hirondelle de cheminée précédant de plusieurs semaines celle de fenêtre – était synonyme de beaux jours et de floraisons. Et leur danse nous faisait souvent ne pas remarquer l’arrivée tardive du martinet, leur cousin.

Bien trop tôt aussi, les congrégations sur les fils électriques d’oiseaux semblant s’entrainer au chant choral nous faisaient sentir qu’il était grand temps de profiter des beaux jours avant l'automne. Qu’il serait bientôt trop tard pour courir les rues en manches courtes. Que les soirées se feraient de moins en moins longues, et de plus en plus noires.